Chercheurs et archéologues fouillent le site archéologique de Cuiry-lès-Chaudardes

09 septembre 1976
05m 23s
Réf. 00601

Notice

Résumé :

C'est lors de repérages aériens qu'a été repéré le site de Cuiry-lès-Chaudardes. Michel Boureux, attaché à l'archéologie au comité du tourisme de l'Aisne donne des précisions sur ces repérages et sur les fouilles. C'est le premier village néolithique d'agriculteurs sédentaires venant d'Europe centrale repéré dans la partie nord de la France. On retrouve les traces des poteaux de soutènement de maisons en torchis et des fosses remplies de détritus de poteries, d'outils...

Date de diffusion :
09 septembre 1976
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

Le site de Cuiry-lès-Chaudardes (1) , localisé sur la rive droite de l'Aisne (2), dans un large méandre, a été repéré en 1972 par M Boureux au cours d'une prospection aérienne. De 1972 à 2000, plusieurs interventions archéologiques de sauvetage ont été réalisées par une équipe du CNRS dans le cadre d'un programme de surveillance de gravières de la vallée de l'Aisne.

Les vestiges les plus anciens appartiennent à un village néolithique construit, il y a environ 6000 ans par des agriculteurs sédentaires venant d'Europe centrale (période du Rubané récent du Bassin Parisien). Il s'agit du premier village fouillé sur une aussi grande surface (6 ha) dans la partie nord de la France. Il est situé dans une zone non inondable, à 260 m de la rivière située au sud. Il pouvait regrouper entre 60 et 90 personnes environ. Il se développe selon un un schéma d'organisation précis, principalement dans la moitié occidentale du site, avec quelques maisons sont isolées à l'est. Les fouilles ont permis de mettre au jour 33 maisons construites durant une centaine d'années, avec en moyenne six maisons contemporaines par phase. Ces maisons montrent une grande uniformité architecturale. Elle étaient initialement élevées en torchis, avec toit en double pente, en roseaux et en chaume. De forme rectangulaire ou légèrement trapézoïdale, elles comportent cinq rangées longitudinales de poteaux subdivisant l'espace interne en trois travées. Leur largeur varie de 5 à 8 m, et leur longueur de 8 à 37 m. Les entrées sont systématiquement orientées à l'est, afin de prendre en compte la direction des vents. C'est l'une de ces maisons qui a servi de modèle à une reconstitution visible à Samara. L'étude archéozoologique, qui a été réalisée à partir des 57 000 ossements d'animaux exhumés, témoigne de la prédominance du cheptel domestique (bovins, moutons et porcs), même si les animaux chassés (notamment du cerf, du chevreuil, de l'aurochs, du sanglier et du castor) entraient également pour une part importante dans l'alimentation. Une grande variété d'artefacts lithiques en silex et en quartzite (armatures de faucilles, pointes de flèches,...) a été recueillie, ainsi que plus de 50 000 tessons de céramique. On distingue notamment de grands récipients présentant parfois un décor modelé, des petits vases de finition plus soignée, avec éventuellement un décor de motifs incisés ou imprimés.

Des occupations plus récentes ont également été relevées :

Une occupation Michelsberg (entre 4300 à 3700 avant n.è.) s'étend sur une surface un peu plus restreinte. Elle est matérialisée par des fosses, le plus souvent cylindriques, associées à des trous de poteaux, la plupart du temps, sans organisation apparente.

Deux monuments funéraires circulaires sont datés de l'Age du Bronze.

A l'Age du Fer, appartiennent un habitat du Hallstatt, un établissement rural de La Tène finale et une ferme indigène du début de l'époque romaine. Une sépulture "monumentale" de cette dernière période a livré 9 vases, 9 perles de collier en verre et un dépôt de porc et d'oiseau. Une amphore semble avoir été déposée sur la sépulture.

(1) Lamys Hachem. Le site néolithique de Cuiry-lès-Chaudardes – I. De l'analyse de la faune à la structuration sociale permanente, Internationale Archäologie 120, 2011.

(2) Blaise Pichon. Carte archéologique de la Gaule. L'Aisne 02. Paris : Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 2002.

Tahar Ben Redjeb

Transcription

(Musique)
Vincent Leclercq
La vallée de l’Aisne est une région riche en sites archéologiques. Malheureusement, jusqu'à maintenant, ils n’étaient pratiquement pas exploités et étaient détruits lors d’installations d’industries le long de la rivière ou par la création de canaux et de routes. Dans le cadre d’un programme de sauvetage de ces sites, le département de l’Aisne et le secrétariat d’Etat aux affaires culturelles ont décidé de recenser les sites et de dresser une carte archéologique. Ce programme comprend aussi la surveillance de la vallée notamment lors d’importants travaux sur une longueur d’environ 80 kilomètres. C’est par l’observation aérienne que le site de Cury-lès-Chaudardes a été découvert comme l’explique monsieur Bourreux, attaché archéologique au tourisme de l’Aisne.
(Musique)
Vincent Leclercq
Mais comment repérez-vous un site ?
Michel Bourreux
C’est une affaire d’expérience, et l’on s’appuie sur des anomalies visibles à l’oeil à la surface des champs, surtout des anomalies sur les céréales au cours de la croissance de ces dernières. Et aussi des anomalies sur les sols nus. Mais la plupart des renseignements sont fournis sur les céréales dont la croissance est tributaire de la qualité du sous-sol.
Vincent Leclercq
Donc vous repérez ça en analysant les photos ?
Michel Bourreux
Eh bien, on analyse les photos après la prise de vue, mais durant la mission, on photographie tout ce qui est susceptible d’apporter des renseignements nouveaux. Lors de la prospection, un ensemble de taches sont apparues dans ce secteur qui ont attiré notre attention. Et en regardant ces taches avec beaucoup plus d’attention encore, nous avons pu voir apparaître les trous de poteaux d'une très grande maison néolithique.
(Musique)
Intervenant
Ce site est un des… pratiquement le premier… l’un des premiers villages d’agriculteurs sédentaires dans toute la partie nord de la France.
Vincent Leclercq
Et il y en a beaucoup dans l’Aisne ?
Intervenant
Oui, il y en a un certain nombre dans l’Aisne. Il y en a à peu près tout le long du cours de l’Aisne, tous les 3 ou 4 kilomètres.
Vincent Leclercq
Et d’où venaient-ils ?
Intervenant
Ils viennent d’Europe centrale. C’est une… L’agriculture apparait dans le monde entier, enfin, se forme dans le sud-est de l’Europe et au Moyen-Orient vers -8000, -9000, et se diffuse progressivement dans l’ensemble de l’Europe. Et cette civilisation qui prend naissance en Europe centrale vers 5000 à peu près colonise progressivement toute l’Europe dans toutes les directions et arrive en France, enfin dans cette région à peu près vers -4000, en descendant le long des rivières.
Vincent Leclercq
Dès la découverte du site, les travaux de recherche ont commencé. Ils sont menés par des chercheurs du CNRS, des professeurs et étudiants de l’université Paris I et par quelques jeunes de la région. La mise en route d’un tel chantier pose toujours quelques problèmes. Le site était au milieu d’un champ de blé. Il a fallu d’abord acheter la récolte de l’agriculteur et surtout obtenir son autorisation pour faire les travaux car il faut nettoyer le terrain en ôtant toute la terre arable. Pour le profane, rien de spectaculaire sur le chantier : des trous tous les 50 centimètres.
(Musique)
Intervenant
Ces trous sont tout ce qui reste de ces maisons préhistoriques. C’étaient des maisons qui étaient construites uniquement en bois, poteaux de bois et des murs en torchis. Donc une fois qu’elles ont été abandonnées, le bois a pourri. Le torchis qui n’était pas… qui était seulement séché, est retourné à la terre. Donc il ne peut plus rien en subsister sauf les fondations même, c'est-à-dire ces trous qui ont été creusés pour chacun des poteaux à la fois des murs et de soutènement du toit de la maison.
Vincent Leclercq
Et les traces brunes représentent des poteaux ?
Intervenant
Alors plus exactement, on voit apparaître une trace brune ronde qui fait, là, dans le cas présent, à peu près 60-70 centimètres de diamètre, qui sont plus ou moins profondes. Et une fois qu’on a localisé cette tache brune, on en fouille la moitié pour avoir la coupe, pour avoir la forme exacte et pour bien être certain de ce que c’est.
Vincent Leclercq
Grâce à l’analyse de chacun de ces trous, on a pu reconstituer la forme des maisons. Il s’agissait de maisons en bois et torchis d’environ 40 mètres de long et dont le toit était à double pans. Le village s’étendait sur 3 à 4 hectares. Les hommes qui y habitaient étaient de type méditerranéen. Ils cultivaient du blé, de l’orge, des légumes et pratiquaient l’élevage. Mais les traves de poteaux encore visibles sur le sol ne sont pas les seules indications dont disposent les chercheurs.
Intervenant
Outre les traces des maisons, on trouve les fosses qui sont creusées le long des maisons pour extraire des matériaux de construction. Et c’est ces fosses qui sont réutilisées, ensuite, comme fosse à déchets dans lesquelles on retrouve les morceaux de poterie, tous les outils en pierre usagés, et puis beaucoup de restes d’animaux qui étaient consommés ensuite jeté, ce qui permet de savoir quels étaient les animaux élevés, les animaux chassés, etc.
Vincent Leclercq
C’est très important pour les recherches ?
Intervenant
Oui, c’était capital. C’est essentiellement là qu’on retrouve ces objets qui permettent de caractériser la civilisation et le mode de vie.
Vincent Leclercq
Chaque morceau de poterie ou d’os répertorié est fiché sur ordinateur ainsi que tous les relevés effectués sur le terrain. Ils constituent autant d’informations qui permettent peu à peu de reconstituer la vie et les moeurs des hommes qui vivaient là il y a 6000 ans.
(Musique)