Les routes littéraires de l'Aisne et de l'Oise

30 novembre 1997
05m 49s
Réf. 00713

Notice

Résumé :

Présentation des routes littéraires de l'Aisne et de l'Oise, que l'on pratique à pied, avec un guide. Dans la vallée de l'Automne, de Villers-Cotterêts à Coyolles, on côtoie Alexandre Dumas et Gérard de Nerval. On découvre les traces de Jean Jacques Rousseau à Ermenonville, puis on poursuit avec le musée Jean de La Fontaine à Château-Thierry, puis celui de Racine dans sa maison natale de La Ferté-Milon. Enfin, Paul Claudel qui est également passé dans l'Aisne : à La Ferté, mais surtout à Villeneuve-sur-Fère. En conclusion, le président de l'association ADENOVE nous fait part de ses projets culturels.

Type de média :
Date de diffusion :
30 novembre 1997
Source :
France 3 (Collection: 6 Minutes )

Éclairage

Derrière les activités de l'Association "Adenove" active à l'époque de la diffusion de ce document en 1997 mais dont la pérennité ne semble pas ressortir clairement d'une recherche sur Internet en 2013, s'impose une évidence qu'il est bon de souligner. À savoir ce fait que la Picardie est une région et plus généralement un espace dont la richesse tient à ses écrivains. Cela fut constamment vrai du Moyen Âge jusqu'à nos jours. La raison provient sans doute de sa situation intermédiaire entre Paris, le centre du pouvoir, Reims en Champagne la capitale des sacres et de la vigne mais aussi les villes commerçantes des Flandre, Arras et Lille en particulier. On sait l'importance mythique que devait ainsi prendre la fameuse "route des Flandres" dans l'imagination d'un Gérard de Nerval, par exemple. L'enfant élevé à Mortefontaine avait de bonnes raisons de rêver à l'Allemagne où son père médecin militaire avait suivi les armées napoléoniennes en compagnie de sa femme, morte et enterrée en Silésie. Devenu écrivain, il s'affirmerait comme l'un des premiers "germanistes" de la littérature française et l'un des romantiques européens les plus radicaux. Longtemps on oublia très facilement que la Picardie constituait la frontière nord de la France et donc plus brutalement encore la frontière avec le Nord. De la forteresse de Péronne édifiée par Philippe Auguste, le vainqueur de Bouvines en 1214 contre une coalition de Flamands et d'Allemands jusqu'à l'Historial de la Guerre 14-18 qui l'occupe aujourd'hui, de la bataille de Saint-Quentin remportée en 1557 par Philippe II le roi d'Espagne sur le roi de France Henri II jusqu'à la reconquête de la Flandre française par Louis XIV au Traité d'Utrecht en 1713, cette frontière que fut et demeure, moins tragiquement bien sûr, la Picardie fut cependant le lieu d'une constante opposition entre cultures germaniques, anglaises et romaines. À quoi l'on ajoutera que la langue et la culture picarde originelle, prise dans l'étau, offrait aux populations locales le refuge de l'ironie, du scepticisme, d'une profonde acuité dans le regard et le propos, leur permettant de survivre au milieu du chaos. Il n'est pas impossible que toutes ces dimensions contradictoires de fuite et de résistance aient pu favoriser l'épanouissement de la littérature. Au XVIIe siècle ce sont La Fontaine et Racine qui viennent au devant de la scène, à Château-Thierry et La Ferté-Milon, eux que les alliances matrimoniales (La Fontaine épouse une jeune fille de la Ferté-Milon, parente de Racine) vont rapprocher, de même que leur proximité au pouvoir grâce à la protection de madame de Montespan. On notera toutefois, en ce domaine, de réelles nuances entre l'ironie grinçante du fabuliste et l'adhésion courtisane de l'historiographe. Plus tard apparaîtra le couple romantique Alexandre Dumas et Gérard de Nerval, natifs de Villers-Cotterêts et Mortefontaine, futurs camarades de voyage sur le Rhin, grands amateurs du drame romantique tous les deux. Plus tard encore ce seront les enfants Claudel, Paul et sa sœur sculptrice Camille, grandis dans la maison familiale de Villeneuve-sur-Fère. À quoi l'on doit ajouter, bien évidemment, les écrivains visiteurs de la région, Jean-Jacques Rousseau au premier chef, terminant sa vie au château d'Ermenonville et composant un herbier aujourd'hui exposé au Musée Jacquemart André de Chaalis. On conçoit donc que la lecture de tous ces écrivains puisse et doive s'accompagner de promenades sur leurs traces. On pourrait aussi bien imaginer un guide littéraire de leurs textes ayant incidence ou du moins pertinence à la Picardie. Le mot patrimoine ici est faible, il s'agit d'un véritable trésor pour la mémoire et l'inspiration. C'est du moins ce que suggère à l'auteur de cet article la diffusion en novembre 1997 du document intitulé "Routes littéraires de l'Aisne et de l'Oise".

Jacques Darras

Transcription

(Musique)
Serge Oden
Ici, donc, nous sommes à Coyolles et principalement au moulin de Coyolles. C’est le moulin de Coyolles dont parle Alexandre Dumas dans Le Meneur de loups . Alors voilà ce que dit Alexandre Dumas : « Le moulin de Coyolle est situé dans une position charmante, au fond d’une vallée fraîche. L’eau qui l’alimente et qui forme un petit étang, est ombragé par des saules aux têtes monstrueuses et par des peupliers élancés ».
Elsa Margout
Une fois par mois, le meneur de loups entraîne une soixantaine de marcheurs sur les sentiers peu battus des romans de Dumas. Coyolles, Aramont, le château des Fossés jalonnent cette balade à travers l’œuvre et la vie de l’écrivain. Mais les randonneurs, amoureux des belles lettres, pourront pousser plus loin la promenade littéraire.
Serge Oden
Il y a aussi Démoustier qui est né à Villers-Cotterêts. Il y a aussi d’autres circuits, dans notre région, qui est sur de La Fontaine à Château-Thierry, à la Ferté-Milon pour Racine. Et il y a bien d’autres circuits à faire.
(Musique)
Intervenant
Je suis né à Villers-Cotterêts, petite ville du département de l’Aisne, à deux lieues de la Ferté-Millon où naquit Racine et à sept lieues de Château-Thierry où naquit La Fontaine.
Elsa Margout
Ainsi commencent les mémoires de Dumas et la route littéraire picarde. L’écrivain, né en 1802, évoquera souvent sa patrie de Villers-Cotterêts avec son ami Gérard de Nerval. Les deux hommes partagent la même nostalgie du Valois. Car le poète est aussi un enfant du pays, grandi ici, au château de Mortefontaine. Dans Les Filles du feu dédié à Dumas, Nerval aime se souvenir d’Ermenonville et de l’abbaye de Chaalis où le grand Rousseau vécu les derniers mois de son existence.
(Musique)
Catherine Opozda
Il est venu à la fin de sa vie. Il a fait un bref séjour mais qui l’a marqué. Il partait d’Ermenonville où il vivait avec le marquis de Girardin. Il faisait le tour des étangs et il venait ici pour se reposer, pour rêver. Et on trouve de ses passages principalement dans Les Confessions et surtout dans Les Rêveries du promeneur solitaire.
Elsa Margout
Perdu en pleine forêt d’Ermenonville, la cabane du philosophe abritait ses Rêveries et Confessions . Certaines sont restées gravées dans la roche comme cette citation de L’Emile : « Sur la cime des montagnes solitaires, l’homme sensible aime à contempler la nature qui élève l’âme au-dessus des préjugés ».
(Musique)
Elsa Margout
Ermenonville rappelait à Rousseau sa Suisse natale. Le philosophe passa ses derniers loisirs dans les bois à herboriser, avant de s’éteindre le 2 juillet 1778. Ses collections d’herbiers sont fidèlement conservées par le musée Jaquemart André, dans l’enceinte de l’abbaye de Chaalis.
(Musique)
Elsa Margout
Un siècle en arrière, quelques kilomètres en avant et la route littéraire traverse Château-Thierry. Ici naquit Jean de la Fontaine en juillet 1621. Chez lui, on peut encore trouver les premières éditions de ses Fables et plus méconnus, de ces Contes libertins . La Fontaine bénéficiera toute sa vie du soutien de madame de Montespan. Elle avait d’ailleurs un autre protégé, Racine. Malgré une différence d’âge de 18 ans, le fabuliste et le jeune tragédien nouèrent une solide amitié à Sainte-Geneviève, en 1661. Mais d’aucuns font remonter leur première rencontre beaucoup plus loin. En 1647, Jean de la Fontaine épouse Marie Héricart. Les festivités ont lieu sur les bords du canal de l’Ourcq, dans la propriété de ses beaux-parents, à la Ferté-Milon. Juste en face habite la famille Sconin. Leur petit-fils Jean porte le nom de Racine.
(Musique)
Claude Royer
Il s’est marié dans l’église Notre Dame. C’était vraisemblablement la paroisse essentielle de la famille Racine. On a imaginé aussi que Racine, enfant, à 8 ans, devait être enfant de choeur et que comme La Fontaine s’est marié dans cette église, on a imaginé que Racine a été enfant de choeur au mariage de La Fontaine.
Elsa Margout
Orphelin à 4 ans, Racine fut élevé par sa grand-mère paternelle dans la maison qui abrite aujourd'hui son musée. Né en décembre 1639, il fut sans doute baptisé dans la chapelle dont les vestiges se dressent encore rue Saint-Waast.
(Musique)
Claude Royer
Il n’en a pas beaucoup parlé dans ses oeuvres. Mais il est resté très proche des habitants de Ferte-Milon et en particulier de sa soeur. C’est ce qui l’a rattaché toute sa vie à la Ferte-Milon.
Elsa Margout
Racine franchit souvent le porche de sa soeur qui vécu ici jusqu'à la fin de ses jours. Mais c’est un regard d’enfant que l’écrivain porte à jamais sur les ruelles de la vieille ville.
(Bruit)
Elsa Margout
Beaucoup plus tard, la Ferté-Milon inspira un autre voyageur. Entre Paris et Villeneuve-sur-Fer, Paul Claudel changeait de train à la Ferté et ne manquait jamais de s’arrêter à l’église Saint-Nicolas dont les vitraux inspirèrent ses textes sur l’Apocalypse. Villeneuve, c’est toute l’enfance de Claudel. A sa porte s’arrête la balade. Mais une mise en valeur du patrimoine littéraire est à l’étude.
André Rigaud
Il y aura aussi des circuits organisés qui partiront, la journée, sur les traces des écrivains, Dumas, Racine, avec les visites des différents musées. On envisage aussi de faire un café littéraire donc de développer une animation littéraire dans le secteur.
Elsa Margout
Entre tourisme et action culturelle, le projet coûterait 3 millions de francs. D’ici-là, on peut toujours se promener à travers l’Aisne, l’Oise et la littérature.