Retour en condition physique du nageur amiénois Roger-Philippe Menu

29 avril 1971
06m 19s
Réf. 00103

Notice

Résumé :

Portrait de Roger-Philippe Menu licencié à Amiens et un des meilleurs nageurs français. Arrivé très tard à la compétition (à 19 ans) il devient deux ans plus tard vice-champion d'Europe du 200 m brasse. Il consacre un grande partie de sa journée à l'entraînement. Recordman de France en brasse il revient en condition physique. Cependant, il regrette le manque d'équipements et de stages en France.

Date de diffusion :
29 avril 1971
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Éclairage

Roger-Philippe Menu, âgé de 23 ans en 1971, possède déjà un palmarès éloquent. Ce licencié de l'Amiens Sporting Club, venu à la natation quatre ans plus tôt, est multiple champion de France du 100m et du 200m brasse (titres conquis en 1969 et 1970) et médaillé d'argent du 100m brasse et du 4x100m 4 nages (aux côtés notamment de Michel Rousseau) lors des championnats d'Europe de Barcelone de 1970. Le nageur est, au moment du reportage, en pleine préparation pour les championnats de France d'été (il y remportera les épreuves du 100m et du 200m brasse) et a en ligne de mire les Jeux Olympiques de Munich de 1972.

Dans ce contexte, Roger-Philippe Menu évoque longuement ses conditions de préparation. Le style de nage en brasse, qui constitue l'apprentissage de base de tous les nageurs depuis la fin du dix-neuvième siècle, connaît en effet d'importantes évolutions après la Seconde Guerre mondiale. Évolutions réglementaires d'une part. Le retour aérien des bras, autorisé en course et utilisé par de nombreux compétiteurs, est interdit en 1953. La Fédération Internationale de Natation Association (FINA) officialise dès lors l'existence de deux styles de nage distincts: la brasse (qui impose un retour aquatique des bras) et le papillon (qui autorise le retour aérien et interdit pour sa part les mouvements de brasse avec les jambes). Mais les évolutions sont également d'ordre technique. Si la puissance et la force musculaire sont longtemps privilégiées pour améliorer les performances, l'hydrodynamique s'impose progressivement dans les années 1960. Il s'agit bien de chercher les moyens de diminuer les résistances à l'eau et de jouer avec l'équilibration du corps pour favoriser la propulsion. De même, le travail de jambes, privilégié par les entraîneurs jusque dans les années 1960, laisse place à une focalisation sur l'action des membres supérieurs. La "force de bras" de Roger-Philippe Menu est ainsi mise en exergue par le commentateur.

Les performances du nageur de l'Amiens Sporting Club sont il est vrai aussi liées à des conditions d'entraînements favorables. Roger-Philippe Menu s'exerce dans la piscine du complexe sportif Pierre de Coubertin, inaugurée en 1966 en présence du nouveau ministre des sports François Missoffe. Cette infrastructure récemment mise en service témoigne de l'implication de l'État dans le développement du sport de haut niveau. Suite à la déroute des Jeux Olympiques de Rome en 1960 (les sportifs français reviennent avec seulement 5 médailles, dont aucune en or), le pouvoir gaulliste entreprend en effet une action de planification et de stimulation du sport pour développer la pratique de masse et de haut niveau, et donc affirmer la "grandeur de la France" sur la scène sportive internationale. Menée par Maurice Herzog, haut-commissaire puis secrétaire d'état à la Jeunesse et aux Sports entre 1958 et 1966, cette politique porte notamment sur la construction d'équipements. 1500 piscines, dont celle d'Amiens, sont ainsi érigées en une dizaine d'années. Pour répondre aux exigences de la compétition, ces infrastructures répondent à des normes bien précises (piscines rectangulaires disposant d'un bassin d'initiation et d'un bassin olympique et implantées à proximité des écoles). Elles sont ainsi censées donner aux nageurs de clubs, mais aussi aux publics scolaires, les meilleures conditions de pratique possibles.

Il reste que Roger-Philippe Menu demeure un sportif amateur, obligé d'exercer la profession de comptable en marge de sa pratique de haut niveau. Pour faciliter ses conditions d'entraînement, le nageur est salarié au sein même du complexe sportif Pierre de Coubertin et son emploi du temps est aménagé. Cela ne lui permet cependant pas de rivaliser à cette période avec les autres nageurs européens (notamment soviétiques et est-allemands), qui peuvent se consacrer à plein temps à la pratique de la natation.

Sébastien Stumpp

Transcription

(Musique)
Hubert Tilloy
Cet employé administratif du centre Pierre De Coubertin d’Amiens est l’un des deux meilleurs nageurs français du moment.
(Musique)
Hubert Tilloy
Chaque jour, après avoir refait les comptes et vérifié les factures dont il est responsable, Roger Philippe Menu calcule en second. Il est midi, l’heure de l’entraînement quotidien est arrivée. En fait, notre champion a déjà nagé quelques kilomètres tôt ce matin. Une manière comme une autre d’attaquer la journée.
(Musique)
Hubert Tilloy
Tous les grands nageurs comme Menu vivent avec un chronomètre en tête. Le travail de musculation auquel ils se soumettent régulièrement, ce sont peut-être quelques dixièmes de secondes gagnés sur 100 ou 200 mètres. Roger Philippe Menu, quelle est l’importance de ces exercices de musculation dans la préparation physique d’un nageur ?
Menu§Roger Philippe
Ce que je vais vous dire, là, pourra vous paraître un peu stupide, mais en premier lieu, je crois, pour un nageur, il faut qu’il transpire davantage, qu’il élimine les déchets lorsqu’il travaille beaucoup sur des longues distances, car l’eau ne permet pas au nageur de transpirer énormément.
(Musique)
Hubert Tilloy
La marge de progression est très étroite. Mais pour Roger Philippe Menu, c’ est la possibilité d’améliorer les records de France des deux distances en brasse dont il est déjà le détenteur.
Menu§Roger Philippe
Pour les jeunes, pour donner un peu… leur faire sentir qu’il existe une résistance dans l’eau. Et on essaie de concrétiser cette résistance par les appareils comme celui-ci qui reproduit à peu près lune résistance équivalente à celle que rencontrent les nageurs dans le bassin.
(Musique)
Hubert Tilloy
Licencié depuis le début de la saison à l’Amiens sporting club, Menu s’est très vite adapté à son nouvel entourage. Certes, il a peut-être accusé un léger retard dans sa préparation physique mais son sérieux et sa volonté de réussir ont abouti. Son temps réalisé dimanche dernier sur 200 mètres est là pour le prouver.
(Bruit)
Hubert Tilloy
Roger Philippe Menu, 2. 35. 4 aux 200 mètres brasse dimanche dernier, on peut dire que la condition physique revient peu à peu ?
Menu§Roger Philippe
Oui, vous avez raison. La condition physique revient. Il était temps parce que depuis quelques mois, je m’inquiétais. Depuis trois semaines, je ne faisais plus rien du tout. Et maintenant, c’est reparti.
Hubert Tilloy
Voulez-vous dire que cette forme a tardé à venir ? Pour quelle raison ?
Menu§Roger Philippe
Peut-être un travail trop intense peut-être l’hiver ou un travail long et fastidieux qui a peut-être fatigué le nageur.
(Musique)
Hubert Tilloy
Roger Philippe Menu est un cas. Lui est venu très tard à la natation. A 19 ans, il fait ses débuts dans la compétition. A 22 ans, l’été dernier, il devient vice champion d’Europe du 200 mètres brasse à Barcelone.
(Musique)
Hubert Tilloy
Menu est un athlète de la natation. Le point fort de sa nage, c’est son travail de bras. Il en tire le parti maximum. Regardez bien sa force de bras hors du commun lui permet de relancer constamment le rythme.
(Musique)
Hubert Tilloy
Roger Philippe Menu, vous m’avez dit, tout à l’heure, que la natation française progressait mais à un rythme nettement moins rapide que les natations européennes. Cela tient à quoi ?
Menu§Roger Philippe
Peut-être aux mauvaises conditions matérielles. La France est très pauvre en piscines et en matériel, et au manque de stages. Nous ne faisons pas tellement de stages au cours d’une année. Et il faudrait peut-être organiser, construire des centres pour permettre aux jeunes de s’entraîner et de suivre leurs études en même temps.
Hubert Tilloy
Cela tient uniquement aux questions matérielles, ce…
Menu§Roger Philippe
Aux questions physiques, pas tellement : on est aussi doués que les étrangers, je pense. Mais il faudrait peut-être qu’on le fasse aussi plus sérieusement.
Hubert Tilloy
Et point de vue distance, est-ce que vous couvrez autant de kilomètres que les nageurs européens à l’entraînement ?
Menu§Roger Philippe
Pas du tout. Nous couvrons, en moyenne, au cours d’une séance, 5 kilomètres, 4 kilomètres par rapport aux adversaires, aux étrangers qui parcourent 8 kilomètres à 10 kilomètres.
Hubert Tilloy
Et fait, en natation, il faut avaler le maximum de kilomètres ?
Menu§Roger Philippe
Il faut s’entraîner, oui, il faut être constant, il faut être régulier, venir très régulièrement à l’entraînement. Et il faut y aller, il faut forcer, il faut savoir souffrir et savoir aimer la natation.
(Musique)
Hubert Tilloy
Quels sont vos objectifs pour la saison ?
Menu§Roger Philippe
Alors ici, bientôt, au mois de juin, mi-juin, en Suède France, en Suède, et bien sûr au mois d’août, juillet et début août les championnatds de France d'été, où, là, je défends mes titres.
Hubert Tilloy
Vous pensez arriver en grande condition physique à cette époque et renouveler éventuellement vos performances de l’an dernier ?
Menu§Roger Philippe
Oui, j’espère renouveler mes performances de l’année dernière. Cette année, j’ai loupé les championnats de France d’hiver mais cet été, je compte bien être là, en condition physique
(Musique)
Hubert Tilloy
Mais l’avenir, pour notre champion, c’est aussi celui de la natation française. Ce sont tous ces jeunes dont il s’occupe volontiers et parmi lesquels, qui sait, il a peut-être déjà découvert le Menu de demain
(Musique)