Licenciements à l'usine Goodyear d'Amiens Nord

26 mai 2009
01m 45s
Réf. 00202

Notice

Résumé :

Reportage à l'usine Goodyear d'Amiens où les salariés ont appris 820 licenciements, provoquant la colère des syndicalistes. Didier Hérisson opérateur, (CGT) souhaite obtenir la maximum d' indemnités. Mickaël Wamen, délégué CGT déclare qu'il ne laissera pas faire. Henry Dumortier, directeur de Dunlop, justifie ce choix en accusant l'organisation syndicale sur Amiens sud d'empêcher la réorganisation du travail et donc à la possibilité de faire des investissements.

Date de diffusion :
26 mai 2009
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Éclairage

Les 6 ans de lutte sociale qui ont marqué l'usine Goodyear d'Amiens-nord, de 2007 à 2013, constituent en réalité la seconde séquence du dur conflit qui oppose, depuis les années 1990, la CGT, syndicat majoritaire chez les ouvriers dès les années 1960, et la direction de l'entreprise. Un plan de licenciement en 1996 avait provoqué plusieurs semaines de conflit.

A l'automne 2007, la direction de Goodyear décide de mettre en place une nouvelle organisation du travail, passant des "3x8" aux " 4x8" – c'est-à-dire enchaîner deux journées de travail le matin, deux l'après-midi, deux la nuit, avec une journée de pause au milieu, et deux jours de repos. En échange, la direction s'engage à investir, maintenir la production et les emplois. La CGT, dont le leader local est Mickaël Wamen, s'y oppose. En octobre, les salariés répondent par un non massif au référendum organisé par la direction, qui menace de supprimer 402 des 1 137 emplois du site. Début 2008, à quelques mètres de l'usine Goodyear, les 1 300 salariés de Dunlop – filiale de Goodyear depuis 2003 – acceptent la réorganisation. L'UNSA, FO et la CFTC signent l'accord. Chez Goodyear, la CGT engage un combat juridique. En novembre 2008, le tribunal de Nanterre interdit à Goodyear de mettre en œuvre son plan social.

Début 2009, la direction retire le plan social portant sur 402 emplois pour en présenter un nouveau, menaçant cette fois les 820 postes de la division pneus tourisme de Goodyear Amiens. La direction du groupe évoque le contexte économique et la crise de l'industrie automobile depuis 2008. Aussi, depuis plusieurs années, Goodyear n'investit plus à Amiens et la production chute de 20 000 pneus par jour à 2 700. Le combat juridique reprend et la CGT le gagne à nouveau : la justice suspend le second plan de licenciements. Le climat est d'autant plus tendue en Picardie que la fermeture de l'usine Continental de Clairoix, près de Compiègne, vient d'être annoncée .

La direction annoncera finalement la fermeture du site et la cession de l'activité pneus agricoles. L'américain Titan se positionne avant de se retirer début 2013, Maurice Taylor expliquant les raisons de ce choix dans une lettre au vitriol adressée à Arnaud Montebourg, Ministre du Redressement productif, le 8 février 2013. Quelques jours plus tôt, le 31 janvier 2013, Goodyear a annoncé la fermeture totale de son usine d'Amiens-nord, contestée en justice par la CGT. La recherche d'un repreneur, menée de février à mai 2013 par l'Agence française des investissements internationaux (AFII), échoue. Dans le même temps, la direction du groupe – qui affiche des bénéfices en hausse – rejette le projet de SCOP (société coopérative ouvrière de production) de la CGT destiné à maintenir la production de pneus agricoles. En juin, la justice rejette la demande de suspension du plan social tandis que l'Assemblée nationale vote la création d'une commission d'enquête parlementaire sur la fermeture de l'usine Goodyear d'Amiens. Finalement, l'usine ferme ses portes le 22 janvier 2014, date de la signature d'un accord avec la CGT et qui se solde par 1173 licenciements. Le conflit n'est cependant pas terminé : procédures en mars auprès des prud'hommes pour licenciements abusifs et en avril un peu plus de 800 ex-salariés préparent une action de groupe (class action) aux États-Unis, en faveur des salariés qui auraient été exposés aux hydrocarbures aromatiques considérés comme cancérigènes. A cette date, les conditions de reprise de l'activité pour les pneus agricoles par Titan, ne sont toujours pas définies.

Alors que le bras de fer juridique se poursuit entre la CGT et Goodyear, Dunlop continue ses activités dans le pneu haut de gamme de l'autre côté de la rue de Poulainville, où 40 millions d'euros ont été investis ces dernières années. Claude Dimoff, délégué syndical UNSA-Dunlop (exclu de la CGT pour avoir signé l'accord 4x8) dénonce le jusque-boutisme de la CGT. Certains vont même jusqu'à affirmer que la CGT a conduit Goodyear-Amiens au suicide quand d'autres prédisent à Dunlop un avenir à la Continental.

Julien Cahon

Transcription

Caroline Gaessler
Et aujourd'hui, une série de plans sociaux ont été annoncés notamment chez le fabricant de pneumatiques américain Goodyear. 820 licenciements à Amiens. Une mauvaise nouvelle redoutée depuis quelques semaines déjà. Elisabeth Bonnet.
Bonnet§Elisabeth
A l’annonce de la nouvelle, les ouvriers de la société Goodyear Dunlop d’Amiens nord laissent éclater leur colère. La direction du groupe américain vient de leur annoncer qu’elle allait licencier 820 personnes sur 1400.
Dider Herisson
On va lutter jusqu'au bout. On va essayer d’avoir le maximum… le maximum de fric pour partir de cette usine de merde qui nous fout la boule. C’est tout.
Mickaël Wamen
Je le redis clairement. Nous ne laisserons pas faire cette direction qui est incompétente dans tous les domaines.
Bonnet§Elisabeth
C’est l’épilogue d’un long conflit entre la CGT et la direction. Il y a 2 ans, cette dernière avait proposé un plan de modernisation. Les pneus produits ici n’étaient plus assez compétitifs. Les salariés étaient donc priés d’accepter une nouvelle organisation de travail en 4/8 plus contraignante ainsi que la suppression de 400 emplois. L’usine d’Amiens sud approuve le projet. Mais à quelques mètres de là, celle d’Amiens nord le refuse. C’est cette usine qui est, aujourd'hui, concernée par le plan social.
Dumortier§Henry
C’est un très grave échec. C’est évident. Surtout lorsqu'on voit qu’on est parvenu à réussir à assurer la pérennité de l’emploi sur le site d’Amiens sud. Sur le site d’Amiens nord, nous sommes dans une situation complètement différente d’échec et de blocage total dû essentiellement à une organisation syndicale qui s’oppose complètement à la réorganisation du travail qui nous permettrait de faire des investissements nécessaires.
Bonnet§Elisabeth
La direction a annoncé qu’elle veillerait à former et à reclasser les salariés licenciés. C’est un nouveau coup dur pour l’emploi en Picardie après l’annonce de la fermeture de l’usine de pneus Continental il y a 3 mois.