Le management par la qualité chez Favi à Hallencourt

19 décembre 1994
04m 15s
Réf. 00306

Notice

Résumé :

A Hallencourt dans le Vimeu, la fonderie Favi qui fabrique des pièces pour boîte de vitesse auto, s'est lancée depuis plusieurs années dans la qualité grâce à une méthode management qui a permis à l'entreprise de devenir leader mondial dans son domaine. Développée par Jean-François Zobrist, son directeur, elle repose sur l'épanouissement des employés. Voulant "remplacer le pouvoir par le vouloir basé sur le partage du savoir", l'entreprise a été éclatée en petites usines autonomes où chaque employé est responsable, l'équipe étant en contact direct avec le client et même choisit et procède à l'achat des machines. Jean Luc Daussy, animateur de groupe explique qu'il n'y a ni chef ni cadences, d'autant que les pièces fabriquées sont des pièces de sécurité.

Date de diffusion :
19 décembre 1994
Source :

Éclairage

La Picardie a légué à l'histoire, durant les XVIIIe et XIXe siècles, de grandes figures utopistes (Gracchus Babeuf et Jean-Baptiste Godin). Plus d'un siècle plus tard, comme en écho, un manager local totalement atypique, Jean-François Zobrist, a souhaité lui aussi faire de l'épanouissement des salariés de l'entreprise qu'il dirige, une valeur cardinale assurant en même temps productivité et profit.

Installée dans le fameux Vimeu industriel, la Favi, comme on l'appelle couramment ici (Favi pour Fonderie et Ateliers du Vimeu), est actuellement un des leaders mondiaux, si ce n'est le leader mondial, dans l'injection du cuivre et des laitons. Depuis sa fondation par Marcel Decayeux en 1957, l'entreprise s'est spécialisée dans la conception, l'optimisation, l'usinage ainsi que l'assemblage d'une grande variété de pièces en alliage cuivreux.

La révolution managériale qui a fait sa réputation, elle l'accomplit dans la seconde moitié des années 80. Un échange avec une opératrice provoque chez Jean-François Zobrist le déclic : il décide alors de mettre fin aux échelons hiérarchiques, aux contrôles et à toutes formes de disciplines exogènes. Place désormais à l'auto-organisation : l'organigramme est aplani au maximum ; l'établissement est subdivisé en mini-usines composées de salariés responsables mobilisés autour d'un seul client final ; chaque collectif de travail fixe lui-même ses objectifs sous l'assistance d'un leader, ouvrier expérimenté, lui-même issu du groupe et adoubé par les siens. Résultat, la productivité progresse en très peu de temps de 20% !

La fonderie FAVI est aujourd'hui leader européen de la fourchette de boîte de vitesses pour l'industrie automobile avec près de la moitié du marché européen. Tout en conservant son cœur de métier, l'entreprise s'est diversifiée dans le marché des moteurs électriques et des équipements antimicrobiens (poignées de portes, plaques de portes battantes, interrupteurs, etc.) destinés au secteur hospitalier. La FAVI, modèle en matière d'innovation organisationnelle, a en, effet, mis au point un laiton sophistiqué antibactérien dont les tests in vivo démontrent leur grande efficacité. Cette innovation technologique lui a valu une récompense au MIDEST 2012 ; le plus grand salon de la sous-traitance industrielle.

Bien que retraité depuis 2009, Jean-François Zobrist garde un œil bienveillant sur la Favi dont il reste administrateur. Il parcourt aujourd'hui le monde pour faire part de son expérience. Le modèle initié par ce visionnaire est à ce point original qu'il figure aujourd'hui en bonne place dans un récent best-seller américain du management, Freedom, Inc. : Free Your Employees and Let Them Lead Your Business to Higher Productivity, Profits, and Growth, publié en 2009 par Brian Carney et Isaac Getz (1).

Une belle leçon pour les entrepreneurs de Picardie ?

(1) A consulter aussi Jean-François Zobrist, La belle histoire de Favi : l'entreprise qui croit que l'homme est bon -Tome 1 Nos belles histoires, Humanisme& organisation éditions, Paris, 2007 réédité en novembre 2013.

Slim Thabet

Transcription

Yolande Malgras
Alors il existe pourtant des exceptions, des exceptions assez proches de nous comme à Hallencourt, dans la Somme. L’entreprise Favi, déjà primée par le prix régional de la qualité est hors concours cette année. Chez Favi, la qualité est une véritable culture d’entreprise comme va nous le montrer ce reportage de Christian Gali et Michel Auvrait.
Christian Gali
Créé en 1957, la société Favi avait, dès l’origine, axé sa fabrication sur la qualité. Partant de produits simples essentiellement sanitaires, elle a mis à profit l’expérience acquise pour aborder des familles de pièces de plus en plus sophistiquées. Elle est la seule à fabriquer des fourchettes de boîte de vitesse pour toutes les voitures européennes. Les constructeurs d’automobiles ont reconnu la qualité de ses produits et son savoir-faire qui passe par l’épanouissement de ses employés.
Jean-François Zobrist
Pour que les gens soient épanouis et enthousiastes. Je crois, la première chose, il faut leur foutre la paix. On se rend compte que le Picard, qui est quelqu’un qui a un sens inné de la qualité. En Picardie, il y a une expression que tous les livres de management reprennent : c’est "faire en allant" c'est-à-dire s’adapter à l’environnement, s’adapter aux besoins du client, avoir le sens du service, et ce faisant, correspondre et répondre en permanence à ce que souhaitent et l’environnement et le client et progresser avec lui. Et c’est ce qu’on essaie de faire à Favi. Et ça, vous avez très facilement, si vous supprimez toute forme de pouvoir, en remplaçant ça par du vouloir, basé sur le partage du savoir.
Christian Gali
Grâce à la qualité, la société Favi a une position de leader mondial dans son domaine. Sa politique de fabrication lui permet de garantir l’emploi. Il y a 10 ans, 120 personnes étaient employées. Aujourd'hui, elles sont près de 300.
Jean-François Zobrist
La qualité, ce n’est jamais qu’une philosophie basée sur des outils qui permet, par l’épanouissement des uns et des autres, de faire plus, de faire mieux, de faire plus vite. Et ce faisant, on est forcément plus productif donc plus compétitif donc on vend plus. Et si on vend plus, forcément, on créé des emplois.
Christian Gali
L’entreprise a été éclatée en petites usines autonomes. Chaque employé est responsable. L’équipe est en contact direct avec le client et gère en toute autonomie sa fabrication.
Jean-Luc Daussy
Je suis l’animateur du groupe. Il n’y a pas de chef dans mon îlot. Chacun est capable de passer d’un poste à un autre selon la demande du client pour le produit. Il n’y a pas de quantité à respecter. C’est plutôt une qualité de la pièce. Comme c’est une pièce de sécurité, on est beaucoup plus accroché au mot qualité que productivité.
Christian Gali
A la FAVI, pour augmenter la qualité, il n’y a plus de chef d’équipe, plus de prime, plus de pointage, plus de chef de personnel, plus de service achat. C’est celui qui sait qui fait.
Jean-François Zobrist
On se rend compte que n’importe qui est parfaitement capable d’acheter des machines même de plusieurs millions. Et chez nous, effectivement, ce sont les opérateurs qui choisissent les machines, qui vont les voir à l’étranger et qui vont les réceptionner avant qu’elles soient livrées.
Christian Gali
L’objectif de la démarche globale de la FAVI est de faire en sorte qu’elle soit, le 1er janvier 1997, meilleure que n’importe quelle autre société potentiellement concurrente dans le monde.
Yolande Malgras
Bernard Videbien, voilà un exemple qui doit vous faire rêver ?
Bernard Videbien
Oui, c’est un exemple que j’ai vécu depuis 83. On a progressé ensemble donc… Ça ne s’est pas fait, quand même, comme ça. Il ne faut pas se leurrer. On n’arrive pas à une démarche de ce type du jour au lendemain.
Yolande Malgras
Alors justement, la démarche qualitative, à certainement un coût très important. C’est peut-être ce qui fait reculer les chefs d’entreprise ?
Bernard Videbien
C’est certain qu’au départ, c’est un investissement. C’est un investissement. Il faut passer du temps. Bon, des fois, il faut du conseil extérieur, il faut faire quelques investissements matériels. Mais on sait très bien qu’une entreprise perd de l’argent, actuellement, par ses coûts en qualité qui sont de l’ordre de 15 % de leur chiffre d’affaires. Donc c’est très vite récupéré. C’est un investissement rentable.
Yolande Malgras
Alors dans les critères que vous avez retenus pour sélectionner les entreprises qui vont concourir, demain, au prix régional, l’un des critères, donc, primordiaux que vous avez retenus, c’est celui de l’entreprise citoyenne. Est-ce que vous pourriez nous expliquer de quoi il s’agit ?
Bernard Videbien
C’est vrai, c’est un des critères. L’entreprise citoyenne, pour nous, c’est une entreprise qui prend en compte la société dans son ensemble c'est-à-dire par exemple une entreprise qui prend en compte les problèmes d’environnement donc l’aspect écologique. Une entreprise, aussi, qui n’accepte pas le chômage. Elle n’accepte pas, donc qui a un très grand volet social pour intégrer, justement, des gens qui sont… qui devraient être en charge de la société et qui, par ce biais-là…
Yolande Malgras
Monsieur Videbien, je vous remercie d’avoir répondu à notre invitation.