Jean Calvin

13 décembre 1986
07m
Réf. 00433

Notice

Résumé :

Évocation de Jean Calvin qui naît en 1509 à Noyon. Attiré par les idées luthériennes, il fonde une nouvelle église et doit quitter la France pour la Suisse où il rédige L'institution de la religion chrétienne, livre de base de la Réformation. Georges Casalis du musée Calvin à Noyon, retrace le cheminement du jeune Calvin de Noyon à Paris, puis l'exil en Suisse.

Type de média :
Date de diffusion :
13 décembre 1986
Source :
FR3 (Collection: L'événement )
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Éclairage

Jean Calvin est un Picard mondialement connu comme le fondateur de l'une des principales confessions protestantes. Toutefois, il n'a que très peu marqué sa région natale de son empreinte.

À la différence de Luther, Calvin ne fut pas prolixe sur lui-même, notamment sur les motifs de son apostasie vis-à-vis de la religion catholique romaine. Néanmoins, sa biographie nous est bien connue, surtout pour la deuxième partie de sa vie, où Calvin s'est fixé à Genève.

Car, à l'instar des intellectuels de son temps, Calvin est un nomade. C'est aussi un exilé qui a définitivement quitté sa patrie à l'âge de vingt-cinq ans, pour ne plus jamais y revenir, ce qui ne signifie pas qu'il s'en est désintéressé.

Ainsi, Calvin ne passe que peu de temps à Noyon où il est né le 10 juillet 1509, d'une mère dévote et morte précocement et d'un père autoritaire, notaire et administrateur des biens du chapitre cathédral. Promis à la prêtrise, Jehan Cauvin est tonsuré à douze ans, ce qui lui permet de faire ses études sous le patronage de l'Église. Ayant fait la preuve d'une intelligence hors du commun, Calvin gagne très tôt les collèges parisiens, dans l'intention de faire de la théologie. Mais, sur les injonctions de son père, qui a eu des démêlés avec l'Église, il se tourne vers le droit dont il est licencié en 1533, un an après la mort de ce dernier. Désormais libre de faire ce qu'il lui plaît, il se tourne vers les lettres et la théologie. À Paris, il parfait sa formation et fréquente le milieu des humanistes chrétiens qui redécouvrent les Écritures et, ce faisant, sont amenés à prendre quelque distance avec le dogme catholique.

En 1533-34, à cause de l'affaire dite des Placards, c'est-à-dire une violente attaque contre la messe, et de la répression qui s'abat alors contre les "mal sentant de la foi" dont il fait partie, Calvin doit fuir Paris pour se réfugier en province et, finalement, quitter le royaume pour Bâle, où il publie en latin sa fameuse Institution de la Religion Chrétienne. Il y expose avec rigueur et clarté sa conception de la religion dite réformée, en rupture sur bien des points avec l'orthodoxie catholique. En 1536, Calvin décide de partir pour Strasbourg où s'épanouit une église réformée sous l'égide de Bucer. Mais des passages de troupes l'obligent à bifurquer par Genève où le réformateur Guillaume Farel le persuade de le seconder dans la mise en œuvre de la transformation religieuse de la ville. Cependant, l'intransigeance des deux hommes suscite une telle opposition qu'ils sont contraints de partir en 1538. Calvin s'installe comme pasteur à Strasbourg où il serait resté si les autorités genevoises, qui ont changé d'avis entre temps, ne l'avaient pas rappelé. En 1541, après la publication de la version française de l' Institution de la Religion Chrétienne, Calvin accepte de refaire une tentative qui se solde cette fois par un succès, même si ce ne fut pas sans mal.

Or, une fois solidement établi à Genève, jusqu'à sa mort, le 27 mai 1564, Calvin s'emploie à soutenir les réformés français, leur conseillant, dans un premier temps, de venir se réfugier à Genève pour échapper aux persécutions orchestrées par la royauté, puis, à partir de 1555, d'organiser leurs propres églises. Pour les aider, il envoie des quantités de lettres, où il prodigue ses conseils, ainsi que des missionnaires formés à Genève, surtout après la création de l'Académie en 1559.

Certes, Calvin n'oublie pas la Picardie mais dans cette région farouchement catholique, très surveillée par le pouvoir monarchique, la religion réformée peine à s'enraciner, bien que l'on compte plusieurs communautés de ce type, à Amiens et Montdidier, où Guy de Brès exerce son apostolat avant de mourir en martyr, et surtout dans le département actuel de l'Aisne, à Landouzy, Chauny ou Saint-Quentin. Cela dit, ces églises ont du mal à se maintenir, même en vertu de l'Édit de Nantes qui met fin aux guerres de Religion en 1598 et, de ce point de vue, sa révocation, en 1685, apparaît comme une formalité. Même la maison natale de Calvin a disparu, celle que l'on connaît aujourd'hui comme le musée portant son nom ayant été rebâtie seulement après la Première Guerre mondiale.

Olivia Carpi

Transcription

(Musique)
Patrice Thedy Colleuille
Noyon qui vit naître enfin à l’aube des temps modernes le 10 juillet 1509 Jean Calvin, fils de Gérard, secrétaire de l’évêque et procureur du chapitre de la cathédrale. Fondateur malgré lui d’une nouvelle église qui, en 1536, afin d’éviter les persécutions, quitta la France pour se réfugier à Balle où il publia la première édition latine de la fameuse Institution de la religion chrétienne , livre de base pour la Réformation avant de rejoindre, le 25 mai de la même année, Genève où il devait mourir en 1564 ayant fait de cette ville une Rome protestante et internationale.
(Musique)
Patrice Thedy Colleuille
1536-1986, 450ème anniversaire de la Réformation d’un souffle nouveau né au coeur d’une Europe qui s’éveille à l’humanisme, à la Renaissance, à la découverte émerveillée des mondes nouveaux et des idées neuves. Voyage dans l’espace et le temps qui, de Noyon à Genève, nous portera sur les traces de l’homme pour qui le retour à la foi, à l’écriture et à la grâce devaient transformer le monde. Georges Casalis, ancien pasteur, conservateur du musée Calvin à Noyon, est le premier à témoigner.
Georges Casalis
Ce garçon, je ne pense pas qu’il a dû beaucoup s’amuser. Il a dû avoir une enfance austère d’autant plus que sa mère est morte très tôt. On ne sait pas la date de la mort de Jeanne Lefranc mais elle a eu un rôle… On dit… La tradition raconte qu’elle est morte avant que le jeune Jean ait eu 10 ans. Ça, c’est le premier drame de sa vie, cette femme qu’il aime profondément et qui l’abandonne dans la mort. Et après avoir exercé sur lui une influence considérable, n’est-ce pas, (elle était pieuse, très pieuse), Gérard était dur en affaires. Et je suppose que lorsqu’il rentait, les paroles qu’il prononçait sur ses employeurs, les chanoines, ne devaient pas être empreints de la plus grande charité chrétienne ou la plus grande aménité. Mais Jeanne, qui n’avait pas affaire avec la profession de son mari, était une femme pieuse, simple et profonde qui éduquait ses enfants dans une piété très… vraiment très très affective et très sensible.
Patrice Thedy Colleuille
Alors pourquoi cette conversion ?
Georges Casalis
Cette conversion, elle se produit de façon insensible. C’est difficile à dire. A mon sens, il y a deux… trois motifs. Le premier motif, c’est la dureté, encore une fois, du chapitre. On ne peut pas la surestimer. L’excommunication du père. Gérard mourra excommunié. Il faudra que ses fils aillent se prosterner devant le chanoine pour demander qu’ils fassent pénitence et demander qu’il soit enterré en terre chrétienne. Le père meurt en 1531. Jean, à ce moment-là, a quitté le collège de la Marche et puis le collègue Montaigu à Paris où on l’a mis pour faire des études de théologie les plus rigoureuses, les plus classiques possibles, et il est allé aux universités pour faire du droit sur le conseil de son père. Et c’est là qu’il rencontre les humanistes. Il a rencontré l’influencede Lefèvre d'Etaples au collège, la Marche d’abord, en 1523, et puis, il va rencontrer les humanistes à partir du moment où, 1529, 1530, 1531, il étudie à Bourges et Orléans. Et surtout, il va revenir à Paris où, en 1530, François Ier a créé le collège de France qui est l’école de la liberté, pour faire pièce à l’école religieuse intégriste qu’est la Sorbonne. Et là, alors, tous les grands esprits du temps, les Guillaume Budé, les Batable et les autres se trouvent réunis et donnent un enseignement qui est un enseignement d’ouverture aux lettres anciennes et aux idées nouvelles. Donc à des idées qui se forment pour le siècle que l’on vit et qui ne sont plus des idées que l’on a reçues du passé, que l’on répète. Alors bien sûr, dans tout ceci, il y a cette curieuse et extraordinaire influence de Luther dont la grande décision de rupture a été prise en 1521 puisqu’il a été excommunié à ce moment-là et qu’on peut dire que l’Eglise protestante est née en Allemagne en 1521-1522. Et la pensée de Luther se répand comme une traînée de poudre à travers toute l’Europe. A Noyon où on lit Luther, en latin et en français traduit par les Strasbourgeois, en 1526, déjà, 1526. 1526, Calvin a 17 ans, n’est-ce pas. Et le premier luthérien est brûlé en France à l’embranchement de ce qui est, aujourd'hui, l’avenue de l’Opéra et la rue Sainte-Anne en 1523 déjà. Alors les idées de Luther courent partout. Et il y a un homme qui joue un très très grand rôle certainement à ce moment-là, c’est Melchior Volmar qui est un allemand, un wurtenbergeois et qui est professeur de grec. Et Calvin Jean le rencontre à Orléans et le suit à Bourges. Il habite chez lui. Or Melchior Volmar est luthérien. Bon. Alors petit à petit, dans ce creuset où les idées nouvelles naissent, se mélangent l’amour de l’antiquité et la découverte d’un évangile renouvelé, retourné, ramené à sa pureté originelle, finalement, Jean, pas à pas, s’éloigne de l’église catholique. Et ça va se manifester le 1er novembre 1533 dans un discours tout à fait fulgurant qui est le discours prononcé par le recteur de l’université de Paris, Nicolas Cop, le jour de la Toussaint, sur l’évangile de la Toussaint : Heureux les pauvres en esprit. Ce discours rédigé par Calvin, nous avons, ici, la photocopie des deux manuscrits : le manuscrit de Jean Calvin, brouillon, pour Nicolas Cop, et le manuscrit de Nicolas Cop qui a recopié le brouillon sauf quand il ne pouvait pas lire parce que Calvin écrit très très mal. Son écriture est difficile à déchiffrer. Mais ce discours est un discours luthérien. Et immédiatement après le discours, dans l’église des Franciscains à Paris, Nicolas Cop est obligé de s’enfuir. C’est d’ailleurs amusant que dans sa hâte, il part avec le sceau de l’université sans doute parce qu’il ne s’en séparait pas mais la caisse aussi parce qu’il avait peur de tomber en panne d’argent. Mais on reverra la caisse mais jamais le sceau. Et immédiatement après, Calvin est obligé de partir pour l’exil parce qu’on a bien compris que ce discours luthérien a été écrit par ce jeune Calvin. Il n’y a pas encore de calvinistes, n'est-ce pas.