La récolte des semences de hêtre en forêt de Crécy

25 octobre 1995
01m 39s
Réf. 00510

Notice

Résumé :

Reportage en forêt de Crécy où L'ONF récolte des graines de hêtre pour réensemencer les forêts. Jacques Cailleux (technicien forestier ONF) expose les conditions pour avoir de belles graines et un bois de qualité.

Date de diffusion :
25 octobre 1995
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Éclairage

Les peuplements de la forêt de Crécy-en-Ponthieu font aujourd'hui partie des plus belles "hêtraies cathédrales" du nord-ouest de la France. Cette forêt domaniale possède des conditions idéales à la croissance du hêtre : un climat océanique avec des hivers doux et des étés frais, des précipitations abondantes supérieures à 750 mm par an, une bonne humidité atmosphérique d'été et des sols assez profonds établis sur des limons argilo-sableux (1).

La qualité exceptionnelle des hêtres de la forêt de Crécy a été reconnue depuis des siècles. Lors de la réformation de 1665, les commissaires du roi constataient déjà que de nombreux arbres présentaient une hauteur et une grosseur extraordinaires, leurs caractéristiques étant parfaites pour faire des quilles de navires. En 1866, le vérificateur général des aménagements observait aussi que les arbres de réserve étaient "des hêtres de belle venue, d'une élévation remarquable (jusqu'à 20 m de hauteur sans branches)". Espèce d'ombre, le hêtre était cependant encore défavorisé par le traitement en taillis sous futaie, qui conduisait à une mise en lumière trop fréquente et trop importante des peuplements. A partir de 1872, la part du hêtre s'est trouvée augmentée par la conversion en futaie d'une bonne partie du massif (2).

Dans la plupart des forêts du tiers nord de la France, où le hêtre tient une place essentielle, les régénérations naturelles sont souvent aléatoires. La rareté des semenciers, la médiocrité des semis naturels, les hivers trop doux, les dégâts de gibier peuvent les compromettre. Il faut alors recueillir des semences qui serviront à la régénération artificielle. Les semis directs aboutissant presque systématiquement à un échec, les graines servent à la production de plants en pépinière.

En forêt domaniale de Crécy, la récolte des semences de hêtre, les faînes, remonte aux années 1950. Les peuplements dits "classés" sont un peu plus tardifs. Depuis 1965, l'administration impose aux pépiniéristes forestiers d'utiliser des semences issus de peuplements sélectionnés pour leurs qualités technologiques (fût droit et élancé, élagage naturel, qualité du bois), ou physiologiques (croissance rapide, abondance de la fructification, débourrement tardif), regroupés par régions de provenance.

Mais la production de faînes est irrégulière. Les gelées tardives comme les pluies excessives de printemps peuvent réduire à néant toute fructification. Le hêtre ne fournit une bonne faînée qu'une année sur quatre ou cinq, l'année 1995 restant particulièrement exceptionnelle.

A l'automne, les semences sont récoltées sur bâches, triées pour éliminer les feuilles et les brindilles, stockées dans des sacs de jute puis étiquetées. Une partie des stocks est expédiée dans le Jura, à la sécherie de La Joux. Cette sécherie a été établie par l'administration des Eaux et Forêts en 1950, pour traiter et conserver les semences de grandes essences de résineux et de feuillus, destinées en priorité à l'approvisionnement des forêts publiques. Une nouvelle sécherie a été construite entre 1980 et 1982 pour les graines d'arbres feuillus. Cette sécherie dépendant du Service Graines et Plants de l'Office national des Forêts assure la commercialisation d'une partie de sa production auprès des pépiniéristes privés.

(1) Les accroissements annuels moyens varient selon les parcelles entre 3 et 9 m3 à l'hectare, et non 3 et 9 m² comme il est indiqué par erreur dans le documentaire.

(2) Jacques Lengagne, La forêt de Crécy-en-Ponthieu, 1400 ans d'histoire, Inval-Boiron : La vague verte, 2005.

Jérôme Buridant

Transcription

Patrice-Thedy Colleuille
La gestion des espaces et des espèces passe en forêt de Crécy par une production de bois de qualité. Un bois de qualité sélectionné dès la graine. D’où l’importance de la récolte à cette époque dans les hêtraies, des faines issus des meilleurs arbres classés porte-graines par le ministère de l’agriculture.
Jacques Cailleux
On a, dans ce peuplement, des arbres, des hêtres qui sont cylindriques, de gros diamètre, dont le bois est blanc, et qui sont parfaitement bien élagués jusqu'à une hauteur d’à peu près 10 mètres. Alors c’est pourquoi on a jugé que ces arbres-là pouvaient se reproduire. Et donc on ne récolte de graines forestières que dans ces peuplements-là.
Patrice-Thedy Colleuille
En sylviculture, la production d’une hêtraie varie entre 3 et 9 m² par an à l’hectare. D’où l’importance de la sélection et celle de la graine.
Jacques Cailleux
La forêt, c'est certainement un espace dans lequel on peut se promener mais c’est aussi un espace dans lequel on doit produire. Il se fait qu’on peut avoir les deux activités en même temps. Donc il faut en profiter. Et doit produire pour l’économie nationale, pour notre bien propre, pour le bien propre au rétablissement de nos forêts, des bois qui soient intéressants d’un point de vue technologique. Et si on récolte des faines dans des peuplements classés qui sont, comme j’ai dit tout à l’heure, des arbres qui ont une belle forme, c’est de façon à pouvoir obtenir du bois d’oeuvre de qualité apte au tranchage ou au déroulage, ce qui est la matière première qui paie le plus.
Patrice-Thedy Colleuille
La récolte des faines en forêt de Crécy produit les bonnes années 2 à 3 tonnes de ces mêmes faines. A la base, des 5 à 600 000 nouveaux plants, soit 1/10ème des besoins propres de cette forêt. L’excédent de faine étant séché puis stocké en chambre froide et ce dans le Jura.