Les étangs et les anguillères de la Haute Somme

22 octobre 2005
05m 34s
Réf. 00532

Notice

Résumé :

Page extérieure consacrée aux étangs et aux anguillères de la Haute Somme à Eclusier-Vaux. On découvre comment la Somme a été domestiquée au Moyen Age avec la création de ces étangs. Aujourd'hui, avec l'abandon des roselières, la forêt reprend ses droits et menace le plan d'eau. Le maire du village, Daniel Derly, compte sur les locations de la chasse et la pêche - qui permettent des rentrées financières - pour l'entretien des étangs. L'anguille est pêchée au moyen d'anguillères qui sont des pièges dans lesquels viennent se prendre les poissons la nuit. Joël Szezepaniak explique et montre leur fonctionnement.

Date de diffusion :
22 octobre 2005
Source :

Éclairage

Avec 245 km de long et un dénivelé de 80 m, la Somme s'écoule lentement vers Saint-Valery-sur-Somme. Sa vallée, relativement large (500 m en moyenne) à fond plat, coupe le plateau crayeux picard. Elle se caractérise par une mosaïque originale de milieux où s'imbriquent notamment marais, tourbières, pâtures et zones boisées. Dans la vallée de la haute Somme, longtemps restée à l'écart des axes de circulation fluviaux (jusqu'à la canalisation du fleuve en 1830), routiers et ferroviaires, ces paysages sont remarquablement préservés (1). Les étangs de la haute Somme se caractérisent par une richesse floristique et faunistique (pour l'avifaune, en particulier). Ces milieux sont le fruit d'une évolution plurimillénaire imbriquant des dynamiques naturelles et des activités humaines.

D'une part, cette vallée a été façonnée par des dynamiques géomorphologiques changeantes, notamment depuis le dernier maximum glaciaire (il y a environ 18 000 ans) (2). Lors de cette période particulièrement froide et aride, un réseau de chenaux à tresses, mobiles, séparés par des bancs de sables et de graviers, occupait le fond de la vallée. Des apports d'eau plus abondants lors de la déglaciation, il y a environ 13 000 ans, ont favorisé un creusement important du fleuve dans ses sédiments. Après un nouvel épisode de sédimentation suivie d'une phase de creusement, une tourbière s'est développée dans le fond de vallée à partir du début de l'Holocène. Au milieu de l'Holocène (il y a 5000 à 6000 ans), le chenal unique de la Somme incise ces dépôts organiques. Les principales composantes naturelles de la vallée sont alors façonnées : un chenal sinueux dans une vallée colmatée par des tourbières, des limons et des dépôts issus de l'érosion des versants.

Par ailleurs, les paysages de la vallée de la Somme sont influencés par les activités humaines. Les premières traces d'occupation humaine identifiées datent d'il y a 450 à 300 000 ans, mais les répercussions de cette anthropisation sur les milieux deviennent plus prégnantes à partir de l'époque romaine. L'influence humaine sur la haute Somme devient encore plus importante à partir du Moyen Age avec l'exploitation de la tourbe qui, du XIIe siècle à l'après-guerre, était surtout utilisée comme combustible (dans les industries textiles et sucrières et chez les particuliers) et amendement agricole. Dès le XVIIIe siècle, son exploitation s'industrialise avec l'usage du "grand louchet" (bêche à long manche). Les trous d'extraction, remplis d'eau, créent une multitude d'étangs (appelés "entailles" ou "clairs") aux formes géométriques, de taille et de profondeur variables. L'écoulement lent du fleuve y est contrôlé par des barrages situés sur les chaussées traversant la vallée. Ces digues favorisent l'envasement des étangs, notamment des plus anciens. Certains d'entre eux sont partiellement voire totalement comblés et re-végétalisés, avec des rives localement tourbeuses. La tendance naturelle de ces zones humides à être colonisées par la végétation ligneuse menace la diversité faunistique et floristique. Pour freiner cette évolution, des actions (telles que le curage, l'entretien des berges, la restauration des roselières ou le débroussaillage) sont menées.

De nombreuses activités sont pratiquées dans la vallée de la Haute Somme, notamment le tourisme fluvial, la chasse et la pêche. Traditionnellement, l'anguille est pêchée au moyen d'anguillères (grandes nasses en bois). La chair de l'anguille est fumée au feu de bois et à la sciure de hêtre.

Les paysages de la vallée de la Haute Somme, un des segments les plus disputés de la ligne de front, portent encore quelques cicatrices de la Première Guerre mondiale. Le poète Blaise Cendrars a participé à ces combats, qu'il décrits dans les ouvrages La main coupée et J'ai tué .

(1) IZEMBART H. et LE BOUDEC B. (2007), Atlas des paysages de la Somme. Ministère de l'Écologie, du développement et de l'aménagement durables (www.picardie.developpement-durable.gouv.fr/atlas-des-paysages-de-picardie-a632.html)

(2) http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosclim1/rechfran/4theme/paleo/somme.html

Stéphane Desruelles