Découverte de sept mille pièces romaines du IIIe siècle à Rue

22 mars 1989
01m 46s
Réf. 00610

Notice

Résumé :

Un trésor archéologique composé de 7000 pièces de monnaies datant du IIIe siècle a été découvert dans une cruche sur un chantier de construction à Rue dans la Somme. Cette découverte exceptionnelle est analysée par Tahar Ben Redjeb et rejoindra le musée d'Abbeville.

Date de diffusion :
22 mars 1989
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Éclairage

En 1988, à l'occasion de terrassements, un dépôt monétaire double a été découvert fortuitement à Rue. Depuis, à plusieurs reprises, dans le cadre de l'extension progressive d'une ZAC, de nouvelles observations archéologiques ont permis de préciser le contexte archéologique en mettant au jour plusieurs occupations appartenant probablement à une agglomération secondaire antique.

Le premier dépôt était contenu dans une céramique commune. Il contenait 655 antoniniens ( pièce de monnaie romaine d'une valeur de deux deniers -monnaie de base du système monétaire romain), aux effigies des empereurs suivants : Elagabal qui a régné de 218-222 (1 ex.), Gordien III (61), Philippe I (33), Otacilia Severa (10), Philippe II (9), Trajan Dèce (20), Estruscilla (6), Herennius (2), Hostilien (2), Trébonien Galle (27) Volusien (20), Emilien (3), Valérien I (55), Mariniana (1), Gallien (95), Salonine (38), Valérien II (39), Salonin (30), Postume (202). La monnaie la plus tardive date de 261.

Le second dépôt qui, selon toute vraisemblance, se situait à proximité du premier, était contenu dans une amphore à deux anses. Le fonds de cette amphore est probablement resté en place. Nous pouvons évaluer son contenu total à environ 8 ou 9000 monnaies. Le reste a été dispersé dans les remblais et 5633 monnaies ont pu être retrouvées : Caracalla qui a régné de 196-217 (22 ex.), Julia Domna (1), Elagabal (67), Julia Maesa (1), Julia Mamaea (1), Balbin, (8), Pupien (9), Gordien III (1811), Philippe (1042), Otacilia Severa (234), Philippe II (214), Dèce (364), Etruscilla (120), Herennius Etruscus (54), Hostilien César (18), Hostilien Auguste (2), Trébonien Galle (297), Volusien (243), Emilien (38), Valérien I (304), Mariniana (14), Gallien, règne conjoint (503), Salonine (182), Valérien II (91). L'intérêt de ce dépôt réside dans l'absence de monnaies postérieures à 258.

Le dépôt I est constitué, d'un denier de Julia Mamaea et de 5632 antoniniens. Cette nouvelle monnaie, qui succède au denier de plus en plus dévalué, fut créée par Caracalla en 215 afin d'assurer temporairement d'importantes liquidités à l'État impérial. Bien que ne pesant qu'1,5 denier, on lui en attribua la valeur de deux. Au bout de quelques années, sa frappe cessa pour reprendre en 238, date à laquelle l'antoninien remplace le denier2 comme numéraire dominant. Plus grosse que le denier, elle pesait à l'origine 5,10 g (contre 3,10 g). En 215, il comprend 476°/oo de métal précieux mais peu à peu son poids et sa teneur en argent s'amoindrissent. Les besoins croissants de financement entrainent une augmentation de la production d'antoniniens à partir de Gordien III qui s'accéléra sous Valérien et Gallien. En 268, il ne pèse plus que 2,5 g et son titre en argent est descendu à ne contient que 25°/oo. Il avait alors perdu pratiquement toute valeur intrinsèque, est est réduit à une vulgaire piécette de cuivre contenant à peine 1°/oo d'argent sous Claude II et Tétricus. Des faussaires en profitent pour émettre des antoniniens dévalués en grande quantité. En 274, les émissions d'antoniniens cessent.

Ces dépôts monétaires (on en compte plus de 200 dans le département de la Somme) sont l'occasion d'en savoir un peu plus sur les empereurs représentés, la circulation monétaire au IIIe siècle, les différents ateliers qui ont frappé monnaie et sur la multiplicité des légendes (effigie de l'empereur et décor de revers) qui participèrent à la volonté romaine de diffuser l'image impériale.

Tahar Ben Redjeb. Carte archéologique de la Gaule. La Somme 80/2. Paris : Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 2012, p. 670-672.

Tahar Ben Redjeb

Transcription

Jacques Deveaux
Un trésor archéologique découvert à Rue, dans la Somme. Il est composé de 7000 pièces de monnaie datant du IIIe siècle. Des pièces composées d’un alliage d’argent et de cuivre. La découverte remonte au mois de décembre dernier et n’a été rendue publique qu’hier afin d’éviter le pillage du site.
Sophie Crimon
7000 pièces de monnaie du IIIe siècle après Jésus Christ, de 218 à 261, ont été découvertes fortuitement dans une cruche et une urne sur un chantier de construction d’une usine à Rue, dans la Somme. Un trésor extraordinaire, une découverte exceptionnelle puisque les trésors mis au jour jusqu'à présent atteignent au mieux 1500 pièces. Ces pièces, composées d’un alliage d’argent et de cuivre, sont des Antoninianis , du nom de l’empereur romain Marcus Orebus Antoninus Bastianus. Une monnaie créée en 218 en remplacement des deniers. Nettoyées à l’acide formique et à l’eau distillée pour enlever l’oxyde de cuivre. Par Tahar Ben Redjeb, chargé de l’étude de ces pièces, archéologue à la direction régionale des antiquités historiques de Picardie, les pièces ont révélé 6 effigies différentes d’empereurs romains. La plupart sont à l’effigie de Gordien III, de Philippe Ier, d’Emilien, de Valérien avec sur le revers les membres de leurs familles. Selon Tahar Ben Redjeb, ce trésor aurait été enfoui en 261, à l’occasion de l’invasion des Francs et des Alamans en Gaule. Il proviendrait d’un établissement commercial de l’époque. Ce trésor nécessite encore 6 mois d’étude. Il a plusieurs appartenances : l’Etat, la chambre de commerce et d’industrie d’Abbeville, propriétaire du terrain sur lesquelles ont été faites les fouilles. Après étude, le trésor archéologique sera remis au musée d’Abbeville.