Le temple de Champlieu

24 octobre 2002
05m 25s
Réf. 00617

Notice

Résumé :

Au sud de la forêt de Compiègne, visite du site gallo-romain de Champlieu. Au IIe siècle, ont été édifiés un théâtre, un temple et des termes. Une bonne partie des 130 blocs de pierre mis au jour par Viollet-le-Duc se trouve au musée Vivenel de Compiègne. Eric Banchegorge, son conservateur explique qu'on est en présence de colonnes typiquement romaines. Georges-Pierre Woimant, archéologue départemental de l'Oise, présente les découvertes faites sur des fouilles complémentaires qui ont révélées un autre bâtiment. Dans les termes, subsiste une vasque. Le site est encore fouillé par des campagnes annuelles : il y aurait une ville complète à découvrir. Le théâtre antique pouvait contenir 4000 personnes.

Type de média :
Date de diffusion :
24 octobre 2002
Source :

Éclairage

Le site archéologique de Champlieu (commune d'Orrouy) correspond à une agglomération antique localisée de part et d'autre d'une voie romaine. Elle s'étend sur un vaste plateau isolé dominant la vallée de l'Automne. Le sanctuaire a été classé monument historique en 1846 et est aujourd'hui la propriété du Conseil général de l'Oise depuis 2007. Il comprend la trilogie classique, soit du nord au sud, le temple, le théâtre et les thermes.

À la suite de la découverte de sculptures, ce site a été fouillé sous le contrôle de la direction de la Commission des monuments historiques, à partir de 1850 pour le théâtre et par E. Viollet-le-Duc pour Napoléon III en 1857, par A de Roucy dans la seconde moitié du XIXe siècle, puis vers 1873, par L. Caudel et E. Dupuis. Plus récemment de nouvelles fouilles ont été réalisées par J. -L. Cadoux, puis par Georges-Pierre Woimant dans les années 1970. Un relevé topographique du théâtre a été fait en 1993-1994 et un sondage près du mur d'arrière-scène par l'équipe sicilienne de G. Di Stephano.

Le temple a été édifié dans le courant du Ie siècle av. n.è. L'état contemporain ou proche du règne de Tibère est constitué par un fanum comportant cella et galerie périphérique probablement élevées en bois. Entre le règne de Claude (vers 42 de n.è.) et le début du IIe siècle, cet édifice laisse place à un fanum monumental carré à cella et galerie périphérique, ouvert à l'est. Il est construit sur des assises de mortier épaisses (pour la cella) et sur des assises de pierres taillées (pour la galerie). Le sol de la cella est décoré d'une mosaïque à décor d'étoiles de losanges, alternés de carrés et triangles, en noir et blanc et ses parois sont ornées d'enduits peints montrant un décor de panneaux et colonnettes environnées de figurations d'animaux et de végétaux. Des fragments d'éléments architectoniques sculptés permettent de restituer une colonnade ouverte, qui aurait été fermée dans sa partie inférieure par un muret, sur tout ou partie de la galerie. Dans le courant du IIe siècle, le temple est reconstruit sur un podium précédé d'un escalier monumental. Il présente un riche décor architectonique sculpté de scènes divines ou mythologiques. Il mesure alors 27,05 m d'est en ouest et 21,50 m du nord au sud.

Le théâtre est la partie la plus anciennement connue du site. Aujourd'hui dégagé, présente un mur circulaire en élévation d'environ 5 m, épaulé par 30 contreforts. Il décrit un demi-cercle outrepassé de 65 à 71,40 m de diamètre d'est en ouest et 49 m du nord au sud. Un couloir circulaire au sommet des gradins permettait d'accéder aux couloirs qui conduisait d'une part à la base du balcon supérieur et, d'autre part, aux galeries supérieures. Les gradins supérieurs étaient en bois, les gradins inférieurs en pierre. Il n'en subsiste que deux à trois rangs visiblement déplacés. L'orchestre semi circulaire donnait sur une scène rectangulaire de 12 m de large sur laquelle évoluaient les acteurs. Il en subsiste les premières assises en pierre et les fondations. L'emplacement du mur de scène qui formait le fond permanent du théâtre n'est pas situé précisément. Ce théâtre a été daté du IIe siècle.

Les thermes, localisés à 30 m au sud du théâtre, constituent un ensemble couvrant 1219 m². Ils comprennent une grande cour à portique interne (atrium), un couloir transversal (apodyterium), deux salles dallées (frigidarium), deux bassins, deux salles chaudes sur hypocauste (tepidarium-sudatorium) et trois foyers dont un flanqué de deux salles de dépôt de combustible, et une salle annexe chauffée. Les fouilles ont livré des enduits peints à fond blanc. La datation semble plutôt du début du IIe siècle (comme le théâtre et le temple sur podium).

Georges-Pierre Woimant. Carte archéologique de la Gaule. L'Oise. 60. Paris : Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1995, p. 353-363.

Tahar Ben Redjeb

Transcription

Jean-Pierre Rey
Nous allons, aujourd'hui, visiter ensemble le site gallo-romain de Champlieu. Situé à la lisière sud de la forêt de Compiègne, l’endroit est plutôt surprenant et mystérieux. Ici, au IIe siècle après Jésus Christ, un théâtre, un temple et des thermes furent édifiés. Du temple, il ne reste plus que cette gouttière en pierre ainsi que le podium sur lequel reposait l’édifice. Les 130 blocs de pierre ont été mis au jour. Une bonne partie se trouve au musée Vivenel de Compiègne. Nettoyés, restaurés, ces vestiges sont, aujourd'hui, montrés au public. Ces morceaux de colonnes, c’est l’architecte Viollet-le-Duc qui les a découverts en 1859 au cours du Second Empire. Des colonnes qui ne soutenaient pas le temple de Champlieu. Leur rôle était décoratif.
Eric Blanchegorge
Ce n’étaient pas des colonnes cannelées comme dans la Maison carrée de Nîmes ou comme au Parthénon d’Athènes, sur l’Acropole. C’étaient des colonnes décorées de feuilles. C’est typique de la Gaule romaine.
Jean-Pierre Rey
Nous sommes au IIe siècle après Jésus Christ. Les troupes de Jules César ont envahi la Gaule depuis près de 200 ans et les romains ont importé leur savoir-faire de maçons. Les constructions en bois gauloises cèdent la place à des bâtiments en dur. Cet édifice antique est l’un des plus grands de la région : 24 mètres de côté, autant en hauteur.
Eric Blanchegorge
Il se présentait comme un grand carré posé sur un haut podium, une haute base de plusieurs mètres de haut, avec un escalier frontal qui permettait d’entrer dans une galerie entourant la partie centrale du temple. Une seule pièce également carrée à l’intérieur de laquelle se trouvaient les statues divines.
(Musique)
Eric Blanchegorge
On peut supposer que les anciens baignant, en quelque sorte, dans le sacré à l’époque antique venaient solliciter les divinités dès qu’ils avaient un problème de quelle que nature que soit ce problème, que ce soit maladie, personnelle, humaine, animale. Peu importait, que ce soit désir de ceci ou de cela, tout était prétexte à venir adorer les dieux.
Jean-Pierre Rey
Des dieux et déesses que l’on découvre sur ces fragments abimés par le temps. Mais il reste des représentations rares comme celle où Thétis plonge par le talon son fils Achille dans le Styx, le fleuve des enfers, pour le rendre invulnérable.
Eric Blanchegorge
L’on devine encore le corps de la déesse marine Thétis. Vous avez ici, ses fesses, et là, son bras avec la main et une draperie qui pend de l’avant-bras.
Jean-Pierre Rey
Oublié depuis napoléon II, Champlieu est fouillé de nouveau il y a 25 ans.
Georges-Pierre Woimant
On a voulu rechercher quels étaient les états antérieurs. Et dans ces états antérieurs, on a pu mettre en évidence un nouveau bâtiment qui n’était plus comme ce gros bâtiment du IIe siècle sur podium, sur socle, mais c’était un bâtiment à ras-de-terre.
Jean-Pierre Rey
Ce sanctuaire aurait traversé 7 siècles. Le temple de Champlieu n’a pas fini de délivrer ses secrets. Retour au sanctuaire de Champlieu pour la visite guidée. Alors nous sommes dans les thermes. Que reste-t-il ici ?
Georges-Pierre Woimant
Il reste cette vasque. Cette vasque est le seul objet qui subsiste des thermes comme objet. Sinon, on a toute la partie qui correspond au sol dallé, au sol d’extérieur, de circulation et aux parties souterraines dans laquelle circulait l’air chaud pour chauffer les pièces souterraines.
Jean-Pierre Rey
Pourquoi les gens venaient-ils ici ?
Georges-Pierre Woimant
Ils ne venaient pas pour se laver. Ils venaient essentiellement pour des raisons religieuses. Ils venaient pour se purifier en quelque sorte, pour enlever leur souillure.
Jean-Pierre Rey
Le site est-il encore fouillé ?
Georges-Pierre Woimant
Bien sûr, avec une campagne tous les ans, une campagne qui est menée, d’ailleurs, par une équipe universitaire sicilienne, et il y a de quoi fouiller pendant des générations et des générations.
Jean-Pierre Rey
Il y a beaucoup de choses dessous encore ?
Georges-Pierre Woimant
Il y a une ville complète qui environne ce sanctuaire, une ville de plusieurs milliers d’habitants à l’époque, et qui s’étend sur plusieurs dizaines d’hectares, jusqu'à la lisière de la forêt.
Jean-Pierre Rey
Donc on pourra encore trouver beaucoup de choses ici ?
Georges-Pierre Woimant
Ah oui, bien sûr, énormément, énormément.
Jean-Pierre Rey
Alors on fait la suite de la visite, si vous le voulez bien.
Georges-Pierre Woimant
Tout à fait.
Jean-Pierre Rey
Ici, c’est le théâtre qui est le lieu conservé. Construit à l’envers de la pente, un imposant mur à l’arrière protège les gradins de l’érosion. Pièces antiques mais aussi réunions politiques, on pouvait y entasser 4000 personnes.
Georges-Pierre Woimant
On pénétrait sur ce théâtre non pas directement par les bords de la scène comme on peut le faire dans nos théâtres actuels mais par derrière avec, au moyen d’un chemin de praecinctio c'est-à-dire qui fait le tour du théâtre, et par des conduits latéraux que l’ont appelle des vomitoires, ce qui vomit la foule. Les édiles, les personnages importants de la cité étaient assis sur des gradins.
Jean-Pierre Rey
Ici ?
Georges-Pierre Woimant
Sur ces gradins tandis que l’ensemble du peuple ramenait son petit coussin, s’asseyait sur l’herbe et s’asseyait aussi sur des parties hautes. On construisait des galeries en bois pour augmenter le volume.
Jean-Pierre Rey
Et qu’est-ce qu’on donnait, ici, comme représentations ?
Georges-Pierre Woimant
On a, bien sûr, des représentations qui parfois étaient d’ailleurs assez anciennes mais d’auteurs latins qui étaient largement inspirées aussi des auteurs grecs.
(Bruit)