Sur les pas de Séraphine à Senlis

18 avril 1969
02m 38s
Réf. 00739

Notice

Résumé :

L'artiste peintre, Séraphine Louis dite Séraphine de Senlis est présentée dans ce sujet à travers la lecture d'un portrait écrit par le docteur Gallot qui l'a connue. Ce portrait est illustré par de nombreuses images de ses toiles exposées au musée d'Art Moderne de Paris, par quelques portraits photographiques. Promenade dans les rues, dans la campagne autour de Senlis, les lieux qu'elle fréquentât des les années 1920.

Type de média :
Date de diffusion :
18 avril 1969
Source :
ORTF (Collection: Champ visuel )
Personnalité(s) :
Lieux :

Éclairage

Depuis ce document diffusé pour la première fois en avril 1969, avec des commentaires du Docteur Gallot, ayant lui-même connu Séraphine et publié un essai sur son œuvre en 1957, la gloire du peintre de Senlis a fait du chemin. Elle qui affirmait placidement "je suis un grand peintre" et ne doutait pas d'être reconnue un jour comme telle a eu en particulier les faveurs d'un très beau film réalisé par Martin Provost en 2008. Ce film franco-belge alterne pendant 125 minutes des plans de Senlis avec ses rues médiévales caractéristiques, ainsi que des plans larges de la très pacifique nature, prairies, bois et plaines, entourant la ville. Au milieu de ce décor, se déplace dans une grande lenteur de gestes l'actrice belge Yolande Moreau qui accomplit là une très extraordinaire interprétation tout en silence, en mutisme même et en passion rentrée. C'est un collectionneur et galeriste allemand Wilhelm Uhde, par ailleurs l'un des tout premiers acheteurs de Picasso et découvreur du Douanier Rousseau, qui rencontre l'œuvre de l'autodidacte Séraphine, en 1912. À cette époque le peintre gagne sa vie en faisant des ménages chez les bonnes familles de Senlis tout en peignant jusque très tard dans la nuit, à son retour chez elle. Uhde facilite l'achat des couleurs par Séraphine, sans toutefois jamais percer le secret de ses mélanges (du Ripolin entre dans la composition de ses toiles, par exemple). Hormis ce protecteur, la jeune paysanne très tôt orpheline, qui est née en 1864 à Arsy, doit vivre et travailler toute son existence dans la solitude. Lorsque la guerre éclate en 1914 Uhde regagne l'Allemagne et ne revient à Senlis qu'en 1927. Il présente Séraphine, en 1929, dans une exposition où sont présentés Les peintres du Cœur Sacré. Survient alors la grande dépression économique qui contraint Uhde à différer ses achats avant d'exposer à nouveau Séraphine en 1932 à Paris, parmi les Primitifs modernes. C'est l'année même où Séraphine, sombrant dans la folie, est internée à l'asile psychiatrique de Clermont de l'Oise, où elle décèdera dix ans plus tard, autrement dit en 1942, au cœur du nouveau conflit entre la France et l'Allemagne. Après une exposition entièrement consacrée à Séraphine entre Octobre 2008 et Janvier 2009 à la Fondation Dina Vierny, à Paris, la ville de Senlis lui a réservé une salle entière de son Musée rénové. Ce qui retient notre œil chez ce peintre très proche du douanier Rousseau, c'est tout ensemble l'exubérance de la Nature, faite de bouquets de plumes et de fleurs poussées jusqu'à l'explosion, et l'organisation puissante de cet apparent désordre tenu très profondément par une puissance nocturne qui impose sa logique fantastique.

Jacques Darras

Transcription

(Silence)
Docteur H M Gallot
J’ai bien connu Séraphine. Je crois que j’ai le droit de parler un petit peu d’elle avec une certaine tendresse. C’était en 1924. Elle passait souvent vers midi, place Henri IV. A cette époque, Séraphine était une paysanne d’environ 58 à 60 ans, de taille moyenne, robuste, avec un visage ridé constellé de tâches de rousseurs. Elle était chaussée de souliers d’homme très propres. Sa jupe était très curieuse. C’est une jupe longue, noire qu’on peut qualifier, mon Dieu, je crois, du type de "petite balayeuse". Elle refusait de parler de son art. Elle disait : « La peinture, c’est ma vie. C’est la lumière. Et pour vivre, il faut que je fasse des ménages ». Et elle appelait cela le travail noir.
(Musique)
Docteur H M Gallot
Regardez les grandes toiles, les 40, les 60, les 80 qui sont au musée d’Art moderne. On n’a pas l’impression du tout d’une peinture naïve.
(Musique)
Docteur H M Gallot
Il existe une photo d’elle où on la voit avec une palette. Ça a dû être fait vraisemblablement vers 1928 ou 29, dans sa période d’exaltation. Elle disait : « Laissez-moi tranquille. Ne me parlez pas peinture. C’est mon affaire. Je suis un grand artiste. Et vous verrez, un jour, j’aurais ma statue sur la place de Senlis ». Avant 1925 ou 26, elle peignait déjà sur tout ce qu’elle trouvait : des ampoules électriques, des boîtes à ordure, des vases, des morceaux de grès. Elle avait besoin de peindre partout.
(Musique)
Docteur H M Gallot
Je crois que c’était, de naissance, un grand peintre qui, étant une aliénée, a finalement trouvé dans son délire les éléments qui lui ont permis de se surpasser.
(Musique)
Docteur H M Gallot
Quand on essayait de lui demander si elle avait des maîtres, elle disait : « Non, le seul maître, c’est la nature ».
(Musique)