Marseille, quartier général des rapatriés
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Alors que les rapatriements d'Algérie battent leur plein, Marseille est submergée par les nouveaux arrivants. Ceux-ci se retrouvent au centre ville, sur la Canebière, devant la Bourse et sur le cours de Verdun, pour échanger des informations, prendre des nouvelles de parents ou d'amis, trouver du travail ou un logement. Les rues sont parcourues par des véhicules fraîchement débarqués et portant les plaques d'immatriculation d'Algérie.
Date de diffusion :
25 juil. 1962
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Contexte historique
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Marseille est plus que jamais dans l'été 1962 au coeur de l'exode algérien. Le port a reçu plus de la moitié des rapatriés de juin, soit autour de 200 000, et les trois-quarts des arrivants de juillet et août. Beaucoup sont en transit, mais beaucoup aussi se sont installés ou cherchent à s'installer dans la ville et ses alentours. Dans la détresse du moment, chacun cherche à trouver des connaissances et à échanger des informations. Le centre ville est alors rempli par ses nouveaux arrivants et leurs voitures - il va en arriver près de 50 000, non compris les véhicules utilitaires - sont reconnaissables à leur plaque d'immatriculation. L'automobile sur laquelle le reportage s'attarde un moment vient d'Oran. Comme l'écrit Jean-Jacques Jordi, "la place de la Bourse [...] prend chaque jour un peu plus des allures de Forum d'Alger". On se passe des tuyaux, on recherche qui un logement, qui un emploi, on s'échauffe parfois et il arrive que des accrochages aient lieu entre rapatriés ou avec des habitants ou bien encore que des Nord-Africains soient pris à partie. Cet afflux provoque l'inquiétude d'une population locale qui, dans sa majorité, a condamné l'attitude de l'OAS, même si les ultras de l'Algérie française ont dans la région de nombreuses sympathies. Une partie des délits du moment est attribuée aux activistes. Même si la mémoire "pieds-noirs" conserve surtout - et de plus en plus au fur et à mesure que l'on s'éloigne des événements - le souvenir des avanies subies, les gestes de solidarité et de compassion n'ont pas été rares, tant dans les petites communes de la région où sont réparties des familles souvent démunies, que dans les ports d'accueil où les organisations caritatives ou de rapatriés assistent les services des administrations nationales ou locales.
Un très grand nombre de rapatriés s'établissent définitivement dans les Bouches-du-Rhône. Ils sont 188 882 en 1965, ce qui en fait, de loin, le premier département d'accueil sur le plan national. Les Alpes-Maritimes sont au troisième rang, juste derrière Paris, avec 105 832 personnes, tandis que le Var avec 57 045 et le Vaucluse avec 27 304 se situent plus en retrait. C'est évidemment à Marseille que se trouve la concentration la plus forte (autour de 120 000 personnes), qui vient peupler les ensembles qui se construisent à la périphérie (par exemple les HLM de La Rouvière ou de Valmante), alors que la reconstruction vient à peine de se terminer, sans toutefois que le problème du logement soit résolu. En dépit des difficultés suscitées par un afflux qui a pris d'autant plus de court les autorités qu'il s'est concentré en quelques semaines et qu'il n'avait pas été prévu, l'intégration sociale et économique se fera finalement assez vite compte tenu de la masse et de la diversité de la population concernée. Restera la douloureuse question des indemnisations qui se traduit par l'ouverture de 53 454 dossiers dans les années suivantes dans la région dont 21 310 dans les Bouches-du-Rhône. L'intégration politique se fait aussi rapidement. À Nice, comme à Toulon, mais aussi à Marseille, une place est faite aux rapatriés dans les instances municipales. À Marseille, l'adjoint aux rapatriés est un ancien expulsé de Bizerte, vice-président de l'ANFANOMA (Association nationale des Français d'Afrique du Nord et d'Outre-Mer). C'est à son initiative que la municipalité érige un monument commémoratif sur la corniche Kennedy. Oeuvre du sculpteur César, il est inauguré le 14 février 1971 et porte deux inscriptions, l'une est dédiée à l'armée coloniale "qui, pendant des années, a uni sans distinction d'origine, de couleur ou de race, des hommes de courage et d'abnégation", tandis que l'autre, sur la face principale du monument, proclame : "La ville de Marseille aux rapatriés d'Afrique du Nord et d'Outre-Mer, à tous ceux qui ont pour dernière demeure un sol maintenant étranger sur lequel ils ont vécu, travaillé et qu'ils ont aimé, salut à vous qui êtes revenus, notre ville est la vôtre".
Bibliographie :
Jean-Jacques Jordi, 1962 : L'Arrivée des Pieds-Noirs, Paris, Autrement, 2002.
Jean-Jacques Jordi, De l'exode à l'exil : Rapatriés et pieds-noirs en France : l'exemple marseillais, Paris, L'Harmattan, 1993.
Jean-Jacques Jordi et Émile Témime dir., Marseille et le choc des décolonisations, Aix-en-Provence, Édisud, 1996.
Transcription
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