Élections municipales de 1995 : victoire du FN à Orange, Marignane et Toulon
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Le deuxième tour des élections municipales confirme la poussée du Front National dans la région. Il a conquis la majorité à Toulon, Marignane et Orange. Le futur maire de Toulon, Jean-Marie Le Chevallier, affirme qu'il appliquera la loi. À Marignane, certains laissent pointer leur inquiétude, tandis qu'à droite, on s'accuse mutuellement d'avoir fait le jeu du FN en maintenant deux listes au deuxième tour. Le calme prévaut à Orange, gagnée par le FN Jacques Bompard, mais le maire PS battu envisage de déposer un recours. À Vitrolles, les adversaires de Bruno Mégret (FN) sont soulagés car le Front républicain l'a fait échouer dans sa tentative de conquérir la ville. Cependant le maire sortant aura fort à faire pour satisfaire ses concitoyens qui estiment avoir été négligés.
Date de diffusion :
19 juin 1995
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Le deuxième tour des élections municipales de 1995 singularise la région et attire une nouvelle fois l'attention sur l'implantation que paraît y réussir l'extrême droite. Le FN vient en effet de conquérir au 2e tour la majorité municipale dans trois localités d'une certaine importance et ce résultat éclipse en grande partie le reste, d'autant que la victoire de Jacques Peyrat à Nice paraît confirmer cette orientation puisque ce dernier était, quelques mois auparavant, le leader FN des Alpes-Maritimes et qu'il vient de gagner contre le maire sortant, RPR, très soutenu par Alain Juppé.
La victoire du FN à Toulon n'est pas la plus significative, mais elle est certainement celle dont la portée politique est la plus grande. Préfecture du Var, principale base navale en Méditerranée, la ville compte plus de 160 000 habitants, ce qui ne doit pas cacher qu'elle est en perte de vitesse et en crise. La victoire du FN est la conséquence indirecte de l'affaire Arreckx, qui a discrédité en grande partie l'équipe en place, dirigée par son ancien adjoint, François Trucy (PR-UDF), et déstabilisé son électorat. Contesté pour le réaménagement du centre ville et pour sa gestion, affaibli par des campagnes qui émanent de son propre camp et qui ont visé, de façon odieuse, jusqu'à sa vie privée, François Trucy a affronté au 1er tour la dissidence de l'un de ses adjoints, Louis Colombani, issu de la même mouvance catholique sociale que Maurice Arreckx et lui aussi UDF-PR. Le FN est arrivé en tête (31,02), distançant les autres listes (Trucy : 23,17, Goux : 21,67 et Colombani : 9,61). Au 2e tour, le maintien de la liste de gauche, dirigée par le socialiste Christian Goux, ancien député du Var, et la communiste Danielle Demarch a contribué à la victoire de la liste FN conduite par Jean-Marie Le Chevallier et l'on remarquera le jugement négatif que porte Dominique Strauss-Kahn sur ce maintien, qu'il qualifie d'"erreur". La liste Le Chevallier a gagné 41 sièges de conseillers municipaux avec 37,02 % des voix (le Dr Trucy en ayant 10 avec 34,82 et la gauche 8 avec 28,16).
Sous ses allures bonhommes, Jean-Marie Le Chevallier est représentatif de ces transfuges de la droite classique venus renforcer les rangs du FN après la victoire de la gauche en 1981. Ancien Républicain indépendant, ancien directeur de cabinet de Jacques Dominati qui était le secrétaire général de cette formation, passé ensuite - entre autres - au secrétariat général du conseil de la Croix-Rouge française, il est devenu directeur de cabinet de Jean-Marie Le Pen en 1983. Lorsque le FN a jeté son dévolu sur la région, il a fait partie du contingent de ses cadres qui y ont été envoyés en 1988 (avec Jean-Pierre Stirbois et Bruno Mégret). Il a été chargé de diriger la fédération du Var (pour contrebalancer Yann Piat et affronter François Léotard). Élu conseiller municipal de Toulon en 1989, les circonstances en font donc le nouveau maire, un maire tout aussi improvisé que l'équipe élue avec lui. Mais on remarquera la prudence avec laquelle il s'exprime, se sachant minoritaire dans la ville et cherchant, lui qui s'affiche volontiers comme "catholique et français", à rallier les "élites" civiles et militaires qui le boudent encore. Ses supporters sont moins tolérants puisque le jour de son élection dans le fauteuil de maire, le dimanche 25 juin, ils conspueront l'opposition et l'empêcheront de parler.
Le cas de Marignane est différent. La droite la plus extrême est présente depuis longtemps dans la municipalité de cette ville dont la croissance a été spectaculaire (10 300 habitants en 1962, 37 000 en 1995, dont près de 10 % d'origine étrangère) et qui compte plus de 40 % de rapatriés d'Afrique du Nord (et dont certaines rues portent déjà les noms des "héros" de l'Algérie française, dont Salan, Jouhaud, Bidault). L'ancienne majorité municipale, dirigée par un maire en place depuis 1947, un radical à l'origine, mais de la tendance qui n'a jamais admis l'indépendance de l'Algérie, avait intégré dès 1983 le FN, mais avait rompu avec lui en 1989 devant son appétit. Le nouveau maire, Daniel Simonpieri, royaliste à l'origine, militant FN des premiers jours, mais homme de terrain, employé de banque localement connu, extérieur à l'appareil du parti, avait fait figure d'"opposant" au sein du conseil municipal. Il a bénéficié de la division à droite au 2e tour, qui a fait se maintenir contre lui deux listes concurrentes, alors que celle de la gauche, à direction socialiste, se désistait. Il l'a emporté avec 37,27 % des suffrages contre 36,28 à la liste d'union de la droite et 25,96 à celle des divers droite.
La petite ville d'Orange a pour particularité de n'avoir pas eu de majorité municipale stable depuis près de vingt ans, oscillant du PC au RPR avant d'élire la municipalité à direction socialiste d'Alain Labé en 1989. Vieux militant d'extrême droite (venu des réseaux de soutien à l'OAS et du mouvement Occident), le dentiste Jacques Bompard, tête de liste FN alors et conseiller municipal, conseiller régional depuis 1986, fait figure de principal opposant, cultivant l'électorat militaire et de professions indépendantes de cette localité en mutation d'identité. Il est arrivé en tête au 1er tour (31,36 %) devant quatre autres listes, étalant les divisions de la droite (deux listes RPR, l'une "chiraquienne", l'autre "balladurienne"), et deux listes de gauche (celle du maire sortant qui est arrivée en deuxième position avec 25,74, et la liste "Citoyens d'Orange" à participation communiste). Au 2e tour, la victoire de la liste FN est très étroite - 87 voix de différence sur la liste de gauche (35,9 contre 35,2), alors que le RPR s'est maintenu et a fait 28,9 %.
Cité tout aussi "périphérique" que les précédentes, mais encore plus malade de son identité, Vitrolles, proche de Marignane, crée une double surprise. C'est, au 1er tour, le succès de Bruno Mégret, et c'est son échec au 2e. Le délégué général du FN a compris qu'il y avait là un terrain favorable et s'y est établi en 1993 après avoir obtenu 55 % des suffrages aux législatives. Il y bénéficiait d'une forte présence des rapatriés et de soutiens venus de la droite classique, du RPR notamment. Il bénéficiait aussi de la gestion très décriée du maire, Jean-Jacques Anglade, surtout après sa réélection dès le 1er tour en 1989. Celui-ci, qui avait été élu pour la première fois en 1983, prenant alors la place d'une municipalité communiste, était vice-président du Conseil général. Avec 43,04 % des voix au 1er tour, Bruno Mégret distançait largement la liste Anglade (PS) qui n'obtenait que 28,87, et plus encore celle de la droite unie (12,47) et celle des communistes (6,31), tant et si bien que sa victoire au 2e tour paraissait assurée. Mais l'appel au "front républicain" lancé par Anglade a joué en partie et ce dernier a obtenu une courte réélection avec 45,02 % des suffrages contre 42,89 à Mégret et 12,07 à la liste UDF-RPR. Le commentaire du reportage à ce sujet était lucide en estimant qu'il devrait faire beaucoup pour éviter que Vitrolles ne soit la quatrième ville à tomber aux mains de l'extrême droite. Les élections de 1997, faisant suite à l'annulation de celles de 1995 par le Conseil d'État, allaient le confirmer (voir Le FN remporte les élections municipales de Vitrolles ).
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