La savonnerie Le Sérail et la fabrication traditionnelle du savon de Marseille
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Résumé
Le reportage porte sur la savonnerie Le Sérail fondée en 1949 par Vincent Boetto et qui est la dernière entreprise de "savon de Marseille" traditionnel basée dans la cité phocéenne. Le processus de fabrication de ce savon traité à l'ancienne est décrit par Délia Boetto, directrice de la savonnerie, depuis le mélange des huiles jusqu'à l'estampillage et le séchage à l'air libre des pains, sans oublier la transformation des chutes en savonnettes ou savon liquide. La clientèle exprime ici sa grande satisfaction de retrouver des produits d'une qualité indéniable et "hors du temps", entièrement naturels, aux vertus bactéricides et hypoallergéniques, qui les font recommander par les pédiatres et les dermatologues.
Date de diffusion :
23 août 1999
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C'est en Gaule que l'on retrouve les premières recettes de savon. Pline l'Ancien dans son Histoire Naturelle donne la composition d'une pâte élaborée à partir de cendres de hêtre et de suif de chèvre et qui servait pour teindre les cheveux en roux. Pendant des siècles, cette recette est restée inchangée. Le savon servait tour à tour d'onguent, de cosmétique, de remède. C'est au Moyen Age qu'il est utilisé pour laver le linge. La graisse animale est peu à peu remplacée par l'huile d'olive, à l'imitation du savon d'Alep en Syrie. C'est elle qui va donner un savon de couleur verte, à la consistance ferme, à l'odeur agréable et à usages multiples. La première mention officielle d'un savonnier à Marseille date de 1371 et concerne un certain Crescas Davin. C'est donc très tôt que cette activité qui va faire la réputation du port s'installe. À la fin du XVIIe siècle, sous Louis XIV, sept fabriques produisent près de 20 000 tonnes de savon par an et le savon "de Marseille" devient un nom commun, dont la fabrication est règlementée par un édit, le 5 octobre 1688.
Le développement industriel et les progrès de la chimie organique avec Nicolas Leblanc qui met au point la soude artificielle obtenue à partir du sel marin permettent à la savonnerie marseillaise de prendre un nouvel envol au XIXe siècle. La hausse du prix des huiles d'olive et d'oeillette (pavot) oblige les savonniers à diversifier leur approvisionnement en corps gras. De nouvelles entreprises se créent pour presser le lin et le sésame. D'autres préfèrent utiliser l'huile de palme, procédé utilisé en Angleterre depuis de multiples années. D'autres enfin se tournent vers l'huile d'arachide. Peu à peu émergent deux types de savons "de Marseille" : le blanc composé d'huiles végétales (noix de coco-palme), qu'il doit comprendre à proportion de 63 % selon la formule mise au point par le chimiste François Merklen en 1906 ; l'autre, le vert, qui contient 50 % d'huile d'olive. Marseille compte 90 savonneries au début du XXe siècle. La savonnerie, qui est alors à son apogée, est l'une industries chimiques phares de la ville.
La fabrication du savon de "Marseille" comprend plusieurs phases :
L'empatâge, qui consiste à mélanger les huiles végétales avec l'alcali à quoi l'on ajoute du sel de mer. On commence par faire bouillir le mélange grâce à la vapeur d'eau qui circule au fond de la cuve dans un serpentin. Par réaction chimique, le mélange se transforme en pâte et le sel l'épure. Le tout dure environ huit heures.
La cuisson. On cuit la pâte pendant quatre heures à une température d'environ cent degrés tout en soutirant régulièrement l'alcali usagé. On procède alors à une série de lavages en aspergeant le dessus du chaudron avec de l'eau froide. Celle-ci, plus lourde que la pâte, descend au milieu en entraînant les impuretés. Durant cette période, l'attention du savonnier doit être permanente. En effet, comme la pâte bout comme du lait dans une casserole, elle peut monter soudainement. C'est à ce moment qu'il doit, avec une longue rame, brasser la pâte pour baisser son niveau. Au bout de trois ou quatre jours, pour vérifier si la pâte est finie, le savonnier dépose une goutte de savon sur le bout de sa langue : il la teste. Si elle est douce, on peut passer à l'étape suivante. Si ce n'est pas le cas, il faut continuer à laver la pâte. La cuisson terminée, le savonnier coupe le chauffage et couvre la cuve avec des planches de bois afin de conserver sa température. La pâte doit alors reposer 36 heures.
Le coulage dans les mises. Les mises sont des bacs en ciment construit au sol dans lesquels la pâte est coulée en empruntant des rigoles construites à cet effet. Le savon va sécher par évaporation dans les mises pendant 48 heures. La masse est ensuite découpée en blocs de 40 kg qui sont alors déposés sur la table de la découpeuse, qui, avec ses cadres tendus de fils d'aciers, produits les cubes traditionnels de savon de Marseille. Les chutes sont alors réutilisées pour produire des savonnettes ou du savon liquide.
Le séchage. Les cubes sont déposés sur des clayettes en bois où ils vont sécher pendant une quinzaine de jours.
L'estampillage ou moulage. C'est la dernière opération. Chaque savon est enserré dans un moule qui, en se refermant, imprime dans sa pâte différents logos qui témoignent de la composition et de l'origine de la marchandise. C'est la fin du processus de fabrication.
Après la guerre de 1914-1918 commencent les difficultés avec la concurrence d'autres lieux de production, puis la crise économique des années trente, mais, avec une production de 120 000 tonnes en 1938, Marseille assure encore la moitié de la production française. Le déclin vient après 1945. Le savon est supplanté par les lessives de synthèse auxquelles les savonniers marseillais n'ont pas su s'adapter. Il ne reste aujourd'hui qu'une poignée de fabricants dans la région. L'appellation "savon de Marseille" n'est pas une appellation d'origine contrôlée, mais renvoie à une méthode de fabrication traditionnelle, excluant en particulier les tensio-actifs de synthèse et reconnue depuis mars 2003 par l'État et par la profession. Aujourd'hui, il ne reste plus que trois savonneries traditionnelles dans la région marseillaise, dont l'entreprise Le Sérail.
Bibliographie :
Patrick Boulanger, Le savon de Marseille, Barbentane, Équinoxe, 1999.
Xavier Daumalin, Nicole Girard et Olivier Raveux dir., Du savon à la puce. L'industrie marseillaise du XVIIIe siècle à nos jours, Marseille, Éditions Jeanne Laffitte, 2003.
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