La fin des missiles nucléaires du plateau d'Albion
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La fermeture programmée du site nucléaire du plateau d'Albion, qui existait depuis vingt cinq ans, laisse planer l'inquiétude sur le devenir du secteur. Alors que la base occupée par le 1er Régiment de missiles stratégiques est le cadre d'une dernière cérémonie avant son démantèlement, les officiers de l'Armée de l'Air qui l'avaient en responsabilité font part de leur émotion. Rien n'étant prévu pour remplacer les fusées, le plateau risque de redevenir un désert économique.
Date de diffusion :
16 sept. 1996
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Moins de dix ans après Barcelonnette, un nouveau site militaire régional, celui du site nucléaire de défense du plateau d'Albion, est concerné par une décision de fermeture, et avec elle l'économie d'une région. Cette fermeture désormais inéluctable provoque l'inquiétude. C'est ce qui ressort de ce reportage tourné le 16 septembre 1996, jour de la "fin de l'alerte opérationnelle", autrement dit le jour où les installations du plateau perdent leur fonction.
Dans cette partie assez déshéritée du Vaucluse, située entre 800 et 1 000 mètres d'altitude, à 30 km d'Apt, ni l'agriculture (tournée vers une économie pastorale et la culture de la lavande), ni le tourisme ne pourront compenser le départ des militaires qui assuraient le service de l'ensemble des installations. On est loin de la vague de protestations que l'installation des silos avait soulevée en 1965-1966. L'Association pour la sauvegarde de la Haute-Provence avait organisé alors plusieurs manifestations, dont une à Fontaine-de-Vaucluse avec René Char, qui était l'auteur d'une affiche-poème emblématique, La Provence point Oméga :
"Que les perceurs de la noble écorce terrestre d'Albion
mesurent bien ceci : nous nous battons pour un site où la
neige n'est pas seulement la louve de l'hiver mais aussi
l'aulne du printemps. Le soleil s'y lève sur notre sang
exigeant et l'homme n'est jamais en prison chez son
semblable. À nos yeux ce site vaut mieux que notre pain, car
il ne peut être, lui, remplacé".
Ce qui était dénoncé, c'était autant le choix d'une politique de défense fondée sur la force de frappe nucléaire que la nucléarisation du plateau. La décision d'installer des silos sur le plateau d'Albion était liée au remplacement des missiles embarqués à bord des Mirages IV par des missiles SSBS (pour Sol/Sol/Balistique/Stratégique), dotés d'une tête nucléaire (puis thermonucléaire) et d'une portée de 3 000 km. Le choix du plateau calcaire d'Albion avait été fait en avril 1965. La nature du sol, percé de grottes et d'avens, la faible densité de la population et la proximité des installations nucléaires de Marcoule, Pierrelatte et Cadarache le justifiait. Le site s'étendait sur près de 800 ha dispersés entre dix-sept communes, sur 40 km, principalement dans le Vaucluse, mais aussi dans la Drôme et les Alpes-de-Haute-Provence. Les travaux, commencés au printemps 1966, avaient été terminés en 1971. Dix-huit silos, profonds de 30 mètres, et deux postes de conduite de tir à Rustrel, dans le Vaucluse, et à Reilhannette, dans la Drôme avaient été aménagés. La base aérienne 200, installée en avril 1967 à Saint-Christol, abritait le 1e Groupement de missiles stratégiques. Plus de 3 000 personnes stationnaient désormais sur le plateau ou son pourtour, en particulier à Saint-Christol, Sault et Apt. La sous-préfecture du Vaucluse, qui servait de base-vie, avait bénéficié d'une cité de 874 logements construite en 1968.
Le plateau était devenu l'un des lieux les plus secrets et les mieux gardés de France, mais l'intégration avait réussi et l'économie locale profitait d'une population au pouvoir d'achat supérieur à celui de la majorité des autochtones. D'où l'inquiétude soulevée par la décision de fermer le site à partir du moment où les missiles sol/sol devaient être remplacés par d'autres, embarqués sur des sous-marins nucléaires. Pour la prévenir, alors qu'il annonçait cette fin prochaine, en raison de l'évolution géostratégique mondiale (chute du bloc de l'Est) et du vieillissement des missiles trop coûteux en entretien, Jacques Chirac, président de la République, avait écrit aux maires du secteur le 12 juillet 1995 pour leur promettre "une reconversion exemplaire". Cela ne lèvera pas l'inquiétude des élus et de nombreux habitants hostiles à l'implantation d'une école d'hélicoptères franco-allemande susceptible de causer d'importantes nuisances. Finalement, cette école rejoindra le site du Cannet-des-Maures dans le Var. Le démantèlement des installations nucléaires s'étalera entre la fin de 1997 et 1999. La dernière tête nucléaire partira le 26 février 1998. Le 1er GMS remettra son drapeau le 16 juin 1999. La reconversion militaire se traduira par l'installation à Saint-Christol, sur le site de l'Armée de l'Air, sur l'ancienne base aérienne BA 200, rebaptisée quartier Maréchal Koenig, d'environ un millier de légionnaires du 2e régiment étranger de génie, le plus récent des régiments de la Légion Etrangère, héritier des régiments d'Indochine, ainsi qu'une station d'écoute de la DGSE.
La plupart des silos ont été murés et laissé en l'état sauf un , sur la commune de Lagarde d'Apt, qui accueille l'observatoire astronomique public SIRENE (Silo réhabilité pour nuits d'été) pour des manifestations de vulgarisation scientifique. D'autres activités civiles à caractère scientifique occupent également certaines parties du site. Ainsi l'ancien poste de conduite de tir n° 1, situé sur la commune de Rustrel, abrite le Laboratoire souterrain à bas bruit qui dépend de l'Observatoire de la Côte d'Azur (Université de Nice Sophia-Antipolis). On y effectue des études sur les "bruits de la Terre" qui concernent la sismologie, le champ magnétique terrestre, l'hydrogéologie etc.
Le plateau, désormais dénucléarisé, est retourné à ses difficultés ordinaires.
Transcription
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