Le couvent de la Tourette

04 juin 1987
02m 20s
Réf. 00037

Notice

Résumé :

Le couvent de la Tourette est une œuvre typique de l'architecture du Corbusier. Avec l'artiste Iannis Xenakis, il réussit à lier ses principes architecturaux à la fonction du lieu et à sa communauté religieuse.

Date de diffusion :
04 juin 1987
Source :
Lieux :

Éclairage

Le couvent a été commandé par Antoine-Marie Couturier au nom de l'ordre des Dominicains. Il en a confié la réalisation à Le Corbusier qui dessine les premières esquisses en 1953. Situé à Eveux près de L'Arbresle, au nord-ouest de Lyon, l'édifice inauguré en 1960 se compose de deux bâtiments différents : le couvent en U avec trois ailes autour d'une cour intérieure et l'église. Il est destiné à accueillir et à former les dominicains qui accordent un rôle central à l'éducation et à l'enseignement. Habité par une petite communauté et ouvert aux visiteurs de passage, le couvent de La Tourette est aussi un lieu d'exposition.

L'édifice est situé sur une prairie entourée de bois et caractérisé par une forte déclivité. Les trois ailes des bâtiments conventuels reposent sur une ossature de pilotis et poteaux en béton. Le visiteur est accueilli au sommet de la colline, et pénètre dans l'espace d'étude avec la bibliothèque et les salles de travail. Au-dessus, deux niveaux regroupent les cent quatre cellules individuelles. De nombreux espaces sont consacrés à la vie de la communauté avec notamment le réfectoire qui domine le paysage. Les façades présentent des loggias, des « pans de verre ondulatoires », et des panneaux de béton préfabriqués. L'emploi du béton brut de coffrage confère une grande austérité à l'ensemble. Le toit terrasse sert de cloître et permet la contemplation du paysage. L'église et la sacristie dont la construction débute en 1958 occupent une aile indépendante. Elle se présente sous la forme d'un parallélépipède entièrement aveugle. Son toit terrasse communique par une passerelle avec l'aile ouest du couvent lui-même. La sobriété et le dépouillement du lieu frappe, seuls les murs peints de couleurs primaires et les puits de lumière ou « canons à lumière » animent l'intérieur.

La géométrie stricte du lieu a été conçue par Yannis Xenakis. À la fois mathématicien et musicien, il dessine les plans à la règle contrastant ainsi avec les croquis à main levée des projets de Le Corbusier : des formes géométriques simples s'imposent comme le parallélépipède de l'église, le cylindre de l'escalier en colimaçon de la cour intérieure ou la pyramide de l'oratoire des frères. Les phases de la vie apparaissent clairement : la prière avec le volume de l'église, le repos avec les loggias et brise-soleil des niveaux supérieurs, enfin le lieu où l'on étudie marqué par « les pans de verre ondulatoires » créés par Xenakis. Ce système présente des pans de verres placés entre de fins poteaux de béton, sans huisserie. Le fractionnement des verres par ces lignes verticales de béton permet un jeu de lumière recherché : des jeux d'ombre portés animent le sol, découpent lumière et paysage en une ligne ondulatoire. Associés aux autres recherches formelles, ces rythmes soulignent la destination de l'édifice. Dans l'église, le visiteur peut suivre la ligne de lumière qui apparaît dans l'interstice entre les murs et la dalle du toit. Elle dessine les contours d'un volume plein de ténèbres pour le transformer en espace de méditation.

Le Couvent de La Tourette est une étape fondamentale dans le renouveau de l'Art sacré de la seconde moitié du XXe siècle. Initié par le père Antoine-Marie Couturier, ce mouvement est également lié à la réalisation de la Chapelle Notre-Dame de Toute-Grâce sur le Plateau d'Assy en Haute-Savoie. Le Corbusier s'y est plusieurs fois associé, notamment avec la chapelle Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp (1955).

Laurent Baridon

Transcription

(Musique)
Intervenant
Pour nous, la maison, et pour les gens qui viennent, la maison doit apparaître assez austère, elle a été voulue comme telle. Beaucoup d’angles droits, très peu d’arrondis, très peu de formes apparemment souples, mais, et puis le béton qui lui-même se présente quand même comme un matériau austère, sévère.
Journaliste
Sur le vallon des vœux, Le Corbusier s’est plié à la pente et en descendant, la construction touche le sol comme elle peut. Cette déclivité rend impossible la disposition traditionnelle des bâtiments. Les 2 étages supérieurs sont réservés à la vie solitaire des dominicains. Plus bas, le cloître en forme de croix, appelle à la rencontre. Le Corbusier a joué du paradoxe, à un moment il s’est dit mettons le cloître là-haut, mais si je le mets là-haut, ce sera si beau que les moines en feront une évasion.
Intervenant
On ne peut pas ne pas être sérieux enfin, dans une maison comme celle-ci. Et puis en même temps, c’est une maison très ouverte enfin, il n’y a pas, on est constamment dehors. Aussi bien dehors que dedans, la nature, on est au cœur de la nature, et la nature est un peu avec nous.
Journaliste
La nature, c’est la lumière. Une lumière qui pénètre dans le bâtiment au rythme des pans harmoniques conçus par Xenakis. Pour l’architecte, il s’agit de murs éclairés, éclairage direct ou indirect comme ici dans l’oratoire.
(Musique)
Journaliste
Pas de cadeau pour les dominicains dans l’église. Pas de statues, pas de vitraux. Seuls des volumes que le corps reçoit par impression ou pression des murs. La lumière y est maîtrisée. Les lieux se mettent à rayonner, physiquement ils rayonnent. Ils déterminent ce que Le Corbusier appelait l’espace indicible, non pas des dimensions mais une qualité de perfection.
(Musique)