Portrait de Monseigneur Matagrin

19 octobre 1971
04m 05s
Réf. 00064

Notice

Résumé :

Monseigneur Gabriel Matagrin, évêque de Grenoble, est un personnage important du paysage français. Il s'intéresse depuis toujours aux problèmes sociaux et aux soulèvements qui ponctuent l'actualité.

Date de diffusion :
19 octobre 1971
Source :
ORTF (Collection: JT 20H )
Personnalité(s) :

Éclairage

La diffusion au cours du Journal télévisé régional de ce reportage consacré à Mgr Gabriel Matagrin (1919-2004), évêque de Grenoble de 1969 à 1989, est une manière de reconnaître l'importance prise alors par cet évêque atypique soucieux de promouvoir une Église catholique engagée dans la société et décidée à promouvoir les valeurs évangéliques. Telle est la substance du message que l'intéressé délivre au cours d'une interview dans laquelle il insiste cependant sur le caractère spirituel de la révolution pacifique qu'il souhaite. Il la décrit comme une transformation des comportements en vue de faire triompher la justice au niveau national et international. Mais c'est aussi, pour lui, l'occasion de répondre à ses détracteurs qui l'accusent d'être un évêque progressiste et politique qui contribue à engager une partie des catholiques du côté d'une gauche en pleine recomposition après 1968. L'ouverture de la séquence par de la musique religieuse, le passage par le monastère des sœurs dominicaines cloîtrées de Chalais au-dessus de Voreppe (Isère) viennent renforcer un discours qui se veut un témoignage commandé avant tout par ses convictions de croyant et ses responsabilités d'évêque.

Né dans les Monts du Lyonnais, en terre de chrétienté, scolarisé chez les jésuites à Lyon, Gabriel Matagrin est marqué par son adhésion à la Jeunesse Etudiante Chrétienne (JEC) et la lecture de la revue Esprit. Il entre au Séminaire diocésain Saint-Irénée de Lyon en 1940. Bien qu'attiré par un ministère pastoral et l'action de terrain, ses dispositions intellectuelles poussent ses supérieurs à lui faire préparer une licence de philosophie. Devenu prêtre de paroisse à la Croix Rousse et aumônier de la JEC en milieu scolaire, il s'impose dans le clergé lyonnais comme le spécialiste des questions sociales. Aumônier de la Chronique sociale, que le commentaire qualifie de « laboratoire de réflexion chrétienne », il fréquente et se lie à de nombreux dirigeants du monde politique, économique (Antoine Riboud fondateur du groupe Danone), associatif et universitaire. Enseignant à la faculté catholique de Lyon (la Catho) et vicaire général du diocèse, il joue un rôle important dans les nouvelles orientations prises par le diocèse au début des années 1960. Fervent partisan de l'aggiornamento voulu par Jean XXIII avec le concile Vatican II, il y participe en qualité d'expert (1963) puis d'évêque auxiliaire de Lyon (1965).

Par la suite, il ne cesse de défendre ardemment des réformes qu'il juge indispensables pour mettre le catholicisme en phase avec les mutations culturelles dont il a mesuré l'ampleur comme accompagnateur de la JEC et de la Mission étudiante. Il accueille mai 1968 avec sérénité et rédige pour ses confrères de l'épiscopat un rapport incitant à prendre au sérieux les aspirations exprimées par la jeunesse. Nommé évêque de Grenoble le 19 septembre 1969, il s'efforce de mettre en œuvre ses idées tant dans son diocèse, où il procède à une vaste consultation, qu'à Rome où il prône sans succès une évolution du statut des prêtres lors du synode des évêques de 1971. Porté à la tête de la Commission sociale de l'épiscopat français, il tente de redéfinir les relations traditionnelles du catholicisme et de la politique. Un an après cet interview, il sera le principal rédacteur du rapport Politique, Église et foi qui reconnaît la légitimité du pluralisme des choix politiques pour les catholiques, dès lors qu'ils ne sont pas contradictoires avec les valeurs chrétiennes.

Affaibli par la maladie, attaqué par les catholiques traditionalistes et intégristes, et mal à l'aise devant certaines orientations du pontificat de Jean-Paul II, il prend sa retraite en 1989 et se retire près de Lyon.

Bibliographie :

- Gabriel Matagrin, Le chêne et la futaie. Une Église avec les hommes de ce temps (entretiens avec Charles Ehlinger), Paris, Bayard, 2002.

Claude Prudhomme

Transcription

(Musique)
Journaliste
Monseigneur Gabriel Matagrin est amateur de musique. Il a 52 ans, depuis 1969 il est évêque de Grenoble.
(Musique)
Journaliste
C’est un Lyonnais. Avant de devenir évêque auxiliaire de Lyon en 1964, il avait passé de longues années au pied de la colline de Fourvière. C’est là qu’il fut entre autre, aumônier de la Chronique sociale de France, une sorte de laboratoire de réflexion chrétienne sur les questions politiques, économiques et sociales. A l’intérieur de l’épiscopat français, Monseigneur Matagrin reste d’ailleurs le spécialiste de ces sujets. En 1968, son rapport à l’assemblée des évêques fit grand bruit. Monseigneur Matagrin y faisait une analyse optimiste de la crise de civilisation que représentaient pour lui les évènements de mai. Ce rapport, Monseigneur Matagrin l’avait préparé avec des étudiants catholiques. C’est d’ailleurs un homme de dialogue qui consacre une grande partie de son temps à rencontrer des gens divers, des ouvriers en particulier mais aussi des patrons.
(Bruit)
Journaliste
En juin dernier, des incidents graves éclatent sur le campus universitaire de Grenoble. Avec le responsable protestant local, Monseigneur Matagrin intervient. Il dénonce la prétention d’instituer un tribunal populaire mais il ajoute, le désir d’assurer un ordre nouveau à tout prix est un obstacle à la liberté d’expression.
(Silence)
Journaliste
Père, on vous présente parfois comme un évêque révolutionnaire.
Gabriel Matagrin
Faudrait d’abord s’entendre sur ce que l’on entend par révolution et je crois profondément que les questions posées dans le monde d’aujourd’hui demandent aux chrétiens un retour à l’évangile dans son authenticité. Alors si c’est cela que l’on veut dire quand on parle de révolution, c’est-à dire de cette révolution spirituelle que le Christ nous permet à partir de l’Esprit Saint qui seul nous convertit, de ce point de vue là, et bien j’accepte de dire que à mes yeux, ce qui est premier, c’est cette révolution mais d’ordre spirituel.
Journaliste
S’il prend des positions très vigoureuses, l’évêque de Grenoble est en effet d’abord un homme religieux. Il aime aller se recueillir chez les sœurs de Chalais dans la montagne.
(Bruit)
Gabriel Matagrin
Je pense que devant la situation du monde actuel, qu’on la prenne aussi bien à l’intérieur de nos vieux pays que sur le plan du monde entier, je suis profondément convaincu de l’urgence de transformations profondes du point de vue politique, économique et social de telle sorte que les richesses soient d’avantage partagées, que les biens de la terre soient d’avantage au service de tous, que recule la faim, que reculent les injustices et que reculent les guerres. Que tous ceux qui portent des responsabilités les exercent avec un autre esprit, un esprit de service du bien commun. De ce point de vue là, oui. Je suis bien convaincu que cette révolution spirituelle dont je parle devrait se traduire par une transformation très profonde dans la société.
Journaliste
A ceux qui l’accusaient de faire de la politique, Monseigneur Matagrin répondait en juillet dernier, cessons de rêver à une église qui serait au-dessus, à l’écart ou en marge des conflits de notre temps. Lui-même en tout cas ne redoute pas d’entrer dans la mêlée.