Passy : le village de la guérison

05 octobre 1945
01m 34s
Réf. 00143

Notice

Résumé :

Passy, en Haute-Savoie, est un lieu réputé pour ses sanatoriums et privilégié pour son cadre géographique. Les malades tuberculeux sont soignés lors de cures et un atelier d'horloger a été installé dans le village pour aider les patients à réintégrer plus facilement la vie active.

Type de média :
Date de diffusion :
05 octobre 1945

Éclairage

La tuberculose est l'une des grandes causes de mortalité, surtout dans le monde urbain. Pendant l'entre-deux-guerres, les chiffres de 100000 décès par an, voire pour certaines estimations très surévaluées, 150 000 décès sont imputés au bacille de Koch. C'est dire que la lutte contre la tuberculose est bien une cause nationale au sortir de la seconde guerre mondiale.

En octobre 1945, lorsque ce reportage est diffusé par les Actualités Françaises, elles n'ont plus le monopole de la presse filmée dont elles bénéficiaient depuis le début de l'année. Pathé-Journal ou Gaumont-Actualités qui existaient avant guerre ont désormais à nouveau le droit de distribuer leurs productions dans les salles obscures. Ce reportage, dans son organisation, fonctionne comme celui que France Actualités avait consacré, en 1943, à un sujet très proche mais dans un tout autre contexte, « Lyon au service de l'enfance ». Il relève de ce que Jean-Pierre Bertin-Maghit appelle « film d'intérêt national » dont le rôle est de fédérer et d'éduquer. La préservation de la santé de la population est une cause qui transcende tous les clivages en un temps où l'objectif est la reconstruction. Le reportage enchaîne les images de manière à démontrer cette dimension fédératrice et « le rapport entre la voix off et l'image devient primordial dans l'art de la persuasion ».

L'ouverture en 1926 du Village sanatorium de Praz-Coutant marque la naissance du Plateau d'Assy. Ce plateau assez peu élevé - les sanatoriums sont construits entre 1000 et 1350 m. d'altitude – a été repéré au lendemain de la première guerre mondiale par les docteurs Paul Emile Davy et Alexandre Bruno, qui ont été missionnés par la Fondation Rockfeller pour repérer des sites susceptibles d'accueillir des sanatoriums d'altitude. A partir du milieu des années 1920, des alpages vont ainsi devenir un important chantier pour l'édification de sanatoriums qui vont mobiliser de nombreux architectes proches du mouvement moderne et adeptes du béton armé (Pol Abraham, Henry Jacques Le Même, Lucien Bechman...). Cette dimension architecturale n'est pas vraiment abordée par le reportage même si l'on voit de nombreux malades profiter du soleil sur les balcons des sanatoriums correspondant aux canons du mouvement moderne. D'ailleurs, la presse spécialisée a véritablement fait du Plateau d'Assy un des programmes phare du mouvement moderne et le Plateau est considéré comme une station dont la contribution à la lutte antituberculeuse est de tout premier ordre au plan international. Aujourd'hui d'ailleurs, lors des journées du patrimoine, des itinéraires sont proposés qui permettent de suivre l'évolution de la construction de ces sanatoriums et de passer d'ensemble pavillonnaire, à caractère régionaliste, à de vastes structures monobloc en béton armé. L'une de ces structures, le Roc des Fiz, construite en 1932, avec près de 200 lits pour des enfants, a été détruite après la coulée de boue meurtrière d'avril 1970.

Ce reportage fonctionne comme si la montagne avait toujours été une alliée dans la lutte contre la tuberculose. Ce mythe a été construit par une littérature populaire à laquelle l'ouvrage de Thomas Mann La montagne magique dont le cadre est un sanatorium de Davos en Suisse a contribué à donner ses lettres de noblesse après sa traduction en français en 1931. Pour autant, le sanatorium de montagne n'est apparu que tardivement, et surtout en France, très peu de tuberculeux peuvent en bénéficier. « Médicalement et socialement défini, le sanatorium de montage fut un mirage pour beaucoup de condamnés » conclut Pierre Guillaume. Mais, en 1945, nombreux sont ceux qui croient aux lendemains qui chantent...

A la fin du document, d'anciens malades arrivent devant un bâtiment appelé Savoie Montres et, sur le mur du bâtiment, on peut lire « association pour la rééducation et le reclassement professionnels, centre d'enseignement horloger ». Dans le contexte du gouvernement provisoire de la République Française, présidé par le général de Gaulle, la France doit être reconstruite. Chacun doit y participer, chacun doit travailler. L'oisiveté n'est pas concevable.

Bibliographie :

- Jean-Pierre Bertin-Maghit, « Encadrer et contrôler le documentaire de propagande sous l'occupation », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, juillet-septembre 1999, n°63, pp. 23-49.

- Conseil d'Architecture et d'Urbanisme de Haute-Savoie, Itinéraires d'architecture moderne et contemporaine en Haute-Savoie,Sanatoriums de Passy, Plateau d'Assy, dépliant, 2003.

- Guillaume Pierre, «Tuberculose et montagne. Naissance d'un mythe», Vingtième Siècle. Revue d'histoire, avril-juin 1991, n°30, pp. 32-39.

Jean-Luc Pinol

Transcription

(Musique)
Journaliste
Au cœur des Alpes, Passy n'est qu'un village de montagne. Mais c’est un village bien spécial, un village tout neuf avec des maisons claires aux larges baies. Et c’est un village qui aime le silence. L’autocar, lorsqu’il y arrive, ralentit et ne corne pas. Les voyageurs, quand ils y descendent trouvent la petite ville endormie en plein jour. Mais ces voyageurs savent pourquoi. Ils viennent eux-mêmes chercher ici cette montagne, cet air pur, ce silence. Car ces calmes hôtels, ces paisibles villas sont des sanas.
(Musique)
Journaliste
Et ces boutiques endormies sont elles-mêmes tenues par des tuberculeux qui continuent une cure de plusieurs années. Passy n’est peuplée que de malades. A heure fixe, Passy tout entier s’étend sur ces terrasses et laisse le grand air opérer son œuvre régénératrice sur ses poumons blessés.
(Musique)
Journaliste
Mais ce serait un crime de laisser les malades, leur cure terminée, se lancer dans la vie sans défense et sans précaution. Souvent, ces êtres faisaient des métiers que leur maladie leur a rendu impossible. Il faut leur éviter une rechute, leur éviter aussi la misère matérielle. C’est dans ce but que s’est installé à Passy cet atelier où chacun pourra apprendre le calme métier d’horloger, apprentissage adapté aux forces de chacun, auquel pour le même salaire, chacun ne s’applique qu'autant que sa santé le lui permet. Combien de ceux qui dorment à l’ombre des sanas pourront ainsi reprendre une place utile dans la communauté des hommes ? Passy est un exemple.
(Musique)