La maison de la culture de Grenoble

13 septembre 2004
02m 57s
Réf. 00304

Notice

Résumé :

La maison de la culture de Grenoble, rebaptisée MC2, réouvre ses portes après 6 ans de travaux. Inaugurée par André Malraux en 1968, elle a été créée au moment où la ville de Grenoble était désignée ville organisatrice des Jeux Olympiques.

Date de diffusion :
13 septembre 2004
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

À l'occasion de la réouverture après rénovation de la Maison de la Culture de Grenoble, rebaptisée MC2 en 2004, un bilan est fait de l'histoire de cette institution depuis son ouverture en 1968. Construite par l'architecte André Vogenscky, disciple du Corbusier, à l'occasion des Jeux Olympiques d'hiver, elle fut inaugurée le 13 février 1968 en présence du ministre des Affaires culturelles, André Malraux qui, dans un discours enflammé, exalte le contraste entre Grenoble, désert culturel avant l'âge d'or de la culture advenu avec l'ouverture de cette « moderne cathédrale» (expression du ministre le 27 octobre 1966). Le trait est un peu forcé, même si une nouvelle politique culturelle est mise en œuvre par le célèbre écrivain qui devient en 1959 et, pour une décennie, le premier titulaire du nouveau ministère des Affaires Culturelles.

L'association Peuple et Culture avait été la matrice d'une politique municipale de la culture. Créée à Grenoble en décembre 1944 par d'anciens résistants sous la houlette de Joffre Dumazedier, l'association-phare de l'éducation populaire s'est transformée en laboratoire d'idées et en lieu de formation où subsistait un idéal d'égalité culturelle et la conviction qu'un progrès était possible vers la démocratisation par l'accès à une culture universaliste. En novembre 1958, se crée, l'Association culturelle pour le théâtre et pour les arts qui veut promouvoir des spectacles autres que le théâtre de boulevard ou les opérettes. Deux comédiens de la Comédie de Saint-Étienne, René Lesage et Bernard Floriet, fondent la Comédie des Alpes en octobre 1960, malgré l'opposition du maire UNR de la ville. Cette troupe permanente propose aux Grenoblois des spectacles de qualité : Becket, Ionesco, Brecht ou Camus sont ainsi à l'affiche dès les premières années. Les chiffres sont là pour prouver le succès de l'initiative dans une ville où les besoins culturels des couches moyennes, de plus en plus nombreuses, sont importants : la première saison, 68 représentations et 19 643 spectateurs ; en 1967-1968, 173 représentations et 84 000 spectateurs. La culture devient ainsi le lieu d'un consensus local en dehors des partis politiques.

Contrairement à ce qui est dit dans le reportage, Grenoble n'est pas la première maison de la culture. La conception et les buts des maisons de la culture seront rapidement mis en cause à la fois par les gestionnaires municipaux à cause de leur programmation considérée comme trop élitiste, puis par les créateurs et par les sociologues qui souligneront en 1968 les limites de la démocratisation à l'aide d'une analyse du public qui n'est pas le public populaire visé par le projet, mais un public cultivé de classes moyennes, auxquelles s'ajoutent les cohortes enseignantes. Et, surtout, les moyens financiers ne suivent pas : le budget du ministère n'atteint jamais les 0,50% du budget de l'État.

Connue sous le nom du Cargo au début des années 1980, la maison de la culture de Grenoble s'est illustrée dans l'expérimentation théâtrale autour de Georges Lavaudant. Elle a aussi servi à forger le mythe grenoblois de la modernité et de la culture. Jean-Pierre Saez, directeur de l'Observatoire des pratiques culturelles, tempère cependant le commentaire quelque peu hagiographique du reportage en soulignant que pendant les six ans de fermeture (1998-2004), d'autres salles et d'autres équipes théâtrales se sont affirmées à Grenoble et que la nouvelle MC2 devra en tenir compte dans l'avenir. La programmation de la MC2 est désormais consacrée à la danse, à la musique et au théâtre.

Michelle Zancarini

Transcription

Présentatrice
Le plus gros chantier culturel de France s’achève après 6 ans de fermeture et de travaux, la Maison de la Culture grenobloise, rebaptisée MC2 renaît. En attendant la grande fête vendredi, tous les grenoblois sont invités, nous vous proposons une série de 4 épisodes. Premier volet ce soir, de l’inauguration en 68 de cette cathédrale des temps modernes par André Malraux à 2004, quel chemin parcouru ? Reportage, Jean-Christophe Pain et Guy L’Hopitalier.
André Malraux
Cette Maison de la Culture, elle existe enfin. Elle est aujourd’hui la première Maison de la Culture du monde.
(Musique)
Journaliste
1968, l’âge d’or de la culture. A l’époque, Grenoble, c’était plutôt le désert en la matière. Tout restait à construire ou presque.
Jean-Pierre Saez
Il y avait des petites équipes qui étaient passés par Grenoble et qui avaient parfois dû quitter la ville parce qu’elles n’avaient pas de lieu d’accueil. Et cette maison arrivait à un moment où, où la ville appelait en quelque sorte à un renouveau de la vie artistique.
(Musique)
Jean-Pierre Saez
D’une certaine façon, la Maison de la Culture a donné l’exemple aux communes de l’agglomération pour qu’elles forgent à leur tour leur propre politique culturelle, pour leur territoire et pour leur habitants.
Journaliste
Depuis 68 en effet, les salles ont poussé comme des champignons dans toute l’agglomération. Et pendant ces 6 ans de fermeture, la Maison de la Culture a programmé hors les murs en partenariat avec elle.
Jean-Pierre Saez
Chacun a construit une identité, va devoir euh, réassurer cette, cette identité, se caler par rapport à la Maison de la Culture tout comme la maison de la Culture va devoir faire attention à travailler en bonne harmonie avec les projets qui sont mis en œuvre autour d’elle.
(Musique)
Journaliste
68. C’était l’âge du théâtre en majesté. Depuis, les formes artistiques se sont diversifiées, entremêlées. Dans les années 80, les artistes ont même pris le pouvoir. Georges Lavaudant devient Directeur du Cargo. Parallèlement, le vivier artistique local s’est densifié, professionnalisé, pour lui, la Maison de la Culture est devenue l’enjeu d’une certaine reconnaissance.
Jean-Pierre Saez
La question, c’est de savoir si euh, la nouvelle maison étouffera le vivier qui euh, qui est autour d’elle ou est-ce qu’elle contribuera à le faire vivre ou aussi, est-ce que ce vivier continuera finalement sa propre vie indépendamment de la maison, de la Maison de la Culture.
Journaliste
Après bien des rebondissements, comme l’échec de sa dernière directrice, le Cargo nouveau a-t-il enfin trouvé sa vitesse de croisière ? Au-delà de la culture, 36 ans après sa création, cette maison là, restera-t-elle le symbole du mythe grenoblois, celui de l’expérimentation et de l’éducation populaire ?
(Musique)