Les obsèques nationales du président Edouard Herriot

03 avril 1957
01m 40s
Réf. 00317

Notice

Résumé :

Des obsèques nationales ont eu lieu pour Edouard Herriot en présence de René Coty et Guy Mollet. Une foule immense s'est rassemblée à Lyon pour rendre hommage à cet homme qui fut maire de Lyon jusqu'à sa mort.

Type de média :
Date de diffusion :
03 avril 1957
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Éclairage

Le 30 mars 1957 ont lieu à Lyon les obsèques d'Édouard Herriot. Le maire défunt a droit à l'hommage de près de 100 000 Lyonnais et à des obsèques nationales auxquelles assistent le président de la République, René Coty, le Président du Sénat, le Président du Conseil, Guy Mollet, ainsi que de nombreux ministres de l'époque ou des gouvernements précédents : Édouard Daladier, Pierre Mendès France... Le reportage adopte un ton de tristesse face à la disparition du « grand homme » qui laisse « un grand vide dans la vie politique française ». Herriot est ainsi présenté comme un « administrateur à qui Lyon doit beaucoup » et « un des plus grands citoyens » de l'histoire de la République.

Les obsèques sont le plus souvent le temps des hommages consensuels. Tel est le cas ici puisque l'action d'Herriot n'est évoquée que dans des termes positifs. L'historiographie récente est quant à elle plus nuancée.

Un tel hommage peut s'expliquer par la stature d'homme d'État du défunt. À l'exception d'une période allant de 1942 à 1945, ce dernier a en effet exercé de nombreuses responsabilités au niveau national : il fut d'abord sénateur de 1912 à 1919 puis député jusqu'à sa mort. Puis il fut plusieurs fois membre du gouvernement : ministre des Travaux publics, des Transports et du ravitaillement (1916-1917), ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts (1926-1928), Ministre d'Etat (1934-1936) et surtout Président du Conseil (notamment de juin 1924 à avril 1925, puis de juin à décembre 1932). Il présida également la Chambre des députés de 1936 à 1940, puis de 1947 à 1954. Il exerça aussi la présidence du parti radical de 1919 à 1926 puis de 1931 à 1935 et de 1945 à 1953. En 1947 il devint même membre de l'Académie française, ce qui couronnait son œuvre littéraire (Madame Récamier et ses amis (1904), Lyon n'est plus (1937-1940), Jadis (1948) ...).

Mais c'est également sa longévité à la tête d'une municipalité qu'il a dirigée un demi-siècle qui est saluée dans ce reportage. Édouard Herriot n'était pas Lyonnais : il est né le 5 juillet 1872 à Troyes, fils d'un père officier. Après de solides études, il a obtenu l'agrégation de lettres en 1894. Il a ensuite été nommé professeur de rhétorique au lycée Ampère à Lyon à partir de 1896. C'est à cette période où il a découvert la vie politique : membre de la Ligue des Droits de l'Homme en 1898, il s'est engagé dans l'Affaire Dreyfus du côté des dreyfusards. Trois ans plus tard il adhère au jeune parti Radical puis est élu en 1903 conseiller municipal. Cela lui vaut de devenir adjoint à l'instruction publique du maire lyonnais de l'époque : Victor Augagneur. Ces années ont également été celles où Édouard Herriot a fait sa place au sein des notables lyonnais, que ce soit grâce à la renommée de son enseignement ou par son mariage avec Marie Blanche Rebatel, fille du docteur Rebatel, alors président du Conseil général du Rhône.

Du fait du départ d'Augagneur, nommé gouverneur de Madagascar, Herriot devient en 1905, maire de la deuxième ville de France. Il a alors 33 ans. A l'exception de la période allant de 1940 à 1945, il a toujours été réélu à cette fonction jusqu'à sa mort.

Son bilan à la tête de la ville donne lieu à débats. Ainsi, Charles Delfante distingue des périodes d'activité plus ou moins denses : soutenue de 1905 à 1925 puis régulière de 1925 à 1940 (du fait de ses activités nationales) avant de tomber dans un relatif immobilisme après 1945. On retiendra cependant un certain nombre de réalisations. De nombreux bâtiments consacrés à l'instruction publique ont été construits : 11 écoles maternelles, 20 groupes scolaires, le lycée du Parc, une école de tissage, l'école municipale d'agriculture...

Ses préoccupations sociales sont à l'origine de la création de l'office municipal des HBM (Habitations à Bon Marché) qui ont permis la construction de plusieurs milliers de logements populaires. Une douzaine de crèches et des internats furent également construits ainsi que des équipements sportifs et culturels (salle Rameau, piscine Garibaldi).

Pour bon nombre de ses projets les plus importants, il s'est adjoint le travail de l'architecte Tony Garnier : les abattoirs et le marché aux bestiaux de Gerland (1928), devenus aujourd'hui salle de spectacles et d'expositions, l'hôpital de Grange-Blanche (1933), le stade municipal de Gerland (1920), la salle des fêtes de la Croix-Rousse (1934) et la construction du quartier des États-Unis (1935). Enfin, il est à l'origine de la création de la Foire de Lyon (1916) et du percement du tunnel de la Croix Rousse (1952).

La ville de Lyon porte mémoire du passage d'Edouard Herriot à sa tête : une des principales rue de la Presqu'île, le port fluvial, un des lycées du centre ville et l'hôpital de Grange Blanche portent aujourd'hui son nom. Son héritage réside aussi dans une certaine pratique politique, baptisée par certains l' « herriotisme » et dont les piliers sont l'affirmation renouvelée de l'amour de la ville et une gestion de celle-ci positionnée davantage au centre que ce que la famille d'appartenance politique laisse présager. Bon nombre de ses successeurs ont adopté cette attitude.

Nicolas Rocher

Transcription

(Musique)
Journaliste
La mort d’Edouard Herriot cause un grand vide dans la vie politique française. A l’Hôtel de Ville de Lyon dont il est était maire depuis 1905, la population est venue lui apporter en foule son dernier hommage. Des milliers de personnes ont défilé devant le corps de celui qui fut à la fois un administrateur à qui Lyon doit beaucoup, et un politique qui porta quelquefois les destins de la France. C’est pour cet homme dont le talent fut divers et la conscience intangible que la République a voulu des obsèques nationales. A travers les rues de Lyon, un long cortège a conduit au milieu d’une foule compacte, les restes de celui dont le Président René Coty a pu dire : « La République perd avec lui l’un des plus grands citoyens de son histoire ». Les pouvoirs publics, l’Université, l’Académie étaient présents autour de son cercueil. La carrière d’Edouard Herriot, qui débuta comme professeur, l’avait mené en effet aussi bien à l’Institut qu’au plus haut poste de l’Etat. C’est cette dernière carrière que devait retracer sur la Place Bellecour, devant le Président Coty, Madame Herriot et les hautes personnalités de l’Etat, le Président du Conseil, Monsieur Guy Mollet en lui disant en ces termes un dernier adieu : « Nous serons fidèles aux paroles qu’Edouard Herriot prononçait un jour et du souhait qu’il formait, nous ferons le devoir de notre conscience et de notre cœur. Ecoutons-le, le vrai tombeau des morts, c’est le cœur des vivants ».
(Musique)