Jeannie Longo, championne du monde à 43 ans

Dans son édition du 11 octobre 2001, le journal télévisé de 13 heures, présenté par Daniel Bilalian, consacre un reportage à une championne cycliste, Jeannie Longo. La Grenobloise vient en effet de remporter son 13ème titre mondial dans l'épreuve du contre-la-montre, à Lisbonne, au Portugal. Le présentateur s'étonne cependant moins de l'exploit de la championne que de sa longévité. A près de 43 ans (elle est née le 31 octobre 1950), Jeannie Longo fait en effet voler en éclat toutes les certitudes des experts du sport de haut niveau alors que, même dans une discipline comme le cyclisme qui compte de nombreux trentenaires dans les compétitions internationales, il est rarissime de monter sur la plus haute marche d'un podium mondial après 40 ans.

En décalage avec la manière dont les sportives sont souvent filmées, le reportage de Julien Herichon et d'Alain Poirier insiste moins sur l'esthétique de la cycliste que sur ses performances et les conditions de sa préparation physique. Il s'achève sur une Marseillaise discrète qui rappelle que le titre contribue aussi à la reconnaissance du pays sur la scène internationale. Mais les plans rapprochés sur les vêtements et le casque aérodynamique, le vélo aux matériaux composites et aux formes travaillées en soufflerie confortent surtout le sentiment que l'exploit ne doit rien au hasard. Opposée à des concurrentes de 20 ans ses cadettes, Jeannie Longo est ainsi présentée comme une championne d'exception par la rigueur de ses entraînements, dirigés par son mari, l'ancien champion de ski Patrice Ciprelli, et par son hygiène de vie irréprochable. Cette dernière caractéristique est d'ailleurs cultivée en termes d'image par la cycliste elle-même qui, quelques mois après son titre mondial, publie un ouvrage intitulée Vivre en forme (éditions Anne Carrière, 2002). Le reportage montre ainsi la cycliste choisir avec soin les ingrédients de ses repas alors que le médecin de l'équipe de France, Didier Picard, insiste avec la légitimité de l'homme de science sur la qualité de sa préparation. En associant performance, santé et longévité, ses déclarations sont lourdes de sens, trois ans seulement après l'affaire Festina et les dénonciations sur la généralisation du dopage chez les cyclistes professionnels.

Au moment du reportage, la native d'Annecy, qui a fait ses premières armes en ski alpin et s'est essayée avec succès au VTT (titre national en 1994), a déjà remporté 670 victoires en cyclisme. Son premier titre national date en effet de 1979, sur route, sa première médaille d'or en championnat du monde de 1985. Elle a remporté trois fois consécutivement le Tour féminin (1987, 1988, 1989) et devient également championne olympique lors des Jeux d'été d'Atlanta, en 1996, dans l'épreuve de course en ligne. Ce qu'ignorent les journalistes est que le palmarès de Jeannie Longo est alors loin de s'achever. En 2011, elle aura cumulé 1157 victoires, dont neuf en championnat du monde et 58 en championnat de France. Elle aura aussi battu 38 records du monde au cours de sa carrière. Nommée « Sportif [sic] européen de l'année en 1989 et Sportive du siècle en 2000, elle est faite Commandeur de l'ordre de la Légion d'honneur en 2011, année où, à l'âge de 60 ans, elle devient à nouveau championne de France dans l'épreuve du contre-la-montre.