La traversée du Vercors

06 mars 1972
55s
Réf. 00369

Notice

Résumé :

Hier 500 concurrents ont fait la traversée du Vercors. Elle est l'une des compétitions européennes les plus importantes de ski de fond. Deux équipes des Douanes sont arrivées en tête du peloton, la première de Besançon et la deuxième de Chambéry.

Date de diffusion :
06 mars 1972
Source :
Thèmes :

Éclairage

En mars 1972, les Actualités Rhône-Alpes diffusent un court reportage produit par l'ORTF Lyon sur la traversée du plateau du Vercors en ski de fond. Le film s'ouvre sur une scène conviviale où des concurrents procèdent au fartage traditionnel des semelles de leurs skis en bois. Ils sont au pied des cars qui les ont probablement transportés de l'arrivée, prévue dans le village de Corrençon, au lieu du départ, dans le Col du Rousset.

Utilisant le pas alternatif ou la poussée simultanée des bras, seules techniques alors connues, les 500 skieurs, dont quelques femmes, sont montrés dans un peloton encore groupé au début de cette course d'une cinquantaine de kilomètres, puis à distance les uns des autres dans la portion terminale, alors que les conditions météo se sont dégradées. Les commentaires insistent d'ailleurs sur la pénibilité d'une course avec laquelle le grand public n'est pas encore vraiment familier. Il s'agit en effet de la cinquième édition seulement d'une épreuve lancée en 1968 par des dirigeants de la station olympique d'Autrans et quelques membres du Club Alpin Français. Elle est alors en rupture avec les modèles de traversées des années 1950 et 1960, qui se réalisaient en skis de randonnée, à peau de phoque, sur deux ou trois jours.

Après avoir bien négocié le passage de ses origines militaires et utilitaires à une version plus sportive, le ski de fond avait en effet pratiquement disparu en France après la Seconde Guerre mondiale avant de renaître au milieu des années 1960, avec déjà 3000 adhérents environ pour la saison 1966-67. Cette évolution tient à un ensemble de facteurs conjoncturels et plus spécifiques. Dans une partie des classes moyennes, le développement d'une nouvelle aspiration à vivre différemment, plus près de la nature et des sentiments humains, se traduit ainsi par un rejet des valeurs liées à l'industrie, la rentabilité et la recherche du progrès à tout prix. Cette transformation des mentalités a des conséquences sur la manière de gérer ses loisirs et d'organiser sa pratique sportive. Priorité est désormais donnée à la dimension écologique sur les excès de l'urbanisme, à la simplicité sur la technique, à l'effort de longue durée sur la recherche de la vitesse. Du coup, le ski alpin apparaît comme le prolongement de la vie urbaine avec ses parkings, ses immeubles, ses sites aménagés. Le ski de fond, au contraire, serait synonyme de dépaysement et de retour aux sources. Il séduit parce qu'il procure une vision culturelle de la montagne et non une vision consommatrice. Le rapport à la nature, dont rend bien compte le reportage, s'associe par ailleurs à la quête d'une ambiance, d'une atmosphère de camaraderie et de convivialité spécifique que le ski alpin ne pouvait jusqu'alors offrir que plus difficilement.

Par ailleurs, l'institutionnalisation du ski de fond, engagée en 1960 avec la création des foyers de ski de fond et poursuivie en 1969 avec les Centres-écoles de ski de fond puis, l'année suivante, l'Ecole Nationale de Prémanon, peut être évoquée. Le modèle des pays étrangers, notamment scandinaves, a également joué un rôle. Dans les propos du commentateur, le positionnement de la traversée du Vercors par rapport à la Vasaloppet suédoise, référence en matière de compétition de ski de fond depuis 1922, n'est d'ailleurs pas anodin. Le développement de la réflexion pédagogique et théorique sur le ski de fond a pu aussi faciliter l'accès à sa pratique tout comme les images des épreuves de ski de fond lors des Jeux olympiques de Grenoble, valorisant les dimensions esthétiques et techniques plutôt que la dimension athlétique, ont contribué à le faire mieux connaître.

En 1972, la traversée du Vercors, première course de masse française de ski nordique, accompagne ce mouvement en même temps qu'elle contribue à le favoriser par sa médiatisation. Au-delà de la compétition, l'engouement pour le ski de fond de loisir est d'ailleurs tel qu'il provoque alors une crise de croissance, peu de lieux en France étant alors prêts à accueillir une demande aussi forte.

Thierry Terret

Transcription

Journaliste
Hier, sur les hauts plateaux qui dominent le col du Rousset, c’était la grande fête du ski de fond français. 500 concurrents ont fait la traversée légendaire du Vercors. Après le Vasaloppet suédois qui rassemble 6000 fondeurs, c’est l’épreuve européenne la plus importante. 118 équipes de coureurs se sont affrontées sur 50 kilomètres, une compétition très pénible disputée dans le tourment et sur une neige profonde. Deux équipes des douanes, plus aguerries que les autres, sont arrivées en tête, [Braud] et Guy de Besançon, Borel et Vaste de Chambéry. Olivier Simon et Claude [Terrat], de Villars de Lans qui sont des habitués du Vercors, se sont classés troisièmes. Ils n’avaient jamais fait une traversée dans ces conditions. Le Vercors, c’était hier le Grand Nord.