La nouvelle université de Lyon II à Bron-Parilly

12 novembre 1971
07m 33s
Réf. 00033

Notice

Résumé :

En novembre, l'université de Bron-Parilly ouvrira ses portes. Elle est le fruit de la scission de l'université Lyon II au lendemain de mai 68. La conception des lieux est le résultat d'une collaboration entre les architectes et le monde universitaire.

Date de diffusion :
12 novembre 1971
Source :
Lieux :

Éclairage

A l'étroit dans ses locaux du XIXe siècle sur les berges du Rhône, l'université de Lyon, comme beaucoup d'autres, a dû repenser son implantation dans les années 1960. Les disciplines scientifiques sont regroupées à l'université Lyon I qui s'installe sur le campus de la Doua (commune de Villeurbanne). Après la promulgation de la loi Edgar Faure, l'université de Lyon 2 (Droit, Lettres et Sciences humaines) s'implante sur la commune de Bron, à quelques sept kilomètres de ses anciens bâtiments. Cet éloignement s'explique en partie par des raisons financières, mais aussi par des choix politiques qui visaient, après l'agitation de mai 1968, à éloigner les universités des centres villes. Les campus de Nanterre (Paris X) et de Vincennes (Paris 8) sont contemporains de celui de Bron.

Sa conception est d'ailleurs profondément marquée par les idées qui alimentaient les débats de cette époque. René Dottelonde était alors un jeune architecte peu expérimenté. Il avait été choisi par le ministre de l'Éducation nationale en raison de sa capacité à expérimenter de nouvelles propositions architecturales. D'une culture politique marquée à gauche, il conçoit le programme en relation étroite avec des représentants des étudiants et des enseignants. Ce mode opératoire, déterminé par une conception sociologique de l'architecture, implique que le maître d'œuvre n'impose pas un cadre contraignant. Il ne s'agit plus de mettre en ordre et de hiérarchiser, mais de libérer les relations collectives au sein de la communauté universitaire. Convaincus que « la vie sociale [est] à réinventer », les concepteurs refusent le poids de l'institution et proclament vouloir faire un « non-édifice » dans un « anti-campus ».

En collaboration avec Jean Prouvé, sur un brevet de Pétroff, Dontelonde conçut une « structure spatiale » en métal, apparente à l'intérieur comme à l'extérieur. Elle se prête à beaucoup de souplesse et, en principe, à des évolutions ultérieures. Elle permet de disposer les entités architecturales avec une grande liberté en créant des espaces ouverts. Une rue sinueuse traverse l'ensemble, organisé autour d'une placette qui fait office de lieu d'échanges et de prise de parole. De multiples ruptures de niveaux créent des effets pittoresques et animent le parcours de l'usager. Cette organisation est aussi destinée à pallier l'absence de contexte urbain et d'inscription sociale du campus, ce qui avait été très tôt perçue comme un handicap difficile à surmonter. L'accent est donc mis sur les échanges au sein de la communauté universitaire. Des salles de cours de dimensions très diverses peuvent accueillir des publics de 15 à 90 personnes. Leurs cloisons qui les clôturent sont constituées de panneaux recouverts de plastique et de pans de verre qui les ouvrent largement à la lumière extérieure. Le même dispositif prévaut à l'intérieur, ouvrant cette fois sur les espaces collectifs. Les amphithéâtres sont pourvus de sièges pivotants avec tablettes afin de permettre le dialogue entre étudiants.

Des budgets de construction et d'entretien insuffisants, des matériaux trop fragiles, le choc pétrolier et un contexte économique dégradé constituèrent autant de circonstances défavorables. La scission de l'université Lyon III et son déménagement dans d'autres locaux mieux situés (la manufacture des tabacs rénovée à Lyon) aggravèrent le malaise. Il fallut attendre les années 1990 pour que des extensions et la construction du tramway améliorent une situation encore souvent jugée critique par les usagers éloignés du centre ville et de la plupart des bibliothèques qui s'y trouvent encore.

Laurent Baridon

Transcription

Journaliste
Dès le 15 novembre, 2 000 étudiants prendront la route de Bron Parilly pour se rendre à la nouvelle université Lyon II. Ils y trouveront une université en plein chantier, une partie des locaux seulement étant terminée. Bron Parilly sera une université expérimentale dans des locaux expérimentaux. C’est le fruit de la loi d’orientation. 1971 sera l’an 1 de l’université nouvelle. Cet ensemble pilote est l’œuvre non seulement de l’architecte mais aussi des enseignants, des étudiants et des sociologues. Tous ont participé à l’élaboration d’un programme de construction répondant aux besoins administratifs et pédagogiques. Nous les avons réunis dans l’enquête que voici.
Intervenant 1
Je crois qu’il est important d’insister sur la collaboration qui a eu lieu à tous les moments de la recherche entre toutes les personnes intéressées. Collaboration qui a abouti à la définition d’un programme, d’un programme qui cherche à mettre, qui cherche à définir véritablement un outil, un outil pédagogique. Outil pédagogique qui ne soit pas destiné seulement aux seuls enseignements supérieurs, mais qui puisse répondre de façon plus ouverte aux multiples besoins qui existent aujourd’hui, en matière d’éducation et en matière d’activité culturelle, à la fois pour une population universitaire au sens strict du mot et plus largement pour une population urbaine, celle qui existera dans quelques années autour de cette université.
Intervenant 2
Ce qu’on a essayé de faire ici, c’est un peu ce qu’on pourrait appeler un anti-campus. C’est-à dire, de faire en sorte que, il y ait d’une part, que l’université soit en fin de compte intégrée à l’ensemble de la cité, qu’également les étudiants se retrouvent dans des espaces qui ne sont pas des espaces entre des bâtiments mais que les bâtiments, enfin les différentes fonctions que l’on peut remplir dans un ensemble universitaire se retrouvent dans un continuum qui ait à la fois des espaces d’enseignement, des espaces de détente. Nous avons choisi des techniques qui puissent, qui nous permettent de mettre en œuvre tout ce que nous avons défini au niveau du programme, c’est-à dire qu’il faut qu’elles soient évolutives. C’est-à dire qu’effectivement, tous les éléments, qu’ils soient cloisons, qu’ils soient façades, sont démontables. On peut même changer un panneau vitré et le remplacer par un panneau plein. On peut faire une multitude de choses, vous voyez d’ailleurs, les possibilités techniques de cette structure sont évidentes. Il suffit de boulonner, de juxtaposer des éléments, et puis on peut faire continuer le bâtiment suivant les besoins en nappes continues. On n’est pas du tout, on tourne le dos à cette architecture traditionnelle de bâtiments fermés sur eux-mêmes.
Journaliste
Cette université a un présent, nous le voyons ici. Elle a aussi un avenir mais son implantation et sa situation géographique ont soulevé quelques difficultés, Monsieur Pelletier ?
Monsieur Pelletier
En effet puisque nous sommes placés un peu à l’extérieur du tissu urbain et à proximité d’un échangeur autoroutier. Cela a à la fois des avantages et des inconvénients. Avantage puisque nous sommes accessibles facilement, particulièrement pour le public motorisé, et inconvénient puisque, il nous a fallu organiser en quelque sorte un quartier autour de l’université pour que celle-ci, conformément aux principes actuels, soit ouverte précisément à l’animation culturelle et sociale de son environnement.
Journaliste
Ces bâtiments inachevés accueillent donc cette année 2 000 étudiants, ils seront 8 000 dans 2 ans. Ils font partie de l’expérience tentée à Bron Parilly, une rude tâche pour le président de l’université, Monsieur Lassale.
Jean-Pierre Lassale
Du point de vue pédagogique, vous savez que nous implantons 3 premiers cycles d’unité, études germaniques, études françaises et sciences de l’homme et de son environnement. Par conséquent, les étudiants en lettre y suivront des DUEL classiques mais dans le cadre de ces DUEL classiques, il pourront également y obtenir des valeurs optionnelles qui donneront à leur formation une coloration pluridisciplinaire, initiation au droit public, initiation à l’informatique, initiation à la sociologie, il y aura même une initiation au secrétariat supérieur. Tout cela rentre dans le cadre de l’objectif que nous poursuivons, c’est-à dire faire de Bron Parilly une université qui est conforme aux principes de la loi d’orientation, une université qui est pluridisciplinaire et qui s’efforce de trouver pour l’ensemble des étudiants des débouchés adaptés.
Journaliste
Cet amphithéâtre de Bron Parilly est à l’image de la nouvelle université en ce sens qu’il y a, disons, une ouverture dans tous les azimuts.
Intervenante
Oui en effet, l’ensemble universitaire de Bron Parilly peut se définir par l’ouverture. Cet ensemble universitaire est ouvert sur le monde extérieur d’une part et sur lui-même d’autre part. Sur le monde extérieur du fait de l’architecture elle-même, la rue, le forum, et ouverture sur elle-même du fait de toutes ces vitres qu’on a vu dans les salles de cours, du fait de la conception des locaux qui tend à regrouper les étudiants, et à faire que vraiment à Bron, il y ait une communauté et que Bron ait vraiment une âme.
Journaliste
Votre Président aime à dire que Bron Parilly ne sera pas le nouveau Vincennes, mais n’avez-vous pas un peu l’impression que d’ici l’achèvement des travaux, les étudiants vont prendre des habitudes et ne vont pas se replier sur eux-mêmes comme dans toute université classique ?
Intervenant 3
Je pense que c’est un risque effectivement qui est très certain, mais de ce côté-là, je crois qu’il est du devoir justement des autorités universitaires de faire en sorte que les étudiants n’aient pas la tentation de se replier sur eux-mêmes. Le problème, remarquez qui se posera et qui accentuera peut-être ce repliement, ce sera peut-être justement la construction de cités universitaires sur place aussi, dans le futur, et je pense que là, il faudra trouver une formule originale permettant en même temps une certaine symbiose avec le milieu extérieur et non pas une isolation de l’étudiant sur lui-même dans l’université... dans le centre universitaire Lyon II.
Journaliste
Et à propos de la loi d'orientation, les travaux ne seront achevés qu’en 1973, alors que deviendra cette notion d’ouverture au public ?
Jean-Pierre Lassale
Alors, je crois que pour le moment, cette notion d’ouverture au public reste si j’ose dire virtuelle, n’est-ce pas ? Au départ, l’idée qui a présidé à la naissance de Bron Parilly a été d’en faire une université intégrée, c’est-à dire lieu de communication entre les étudiants et le monde quotidien qui les environne. Mais il est bien entendu, vous voyez le chantier, vous voyez la situation actuelle de Bron Parilly, il n’y a encore aucune urbanisation, ou très peu d’urbanisation dans une zone qui est assez déserte et par conséquent, c’est un problème qu’il faudra aborder dans l’avenir.
Journaliste
Bron Parilly ne sera pas un second Vincennes ?
Intervenant 2
Nous le souhaitons. Maintenant nous avons fait, nous avons traduit dans l’espace un programme encore une fois défini, non pas par des architectes, non pas par des, non pas par des programmateurs mais par de futurs utilisateurs. Nous espérons avoir réussi. Maintenant, l’essentiel reste à faire, à savoir comment est-ce que les utilisateurs utiliseront cet équipement. Nous ne sommes, nous ne sommes nous que des metteurs en forme, enfin si je puis dire. Le reste, le plus important reste à faire.