La mort du cardinal Gerlier

19 janvier 1965
03m
Réf. 00070

Notice

Résumé :

Veillée mortuaire du Cardinal Gerlier à la basilique de Fourvière. Plusieurs personnalités importantes lui rendent hommage, aussi bien à l'homme qu'à ses actions.

Date de diffusion :
19 janvier 1965
Source :

Éclairage

Le 19 janvier 1965 le cardinal Gerlier s'éteint dans sa résidence de Fourvière après 28 années passées à la tête de l'archevêché de Lyon. Né à Versailles en 1880, il semble d'abord promis à une brillante carrière d'avocat, doublée de responsabilités publiques pour lesquelles il montre de remarquables dispositions en tant que président de l'Association Catholique de la Jeunesse Française (ACJF). Mais il entre au séminaire parisien de Saint Sulpice en 1913. Mobilisé, blessé et fait prisonnier au début de la guerre, il est ordonné prêtre en 1921. Chargé des œuvres du diocèse de Paris, il encourage l'Action catholique naissante à travers la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC). Nommé évêque de Tarbes et de Lourdes en 1929, il est porté en juillet 1937 à la tête de l'archevêché de Lyon et donne un grand rayonnement au titre honorifique de primat des Gaules attaché à son siège. Promu cardinal dès 1937, il participe à l'élection de deux papes, Pie XII en 1939, Jean XXIII en 1958.

Son arrivée à Lyon consacre la rupture des liens politiques noués à l'extrême droite par son prédécesseur, le cardinal Maurin, proche de l'Action Française. Il acquiert très vite une grande popularité dans une ville où il s'impose comme une figure majeure de la vie publique et sait nouer des relations personnelles au-delà des frontières traditionnelles, notamment avec le maire radical Édouard Herriot (on voit le cardinal dans toutes les cérémonies lyonnaises). Favorable à l'engagement pour la justice sociale, mais fidèle à une ligne apolitique, il encourage le catholicisme social. Ouvert aux initiatives pastorales, il donne son appui aux innovations de son clergé dans les paroisses (père Rémillieux), en matière d'œcuménisme (abbé Couturier à Lyon, puis Roger Schutz à Taizé), de catéchisme (abbé Colomb), et même de travail (expérience des prêtres ouvriers condamnée par Rome en 1954). Il couvre de son autorité la recherche théologique et permet au jésuite de Lubac de poursuivre à la Faculté catholique, rue du Plat, l'enseignement que Rome lui a retiré dans le scolasticat jésuite de Fourvière.

Cette ouverture d'esprit ne l'empêche pas, le 12 novembre 1940, de déclarer dans sa cathédrale devant le Maréchal Pétain : « Pétain c'est la France et la France, aujourd'hui, c'est Pétain. Pour relever la patrie blessée, toute la France, Monsieur le Maréchal, est derrière vous ! » Convaincu que Vichy est une opportunité à saisir, il est fidèle à cette ligne au nom de l'obéissance aux autorités légitimes avant d'adhérer pour les mêmes raisons au Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) en 1944. Mais il proteste contre les rafles de juifs en 1942, protège des filières de sauvetage et couvre les activités de résistants comme le père Chaillet fondateur de Témoignage chrétien à Lyon. Au temps de la décolonisation, il dénonce la torture en Algérie (1958) et soutient les prêtres lyonnais engagés contre la guerre d'Algérie.

Homme d'Église pénétré de l'importance de sa fonction et convaincu de ses responsabilités missionnaires, il n'hésite pas à voyager en Amérique et en Afrique, aime présider des grands rassemblements, se montre pasteur proche des fidèles et du clergé. Les personnalités interviewées attestent de sa capacité à transcender les clivages. Le cardinal Eugène Tisserant, chargé à Rome des Eglises orientales, gaulliste de la première heure, vétéran du gouvernement de l'Église (la Curie) témoigne de la considération dont le primat des Gaules jouissait à Rome malgré les divergences qui avaient pu surgir. Le député de la Loire, Lucien Neuwirth, vient rappeler la popularité du cardinal dans toute la région, le département de la Loire étant jusqu'en 1970 rattaché au diocèse de Lyon. Le pasteur Marc Boegner, longtemps président de l'Eglise protestante au niveau national, le pasteur Daniel Atger, président de la région protestante Rhône-Alpes, rappellent les liens étroits noués depuis la guerre avec le protestantisme, d'abord dans la dénonciation de l'antisémitisme, puis dans la promotion du mouvement œcuménique qui vise au rapprochement des Eglises chrétiennes. Le chauffeur et une lyonnaise anonyme viennent enfin confirmer la popularité du prélat.

Bibliographie :

- Xavier de Montclos (dir.), Lyon, Dictionnaire du Monde religieux dans la France contemporaine, Paris, Beauchesne, 1994.

Claude Prudhomme

Transcription

Journaliste
Le pieux défilé des fidèles devant la dépouille mortelle du Cardinal Gerlier, s’est poursuivi toute la journée. La levée de corps aura lieu demain matin et une veillée de prière est prévue à la primatiale Saint Jean. On sait que la messe pontificale sera célébrée par Monseigneur Richaud, archevêque de Bordeaux en présence de Monseigneur Lefebvre et du Nonce Apostolique. Monseigneur Tisserand que nous entendrons dans un instant ne pourra assister à la cérémonie, ainsi que Monseigneur Felletin, souffrant. Parmi les personnalités qui se sont recueillies hier à l’archevêché, aujourd’hui à l’archevêché plutôt, notamment Monsieur Daniélou, député du Rhône, le pasteur Atger, le pasteur Boegner, et Monsieur [Nevirte], questeur de l’Assemblée nationale.
Intervenant 1
J’ai choisi de venir aujourd’hui pour venir dire ma messe auprès de sa dépouille funèbre, et prier pour lui. Je le connaissais depuis qu’il était évêque de Lourdes. Je l’avais connu il y a donc assez longtemps et ensuite nous nous sommes rencontrés souvent depuis qu’il était devenu Cardinal.
Intervenant 2
Le Cardinal Gerlier avait une personnalité rayonnante et sa disparition touche profondément toutes les communautés parce que il respirait la bonté, et sa tolérance était légendaire. Aussi, sa disparition est-elle profondément ressentie tant à Saint Etienne, et dans toute cette région où ses visites étaient reçues toujours avec beaucoup de joies.
Intervenant 3
Je suis venu ici parce que en particulier, pendant les années qui ont suivi le grand désastre de 1940, j’étais dans la zone sud avec la direction des églises protestantes de France, et j’ai beaucoup collaboré avec le Cardinal Gerlier dans maintes circonstances. Je venais ici l’entretenir en particulier au moment de la persécution contre les juifs de l’action commune que nous devions exercer ensemble et je dois dire que j’ai été très ému par la nouvelle de son départ et que j’ai beaucoup tenu à venir [demain pareil à Lyon] ce soir rendre hommage ici à l’archevêché, à ce qu’il a été. Un homme de bonté, de courage, de foi qui a toujours témoigné à ceux qu’il rencontrait hors de son église un amour véritable qui me laisse un souvenir inoubliable.
Intervenant 4
J’ai tenu à accompagner le Président Boegner et à exprimer la sympathie du protestantisme, de la douzième région Alpes-Rhône à nos frères catholiques à l’occasion de la mort du Cardinal Gerlier. Nous avons toujours eu avec le Cardinal cette communion de pensée et en particulier au cœur de cette semaine de prière pour l’unité, nous tenons à nous associer à la douleur et à la peine de nos frères catholiques.
Journaliste
Vous étiez un peu plus qu’un chauffeur pour lui ?
Intervenant 5
C’était un père de famille et non un patron.
Intervenante
Le Cardinal Gerlier ?
Journaliste
Oui.
Intervenante
Et oui on l’a vu beaucoup de cérémonies et j’avoue que c’est très émouvant d’avoir appris sa mort parce qu’on l’aimait beaucoup. Il était très aimé à Lyon.