Bombardements de villes françaises

26 mai 1944
04m 21s
Réf. 00102

Notice

Résumé :

Les Alliés ont bombardé plusieurs villes dont Chambéry, Saint-Etienne et Lyon. Ces dernières ne sont plus que ruines et incendies et la liste des morts s'allonge.

Type de média :
Date de diffusion :
02 juin 1944
Date d'événement :
26 mai 1944

Éclairage

Le cinéma est le loisir populaire par excellence à la fin des années 1930. Les films sont précédés, avant l'entracte de documentaires produits par diverses sociétés cinématographiques et d'actualités. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le contrôle de ces actualités devient un enjeu de taille et le côté documentaire cède le pas à la propagande.

Ce document couvre une série de bombardements survenus en France au mois de mai 1944. C'est une production de France Actualités, société franco-allemande installée à Paris depuis l'occupation de la zone libre.

Jusque là, les documentaires et les actualités diffusées en première partie des séances de cinéma avaient des producteurs différents en zone occupée et zone libre. En zone nord, étaient diffusées les Actualités mondiales que distribue dans les salles une filiale de la firme allemande UFA (Universum-Film Aktiengesellschaft). Il s'agit d'un journal allemand en langue française. Dans la zone sud, un journal, France-Actualités, était préparé à Marseille, sous contrôle de l'État français avec les firmes Pathé et Gaumont . A partir de la fin 1942, le journal France Actualités est produit à Paris par une société mixte franco-allemande et la diffusion se fait sur l'ensemble du territoire. Le contrôle allemand sur cette société augmente considérablement à partir de la fin 1943. C'est dans ce contexte qu'est produit l'extrait sur les bombardements et le commentaire devient un élément de propagande.

Dans le cadre de la préparation du débarquement, les escadres de bombardiers anglo-américaines doivent détruire un certain nombre de voies de communication (Transportation Plan) pour ralentir l'acheminement de renforts allemands vers le lieu du débarquement. Le vendredi 26 mai 1944 – juste avant le dimanche de Pentecôte évoqué dans le commentaire – de nombreux bombardements sont organisés dans le Sud-Est. La méthode retenue est de bombarder de jour les points névralgiques à haute altitude.

Au petit matin du 26 mai, environ 900 avions américains décollèrent du sud de l'Italie et se divisèrent en plusieurs vagues, une fois franchie la frontière. Les bombardements eurent lieu entre 10 et 11 heures du matin et de nombreux objectifs stratégiques furent atteints ; mais les bombardements à haute altitude provoquèrent aussi de nombreuses victimes civiles que souligne le commentateur dont le discours n'est pas à une contradiction près – mais attention nous regardons aujourd'hui le document avec un œil distancié alors que les spectateurs des salles obscures de juin 1944 sont dans des dispositions autres. Le commentaire affirme par exemple dans un premier temps « ils sont venus et ont lancé leurs engins de mort un peu partout, comme au hasard ... » et il dit un peu plus loin : « certes parfois les voies ferrées ou les objectifs industriels ont été touchés, mais le plus souvent, les bombes n'atteignent pas leur but. » Quoi qu'il en soit, les images ne donnent à voir que des civils et des immeubles d'habitation, jamais d'usines ou d'installations ferroviaires.

Une vague se dirigea en direction de Grenoble (non mentionné dans le document ; absence d'images ?) et de Chambéry où la gare de triage fut détruite. A Saint-Étienne, la gare de triage fut endommagée, mais il y eut de nombreuses victimes dans le quartier ouvrier du Soleil et le Jardin des Plantes (situés près de la gare) ainsi que le quartier de Tardy. À Lyon enfin, les bombardiers ciblèrent la banlieue sud et le sud de Lyon et au nord, les installations ferroviaires et industrielles de Vaise. Les gares de Vaise et de la Mouche furent atteintes, mais pas celle de Perrache. Un bâtiment de l'Ecole de Santé militaire où était alors installée la Gestapo – c'est là que se trouve aujourd'hui le Centre d'Histoire de la Résistance et de la Déportation – fut détruit en bordure de l'avenue Berthelot.

Le commentaire de ce document, le choix des mots, la volonté d'interpeller directement le spectateur – « ce n'est pas seulement une maison de Lyon qui flambe, c'est la maison d'un Français, demain, ce sera peut-être la vôtre... » - en font clairement un document de propagande dans la guerre des images. Le commentaire est quasi permanent et il oriente la réception de ces images par le spectateur.

Bibliographie :

- Brigitte Blanc , Henry Rousso et al., La Seconde guerre mondiale, Guide des sources conservées en France, 1939-1945, Paris, Archives nationales, 1994. (Sur les actualités cinématographiques p. 1078-1079).

- James Charrel « Entre pouvoir allemand et pouvoir français », Sociétés & Représentations, 2001, n° 12, p. 63-70.

Voir le site consacré au cinéma et à la vidéo en classe pour plus d'information sur les actualités cinématographiques.

Jean-Luc Pinol

Transcription

Journaliste
Ces bombes, ces bombes lâchées par les forteresses volantes sont destinées non pas aux ennemis des anglo-américains mais à la France, Français. Les deux fins clochers de la cathédrale de Chartres dominent les ruines.
(Musique)
Journaliste
Et vous voyez cet amas de pierres calciné, c’est tout ce qui reste du vieil hôtel de Ville.
(Musique)
Journaliste
La bibliothèque qui contenait des documents d’une valeur inestimable a subi le même sort.
(Musique)
Journaliste
Doit-on voir dans la cathédrale d’Orléans mutilée, la réponse de l’épiscopat anglo-américain à la demande des évêques de France qui s’élevaient contre la violence des bombardements terroristes, détail symbolique, Jeanne a perdu son épée.
(Musique)
Journaliste
Et bien oui, voilà Orléans.
(Musique)
Journaliste
De tous les coins de France, nos opérateurs nous ont envoyé ainsi des milliers et des milliers de mètres d’images déchirantes.
(Musique)
Journaliste
Ici, les rescapés d’Orléans puisent l’eau dans les bassins du parc.
(Musique)
Journaliste
Et c’est comme cela chaque semaine. Chaque jour même, certaines régions comme les environs de Paris reçoivent la visite de ceux qui se disent nos libérateurs.
(Musique)
Journaliste
Un train venait de quitter la capitale emmenant vers la banlieue, de nombreux parisiens. Là, 400 d’entre eux ont trouvé la mort bombardés et même mitraillés.
(Musique)
Journaliste
A Chambéry, le raid dura trois minutes. Le bilan, 300 morts. Vous voulez d’autres chiffres, 330 bombardements en trois mois. Et cela ne fait que commencer, vous le savez bien.
(Musique)
Journaliste
Saint Etienne aussi est en ruine. Par vagues successives ils sont venus et ont lancé leurs engins de mort là, un peu partout comme au hasard. 1 400 habitants ont été blessés 900 sont morts pour ce qu’ils croyaient être la libération.
(Musique)
Journaliste
Certes, parfois les voies ferrées ou les objectifs industriels ont été touchés mais le plus souvent, les bombes n’atteignent pas leur but. Et toujours inexorablement, la liste s’allonge, des milliers de morts viennent s’ajouter à d’autres milliers de morts.
(Musique)
Journaliste
Nous voici au cœur de Lyon pendant le bombardement. Nos opérateurs étaient là, présents. Cet immeuble qui brûle comme une torche, ce n’est pas seulement une maison de Lyon qui flambe, c’est la maison d’un Français. Demain, ce sera peut-être la vôtre. Sous les flammes se trouvent des corps. 1 000 lyonnais ont péri. Est-ce cela la guerre moderne ? Est-ce cela la nouvelle arme anglo-américaine ? Décimer, atterrer, affoler, assassiner des Français sans défense, car n’ayons pas peur des mots, c’est bien de l’assassinat.
(Musique)
Journaliste
Ça vous ennuie de voir des ruines, des cadavres, vous n’êtes pas venus pour ça. Hélas, la semaine prochaine, au train où vont les choses, nous devrons vous en montrer encore bien d’autres. Les évènements nous dictent l’actualité. Fête de la Pentecôte, fête sanglante. De Lille à Marseille, d’Epinal à Nantes, de Nice à Rouen, plus de 5 000 morts. Plus de 7 000 blessés, plus de 100 000 sinistrés en trois jours. Les anglo-américains peuvent être fiers.