La raffinerie de Feyzin

15 octobre 1974
01m 15s
Réf. 00123

Notice

Résumé :

La raffinerie de Feyzin fête ses 10 ans. La population est très sceptique envers l'usine et met en cause la pollution qu'elle engendre. De plus, la catastrophe de 1966 n'est pas oubliée. Les responsables tentent de la faire accepter.

Date de diffusion :
15 octobre 1974
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Éclairage

La France a toujours eu du mal à mettre en œuvre une véritable politique pétrolière faute du contrôle de territoires fortement pourvus en or noir comme ce fut le cas pour l'empire britannique. La découverte du pétrole en Algérie en 1956 change la donne, mais la guerre d'indépendance fragilise ce nouvel atout. Dans ce contexte, les pouvoirs publics considérant que la Compagnie Française des Pétroles mène une politique trop proche de celles des majors, compagnies étrangères qui transportent et raffinent en France, créent une entreprise publique l'Union Générale des Pétroles qui doit permettre de mener une politique plus nationale. Les capacités de raffinage de l'UGP sont limitées et elle entend les développer, elle dispose d'une raffinerie ancienne à Ambès, près de Bordeaux et décide, dès 1961, de construire une nouvelle raffinerie à Feyzin, au sud de Lyon. Feyzin est alors une commune de l'Isère qui ne sera rattaché au départemrent du Rhône qu'à la fin de 1967.

Inaugurée en 1964, cette raffinerie conçue pour traiter le brut algérien est, alors, l'une des plus modernes d'Europe. Aux unités de distillation directe s'ajoute une unité de craquage à la vapeur – le reportage annonce qu'un second vapocracker est en cours de mise en route en 1974 – qui permet la production de propylène et de butadiène qui sont à la base des matières plastiques et d'autres dérivés utilisés dans la chimie. En 1967, l'UGP devient Elf qui, après privatisation, fusionne avec Total en 2000.

La localisation de la nouvelle raffinerie la met au contact de la nouvelle autoroute en construction, à proximité immédiate des nombreuses entreprises chimiques qui se se sont installées au sud de Lyon depuis la seconde moitié du XIXe siècle et que l'on appelle aujourd'hui le couloir de la chimie, sur le trajet aussi de l'oléoduc Marseille Lyon Strasbourg. A partir de 1967, l'Institut français du Pétrole s'installe à proximité sur le site de Solaize.

Pour le dixième anniversaire de la raffinerie, le reportage révèle une certaine gêne. Le problème de la pollution apparaît comme crucial et ce qui est dit sur le rejet de dyoxide de soufre (SO2), avec sa forte odeur et ses agressions sur les muqueuses, malgré l'euphémisation – on dit SO2 moins explicite que dyoxide de soufre – souligne le malaise. Mais ce dernier renvoie sans doute à l'événement qui a marqué les mémoires : l'incendie du 4 janvier 1966. Ce jour là, une erreur de manipulation entraîne une fuite de gaz. Un automobiliste roulant à proximité enflamme le nuage de gaz. L'incendie gagne les cuves. Ce sera la première catastrophe industrielle en France. Il y aura dix huit morts dont 11 pompiers. Bibliographie :

- Samir Salut, « Politique nationale du pétrole, sociétés nationales et « pétrole franc » », Revue historique, 2006, n° 638, p. 355-388.

Jean-Luc Pinol

Transcription

Journaliste
Malgré les restrictions, les besoins en pétrole de la région Rhône-Alpes sont telles que la raffinerie de Feyzin va utiliser à plein sa capacité de production qui est maintenant de 9 millions de tonnes. 890 personnes y travaillent. Elles seront 1 000 en 1976 lorsqu’un deuxième vapocraqueur sera mis en service. Par ailleurs, de Feyzin découle une grande partie de l’industrie chimique régionale à qui la raffinerie fournit les matières premières. Et l’on peut dire qu’au total elle engendre plus de 8 500 emplois. Et pourtant dix ans après sa création, la raffinerie n’a pas encore réussi à établir le dialogue avec les habitants de la région. Pour eux Feyzin est synonyme de pollution. Son inquiétant équipement, ses fumées, ses odeurs les rendent méfiants et ils rejettent sur la raffinerie la responsabilité des nocivités qu’ils subissent. Et puis ils gardent le triste souvenir de la catastrophe qui le 4 janvier 1966 a endeuillé la région. Pourtant pour arriver à la faire accepter, ses responsables mènent une lutte incessante contre toutes les formes de pollution qu’elle peut créer. Déjà elle est moins bruyante, elle ne pollue pas l’eau et les ingénieurs pensent pouvoir prochainement maîtriser le SO2 qu’elle déverse dans l’atmosphère.