Le baccalauréat à Grenoble

26 juin 1968
01m 05s
Réf. 00237

Notice

Résumé :

Les épreuves du baccalauréat ont été aménagées en raison des grèves de mai 1968. Le bac 1968 s'est humanisé en s'individualisant. Une seule épreuve orale est prévue pour ce baccalauréat.

Date de diffusion :
26 juin 1968
Source :

Éclairage

Le 26 juin 1968, les élèves grenoblois passent, comme partout en France, le baccalauréat sous forme d'épreuves orales accompagnées du livret scolaire. C'est la seule fois dans l'histoire de l'examen créé en 1808 par Napoléon Ier avec l'université impériale, même si les formes, les épreuves et l'organisation ont souvent changé en un siècle et demi. C'est une première dans l'histoire de ce diplôme puisque, même en juin 1944, les épreuves écrites du baccalauréat avaient été maintenues.

Le blocage des lycées par la longue grève des enseignants et des élèves explique la forme orale donnée aux épreuves en juin 1968. Les lycéens se sont mobilisés spontanément dès le début des événements, parfois avec l'aide d'adultes, étudiants, surveillants ou jeunes professeurs. Ils expriment leur solidarité aux étudiants, mais ils avancent aussi des revendications qui leur sont propres, de liberté et d'autonomie et, parfois, des propositions constructives pour une refonte de l'administration des établissements secondaires. Leur présence dans l'espace public les premiers jours de mai 1968 contribue à nationaliser la contestation, l'acclimater jusqu'au cœur des familles sur tout le territoire et contribuer ainsi à la bienveillance de l'opinion publique. La grève des enseignants à partir du 20 mai transforme la situation dans les lycées : certains bâtiments sont occupés ; des réunions se tiennent en commun avec les lycéens ; dans d'autres cas, les cours sont transformés en forum de discussion. Un rapport de l'inspecteur d'académie de l'Ain parle « des désirs anarchiques de cogestion » des professeurs et des élèves du lycée de Trévoux parce qu'ils ont proposé un conseil de gestion qui se réunirait mensuellement où élèves, enseignants, parents d'élèves et agents de service seraient représentés et qui déciderait de la répartition des crédits et de la vie collective du lycée ; ils ont proposé aussi l'établissement d'un carnet de correspondance entre parents d'élèves et administration. L'inspecteur d'académie juge en juin 1968 que ces propositions constituent « une remise en cause de l'autorité du proviseur sur les enseignants et sur les élèves ». Au lycée Simone Weil, lycée de jeunes filles de Saint-Étienne, élèves et professeurs grévistes ont rédigé un cahier de doléances - référence à la Révolution française, la dénomination n'est pas neutre - véritable charte de transformation de l'enseignement secondaire : allégement des programmes, participation aux conseils de classe et au conseil intérieur, formation de clubs théâtre, cinéma et de discussions sur l'actualité, deux demi-journées libérées pour le sport et les activités culturelles, travail en équipe et autodiscipline, suppression de la notation, des prix, des encouragements et des félicitations, enfin éducation sexuelle et établissement de la mixité « pour que les relations garçons et filles soient normales ». Véritable programme commun d'un lycée idéal, c'est une des réflexions les plus abouties du mouvement lycéen. La présence d'Huguette Bourchardeau, professeur de philosophie dans le lycée, et alors responsable du PSU local (elle sera ultérieurement candidate à l'élection présidentielle au premier tour en 1981 et ministre de François Mitterrand) n'est sans doute pas étrangère à ces propositions. Dans les lycées, la fin de la grève des professeurs le 11 juin ne marque cependant pas complètement le terme de la contestation lycéenne qui s'épuise seulement avec la fermeture des établissements et l'organisation du baccalauréat la dernière semaine de juin.

Le 31 mai 68, Georges Pompidou, ministre de l'Éducation nationale par intérim après la démission d'Alain Peyrefitte, donne des instructions pour l'organisation des épreuves du baccalauréat qui ne seront qu'orales compte tenu des circonstances.

Interviewés dans le reportage, les élèves semblent satisfaits de la forme orale des épreuves : ils parlent d'une humanisation de l'examen qui s'individualise, à l'encontre sans doute de l'anonymat des épreuves écrites. Le taux de réussite sera exceptionnel : 81%.

Michelle Zancarini

Transcription

Journaliste
La cuvée 1968 du baccalauréat bénéficiera-t-elle ou non du prestige des bons millésimes ? C’est la question que certains parents se posent tandis que leurs enfants affrontent ces jours-ci, à Grenoble et à Lyon, avec une relative décontraction les jurys des différentes matières. A la suite des évènements de ces dernières semaines, l’administration a été amenée à trouver une formule d’examen oral qui a généralement la faveur des bénéficiaires mais qui a peut-être aussi le défaut de ne pas sanctionner aussi bien leurs connaissances que l’examen traditionnel. Première conséquence : certains candidats sont élus plus vite et plus facilement qu’ils l’espéraient, d’autres sont convaincus d’avoir été trop durement éliminés par ces épreuves orales, sans avoir pu faire par écrit la preuve de leurs connaissances, mais il y a fort heureusement plusieurs facteurs qui compensent, notamment cette année l’examen approfondi du Livret Scolaire et aussi la possibilité, dans certaines matières, de préparer par écrit certains éléments de réponse avec les livres sous le coude. Mais dans l’ensemble, chacun s’accorde, en tout cas à Grenoble, à reconnaître que le Baccalauréat 68 s’est humanisé en s’individualisant.