La manifestation des ouvriers et étudiants à Lyon

09 avril 1973
36s
Réf. 00249

Notice

Résumé :

Les manifestations des étudiants se poursuivent contre la loi Debré. Les ouvriers ont intégré le mouvement et remettent en cause le travail à la chaîne et la parcellisation des tâches.

Date de diffusion :
09 avril 1973
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Éclairage

Depuis 1968, chaque année, des mobilisations lycéennes ponctuelles s'étaient produites, le plus souvent en solidarité contre la « répression » traduisant la détérioration du climat des études, la sclérose et l'ennui plus qu'une politisation précise. Mises en place par l'armée dans tous les lycées en février 1973, les conférences d'information sur le service national pour expliquer la loi Debré mettent partout le feu aux poudres. La loi Debré avait été votée le 29 juin 1970 ; elle visait à rétablir l'égalité entre jeunes Français en établissant l'appel entre 17 et 21 ans et en supprimant les sursis pour les étudiants. Tous les partis l'avaient votée, à l ‘exception de Michel Rocard (alors PSU). L'apogée de la contestation lycéenne se situe en 1973 en pleine campagne pour les élections législatives des 4 et 11 mars.

Regroupés dans une coordination nationale, le mouvement s'est développé d'abord en province dans la première quinzaine de mars et ne touche vraiment Paris que plus tard, après le second tour des élections législatives. La déception face aux résultats (la défaite de la gauche, malgré l'espoir suscité par le programme commun signé entre les partis de gauche en 1972) entraîne les militants dans la grève. Plusieurs centaines de défilés et de rassemblements ont eu lieu en province avec la présence soulignée de nombreuses lycéennes en apparence peu concernées par les sursis. Aux manifestations lycéennes se sont ajoutées, dans le même temps, les manifestations étudiantes sur la réforme du DEUG et la grève des OS (ouvriers spécialisés) à Renault-Billancourt, conjoncture qui fait s'agiter le fantôme de 1968.

En février 1969, les OS d'une chaîne de montage de l'usine Renault du Mans avaient mis en cause le système des cadences et de la cotation par poste, c'est-à-dire la rémunération individuelle, selon le poste de travail, décidée après une analyse ‘scientifique' des gestes de chaque ouvrier. L'assemblée générale de chaîne décide une grève qui provoque l'arrêt des ateliers de montage de toutes les usines Renault. C'est sur la même revendication d'égalité des salaires que se déroule une grève en 1971 avec les mêmes conséquences. Le blocage de la plus célèbre entreprise française et le mot d'ordre des grévistes « Pour l'OS, le bâton de maréchal est un balai » frappe l'opinion publique. La direction refusant toute négociation sur l'organisation du travail a cependant accepté la création d'une nouvelle catégorie le P 1 F (baptisée immédiatement par dérision Pif), catégorie intermédiaire entre les OS et les OP (ouvriers professionnels) qui permet de conserver la hiérarchie des postes tout en créant une sorte de promotion. Au printemps 1973, à Renault-Billancourt, les OS, ouvriers immigrés des presses, font grève en revendiquant « le P1F pour tous », reprenant ainsi l'idée de l'égalité salariale dans le collectif de travail de l'atelier. Ils sont suivis dans d'autres entreprises de la région lyonnaise comme le montre la banderole qui ouvre la manifestation le 9 avril 1973 dans le reportage de la télévision régionale. L'union des ouvriers, étudiants et lycéens fait peur au gouvernement qui y voit le fantôme de 1968. Le 17 avril 1973, une circulaire menace de supprimer les bourses et les allocations familiales en cas d'absentéisme des élèves et des étudiants, visant ainsi les familles les plus modestes. Malgré des déclarations très fermes, le gouvernement a cependant dialogué avec les contestataires (à la télévision le porte-parole des lycéens était Michel Field) et a attendu les vacances, persuadé que le mouvement s'essoufflerait, même si 1968 reste cependant pour tous l'horizon de référence. Dans les usines d'automobile, les directions ont réfléchi au remplacement des OS et la robotisation des chaines naît aussi de ces mouvements sociaux de 1973.

Michelle Zancarini

Transcription

Journaliste
Ce sont donc en fait les lycéens, les étudiants et les enseignants qui étaient les plus nombreux à côté de la CGT et des militants du Parti Socialiste ; plusieurs milliers au total. C’est toujours la Loi Debré qui est en cause et les décrets du DEUG. A ces revendications s’ajoutent celles propres aux OS, c'est-à-dire l’opposition au travail à la chaîne et à la parcellisation des tâches. Les revendications, selon un tract distribué à des centaines d’exemplaires, ne sont pas quantitatives mais qualitatives. Les principaux griefs faits à l’Armée, outre le sursis, concernent, nous citons, « son rôle de briseur de grève en particulier chez les éboueurs et chez les transporteurs parisiens ».