La Constitution est modifiée pour les LFSS

19 février 1996
02m 18s
Réf. 00050

Notice

Résumé :

Il aura fallu attendre un demi-siècle pour que le Parlement puisse se prononcer par un vote sur les comptes de la Sécurité sociale. Alors que les masses financières sont très supérieures à celle du budget de l'Etat, aucun vote ne venait les sanctionner. C'est le grand mérite d'Alain Juppé que d'avoir créé les Lois de Financement de la Sécurité Sociale (LFSS).

Date de diffusion :
19 février 1996
Source :
A2 (Collection: JA2 20H )
Thèmes :

Éclairage

La création des Lois de Financement de la Sécurité sociale constitue sans doute le point culminant du plan Juppé, pourtant très riche.

En 1956 avait été créé un fascicule budgétaire appelé « Budget Social de la Nation ». Ce document d'une vingtaine de pages ne comportait que des tableaux de chiffres, mais son titre était pour le moins malheureux, dans la mesure où il a suscité des envies chez les parlementaires. Ceux-ci votent le Budget de l'Etat, il leur paraissait donc naturel d'émettre un vote sur cet autre Budget. Il leur fut répondu qu'il s'agissait là d'un simple document d'information.

Les dépenses sociales croissant à un rythme élevé, elles dépassèrent, et de loin, le Budget de l'Etat. Mais toujours pas de vote. Pour tenter de calmer les parlementaires, on changea par une loi de décembre 1974 le nom du document en « Effort Social de la Nation ». Mais toujours pas de vote !

Les parlementaires se sentaient frustrés et déposaient à jet continu des propositions de loi pour pouvoir voter le « budget de la Sécu », mais elles étaient toutes inconstitutionnelles.

Considérant qu'il était naturel que le Parlement puisse se prononcer par un vote sur le budget de la Sécurité sociale, Alain Juppé décida de modifier la Constitution.

Ainsi chaque année, au début du mois d'octobre, un Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) est déposé sur le bureau du Parlement.

Le calendrier et le titre sont délibérément inspirés du Projet de Loi de Finances (PLF) qui conduit au vote du budget de l'Etat. Le parallélisme des formes a toutefois une limite. Les dépenses de l'Etat sont budgétairement limitatives. Ceci n'aurait guère de sens en matière sociale, où l'on n'imagine pas que l'on arrête les remboursements de soins parce que les crédits sont épuisés.

Le PLFSS, jamais remis en cause par aucun gouvernement, est le temps fort de l'année sociale. Il introduit surtout une contrainte très forte pour l‘exécutif. Fin septembre, la Commission des Comptes de la Sécurité sociale présente ses prévisions pour l'année suivante. Sur la base de ce document, le gouvernement doit dire ce qu'il va faire. Et la réponse est : le PLFSS.

Jean-François Chadelat

Transcription

Présentateur
En France, comme le veut la loi, sénateurs et députés étaient réunis aujourd’hui à Versailles pour réviser la Constitution ; et permettre aux parlementaires d’avoir un droit de regard sur les finances de la Sécurité sociale ; qui jusqu’à présent était, je vous le rappelle, gérée en parité par les syndicats et le patronat avec un budget tout de même plus important que celui de l’Etat. Le vote ne faisait aucun doute, ce changement de la Constitution a été adopté à une large majorité. Roland Sicard, Carole Caumont.
Journaliste
L’ambiance aurait pu être glaciale, Versailles sous la neige, il y a plus d’un parlementaire que cela aurait pu refroidir, mais un parlementaire a le sens du devoir.
Intervenant
Il faut avoir envie de réformer la Constitution.
Journaliste
Et il ne fallait pas compter sur la gauche pour briser la glace. La gauche qui pense qu’on réforme trop la Constitution et que le projet n’est pas bon.
Jean-Pierre Chevènement
C’est un congrès qui ne sert à rien et il faut le faire pour la gloire.
Michel Rocard
Nous allons voter contre avec de bonnes raisons, si il suffisait d'une réforme de la Constitution pour améliorer la Sécurité sociale, ça se saurait.
Georges Marchais
Nous allons appeler plus que jamais les travailleurs à lutter et effectivement et efficacement pour la défense de la Sécurité sociale.
Journaliste
Pas de quoi inquiéter Alain Juppé, la crise sociale de décembre reste un mauvais souvenir. Mais au Parlement, la réforme de la Sécu a toujours été une formalité.
Alain Juppé
Un sentiment de confiance, les choses se sont bien passées à l’Assemblée Nationale et au Sénat dès la première lecture. C’est une étape extrêmement importante, puisque c’est la clef de voute de la réforme de la Sécurité sociale, qui aujourd’hui voit le jour.
Journaliste 2
Et l’autre avantage pour Alain Juppé, c’est que sa majorité s’est retrouvée. Si Alain Madelin a marqué sa différence en s’abstenant, la droite a tout de même fait bloc, Balladuriens en tête.
Edouard Balladur
C’est une bonne réforme qui permettra aux élus du peuple de fixer les règles générales d’évolution de nos dépenses sociales, ce qui est indispensable.
François Léotard
Avec un Parlement plus raisonnable et plus convaincu de la nécessité de maîtriser la dépense publique, ben à mon avis, nous mettons des atouts dans notre jeu.
Journaliste
Un résultat sans surprise, 681 voix pour, 188 contre, la réforme est adoptée. Mais pour beaucoup, l’autre bon souvenir restera sans doute le timbre du congrès. Avec cinq révisions de la Constitution en quatre ans, Versailles commence à faire partie des habitudes.