Robert Boulin : Amélioration des retraites et allongement de la durée d'assurance

14 octobre 1971
03m 57s
Réf. 00084

Notice

Résumé :

Dans le prolongement du rapport Laroque de 1962 induisant la nécessité d'améliorer le montant des retraites, et dans le cadre du 6e plan, Robert Boulin, ministre de la Santé publique et de la Sécurité sociale, explique les mesures contenues dans la loi du 31 décembre 1971.

Date de diffusion :
14 octobre 1971
Source :
ORTF (Collection: JT 20H )
Personnalité(s) :
Thèmes :

Éclairage

Comme l'avait souligné le rapport Laroque de 1962 (voir le document Onze mille francs par mois), le montant des retraites, calculé dans les conditions fixées par l'ordonnance de 1945, était en moyenne relativement faible. Au début des années 70, le défi était à la fois d'améliorer le montant des retraites, tout en garantissant le système compte tenu des évolutions démographiques (augmentation du nombre de retraités et allongement de l'espérance de vie).

La loi du 31 décembre 1971 portant amélioration des pensions du Régime général et du Régime des salariés agricoles, dite Loi Boulin, améliore très sensiblement les retraites et apporte des mesures favorables à de nouvelles catégories, en particulier les femmes mères de famille.

Robert Boulin, ministre de la Santé publique et de la Sécurité sociale, explique dans l'interview les motifs et le contenu de la loi. Le choix a été fait de ne pas avancer l'âge de la retraite, en dépit des revendications en ce sens, car, sur le plan juridique, la retraite à 60 ans était bien prévue depuis 1945, mais sur des bases peu favorables de sorte que les salariés attendaient d'avoir 65 ans pour prendre leur retraite.

Mesures allant dans le sens d'une amélioration du montant des retraites :

- Revalorisation de 5 % des retraites attribuées avant le 1er janvier 1972.

- Augmentation du taux maximum de la pension applicable au salaire moyen qui passe de 20 à 25 % à 60 ans et de 40 à 50 % à 65 ans.

- Calcul de la retraite sur les 10 meilleures années, au lieu des 10 dernières.

- Retraite à 60 ans à taux plein pour les personnes présentant une inaptitude au travail de 50% médicalement constatée.

Mesures tendant à garantir le système :

- Allongement progressive de la durée d'assurance pour une pension complète, de 120 trimestres - 30 ans - à 150 trimestres - 37, 5 ans.

Mesures en faveur des femmes mères de familles :

- Création de l'Assurance vieillesse des parents au foyer - AVPF - (étendue en 1978 aux pères) : les caisses d'allocations familiales versent des cotisations vieillesse aux femmes restant au foyer pour élever leur enfant, sous conditions de ressources et de perception de certaines prestations familiales. Ce dispositif a connu des évolutions mais existe toujours actuellement. Ainsi les périodes d'éducation de l'enfant s'ajoutent aux périodes d'activité dans le calcul de la durée d'assurance pour la retraite.

- Création de la majoration de durée d'assurance d'un an pour le troisième enfant pour les femmes. A noter qu'en 1975 cette majoration sera portée à 2 ans dès le premier enfant.

La loi Boulin de 1971 a donc contribué à améliorer les retraites à court et moyen terme. L'allongement de la durée d'activité pour une retraite entière sera poursuivi dans les réformes qui suivront celle-ci.

Annie Rosès

Transcription

Robert Boulin
Elles sont très importantes, je crois que ce sont même les plus importantes qui ont été prises depuis 1945. Elles ne résultent pas de telle ou telle revendication. Elles sont le fruit, comme vous le savez, d’études qui ont été faites par le plan pendant près de deux ans, et dont nous connaissons maintenant l’aboutissement ; en signalant toutefois que ce que nous faisons est supérieur à tout ce que le plan avait prévu pendant la durée du sixième plan dans le secteur de la Famille et de la Vieillesse.
Journaliste
Alors, parmi les points importants, vous avez choisi la revalorisation des retraites, pourquoi ?
Robert Boulin
Eh bien, parce que le problème que nous avons en France est essentiellement le problème des personnes âgées. Nous avons en France, comme vous le savez, plus de 9 millions de personnes qui ont plus de 60 ans. Et il faut absolument revaloriser la situation de ces personnes âgées. Donc, notre axe a été celui de la revalorisation. Il y a une récrimination qui consiste à dire, il faut la retraite à 60 ans. Alors, je me permets de prendre mon petit livre rouge, qui n’est pas celui de Mao, mais qui est le code de la Sécurité sociale ; et qui dit à l’article 331, l’Assurance vieillesse garantit une pension de retraite à l’assuré qui atteint l’âge de 60 ans. Par conséquent, la loi fixe la retraite à 60 ans. Nous n’allons pas la revendiquer. Mais pourquoi est-ce qu’on ne prend pas la retraite à 60 ans, parce qu’elle n’assure à 60 ans que 20 % du salaire de base. Ce n’est donc pas un problème d’âge de la retraite, c’est un problème de revalorisation. C’est très bien de prendre la retraite, mais il faut avoir les moyens de vie. Alors, c’est ce que nous faisons. Nous avons fait aussi un effort pour l’article L332, puisque je suis toujours dans le code, et qui prévoyait la possibilité de la retraite à 60 ans déjà. Mais il fallait deux conditions draconiennes. La première, il fallait avoir un travail pénible, qui était fixé par un décret, et il fallait une incapacité totale et définitive, c’était inapplicable. Et on nous a beaucoup critiqué, les syndicats aussi, en disant : mais il y a des gens qui travaillent très dur au fourneau, qui prennent la retraite anticipée. Il y avait là une lacune de notre législation. Ben, nous la comblons. Le jour où il aura médicalement constaté 50 % d’incapacité, il pourra prendre sa retraite à 60 ans et à taux plein bien entendu. Voilà pour la Vieillesse.
Journaliste
Oui, alors les mères de famille qui travaillent.
Robert Boulin
Alors, les mères de famille, vous savez que le Président de la République dans le discours qu’il avait fait à l’Unaf en fin décembre 1970 avait demandé pour les familles un contrat de progrès. Parce qu’il estimait que la famille était un élément essentiel de la vie de notre société. Et nous avons fait ce contrat de progrès dans l’horizon 1975. Alors, ça consiste à un grand nombre de mesures. La première, c’est de faire varier les allocations familiales comme les prix naturellement ; de faire ensuite un salaire unique qui variera comme le Smic, et qui fera que la mère de famille de catégorie modeste, qui est obligée de rester chez elle à élever ses enfants ; parce qu’elle n’a pas le choix, elle n’a pas le personnel domestique, verra son salaire unique doubler, à condition qu’elle ait un revenu inférieur à l’impôt sur le revenu des personnes physiques ; en même temps que on supprimera l’allocation de salaire unique pour les familles qui ont plus de 4 000 francs en moyenne de revenu. Enfin, il y a deux mesures capitales très importantes qu’il faut raccrocher au train de la vieillesse, toujours pour les mères de famille ; qui consistent à ce que la mère de famille qui reste chez elle au foyer se verra payer une cotisation de vieillesse ; de telle sorte que quand elle commencera à travailler une fois que ses enfants seront grands, on raccordera toute la période où elle sera restée chez elle et la période où elle aura travaillé, elle aura ainsi une retraite décente. Nous estimons qu’il faut donner une prime aux mères de famille qui ont élevé des enfants. Et nous donnons une année supplémentaire aux mères de famille à partir du troisième enfant pour bonifier leur retraite. Ça veut dire, si vous voulez, qu’une mère qui a élevé trois enfants pourra prendre sa retraite à 62 ans au lieu de 65. Voilà l’ensemble de ces mesures très importantes qui coûtent cher naturellement et qui vont se répercuter pour la vieillesse par des cotisations ; et qui sont compatibles avec nos capacités nationales.