Maurice Derlin, la Cnam face aux médecins

09 mars 1970
02m 52s
Réf. 00082

Notice

Résumé :

Le président de la Cnam, Maurice Derlin, analyse les dépenses de soins de ville. Le docteur Jacques Monier, président de la CSMF, en donne une analyse différente.

Date de diffusion :
09 mars 1970
Source :
ORTF (Collection: JT 20H )

Éclairage

Cette vidéo permet de voir à l'œuvre le président de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie (Cnam), Maurice Derlin, et dans la deuxième partie, le docteur Jacques Monier, Président de la Confédération des Syndicats Médicaux Français (CSMF). Ils nous livrent chacun leur analyse des causes de l'évolution des dépenses médicales.

Maurice Derlin a dirigé l'Assurance maladie pendant 24 années. Né le 19 décembre 1924, il est décédé à 82 ans le 31 janvier 2007. Dans le prolongement des ordonnances de 1967 qui ont créé la Cnam, Maurice Derlin en est élu Président le 28 septembre 1967. Ce syndicaliste de Force Ouvrière (FO) gouvernera la Cnam par une alliance avec le CNPF, dont le représentant Emile Boursier sera élu Vice-Président de la Cnam. Cette alliance comprendra également la CGC et la CFTC. Ayant soutenu Claude Pitous contre Marc Blondel, lors de la succession d'André Bergeron à la tête de FO, il est progressivement écarté par son organisation syndicale et en 1991, alors qu'il se présentait pour un nouveau mandat, FO fait élire à la présidence de la Cnam Jean-Claude Mallet.

Maurice Derlin, surnommé le "pape de l'Assurance maladie" se bat pour l'autodiscipline du corps médical, le laisser-faire n'est plus acceptable, mais il est contre une médecine étatisée.

Maurice Derlin, dès 1970, dit que face à l'augmentation en volume des actes médicaux, il faut définir une politique de santé, chose dont il reconnaît que ce n'est pas simple, mais c'est la condition nécessaire pour combattre le déficit de l'Assurance maladie.

En réponse, le président Monier avance des arguments dont il est difficile de contester le bien-fondé, et qui sont repris aujourd'hui. Les dépenses de santé augmentent et augmenteront. Le progrès technique, le progrès social, la démographie sont des facteurs incontestables. Les médecins permettent aux assurés de vivre plus longtemps et donc de coûter davantage à la Sécurité sociale, mais on n'a pas le droit de le reprocher aux médecins, bien au contraire.

Par contre les abus des médecins et des assurés relèvent de la mythologie.

Maurice Derlin est bien le premier à reconnaître que les besoins de 1970 sont largement supérieurs à ceux de 1945, mais il préfère des hausses de cotisations à des mesures d'économies ou de maîtrise.

Jean-François Chadelat

Transcription

Journaliste
Chaque année, le nombre des consultations médicales augmente de 10 %. Derrière cette consommation accrue, derrière la Sécurité sociale et son déficit gigantesque, il y a le problème numéro 1 de toutes les nations modernes, définir une politique de santé.
Maurice Derlin
Il ne faut pas croire que lorsque nous demandons cela, que tout se réglera par une simple loi et par un acte unique. C’est un édifice, il faut ajouter les pierres les unes aux autres, la Caisse nationale de son côté a des responsabilités. Maintenant, il y a la responsabilité de l’État, le gouvernement, le Parlement.
Jacques Monier
Dire que l’Assurance maladie coûte trop cher, parce que les médecins et les malades abusent, c’est peut-être un tout petit peu vrai, mais c’est en grande partie de la mythologie. Dire par contre que le coût de la santé augmente ; parce que le progrès technique, l’accroissement démographique, le progrès culturel, le progrès social provoquent une augmentation de l’appel au soin ; et rend curable les maladies qui ne l’étaient pas, ça c’est la réalité. On dit aussi que les médecins sont en querelle permanente avec l’Assurance maladie, c’est de la mythologie. Par contre, 93 % des médecins français ont signé des conventions collectives ou individuelles avec l’Assurance maladie, ça c’est la réalité.
Journaliste
Pour la Sécurité sociale, il est nécessaire de faire des économies. Mais de part et d’autre, n’existe-t-il pas des abus ?
Maurice Derlin
Ce n’est pas simple pour nous. Le corps médical a été attaqué, ce n’était pas une autre question d’hostilité vis-à-vis de lui, mais nous voulons l’amener. Et nous avons probablement été assez convaincants ; puisque l’unanimité du Conseil d’administration de la Caisse nationale maladie est dans cet état d’esprit qu’il faut maintenant faire comprendre aux médecins qu’ils ont des responsabilités économiques dans leur prescription. Il faut qu’ils en prennent conscience.
Journaliste
Quel remède appliquer ? Créer des impôts nouveaux ? Rationaliser l’hospitalisation et l’industrie pharmaceutique ? Augmenter les cotisations des plus hauts salaires ? Autant de points d’interrogation ?
Jacques Monier
Pour assainir, il faudrait d’abord que la Sécurité sociale ait des financements qui correspondent à ses besoins. Les besoins de santé sont prioritaires. Nous les médecins, nous sommes des fabricants de vieillards, des fabricants de handicapés, puisque nous permettons aux gens de vivre ; et quelquefois dans des conditions relativement difficiles, parce qu’on les a empêchés de mourir. Le progrès technique nous donne des devoirs devant lesquels nous devons nous soumettre nous médecins. Il est donc normal qu’il y ait un financement supérieur, étant donné que les services que rend l’Assurance maladie à travers la médecine sont supérieurs à ceux qui étaient prévus en 1945. Ceci dit, on ne peut pas dire que tout se passe pour le mieux dans le meilleur des mondes. La santé et la médecine sont devenues des denrées si coûteuses et si précieuses, que personne n’a le droit de les gâcher.