Pierre Soulages, Pierre Encrevé et Jacques Le Goff, à propos de Conques

C'est à l'occasion de son exposition Noir lumière, alors présentée au Musée d'Art Moderne de la ville de Paris, que Pierre Soulages est invité par le journaliste Bernard Pivot dans son émission Bouillon de Culture le 4 décembre 1996. Cette émission diffusée sur Antenne 2 de 1991 à 2001, présentait l'essentiel de l'actualité culturelle et littéraire. Aux côtés de l'artiste peintre se trouvent ce soir là Jacques Le Goff, historien médiéviste français venu parler de son ouvrage sur Saint Louis, ainsi que Pierre Encrevé, linguiste et historien d'art venu quant à lui présenter le premier tome du catalogue raisonné de l'Œuvre de Pierre Soulages. Le décor du plateau met en avant le travail de l'artiste ; on devine plusieurs affiches d'expositions qui lui furent consacrées, notamment celle de sa première exposition internationale : Französische abstrakte malerei qui eut lieu à Stuttgart en 1948.

L'entretien se focalise sur la présentation du travail de Pierre Soulages, plus spécifiquement sur son travail à Sainte-Foy de Conques et sur sa perception de la Foi et de la spiritualité. A la question de Bernard Pivot « Avez-vous la Foi ? » Pierre Soulages préfère affirmer « Je sais que je ne sais pas ». Dans son travail pour Sainte-Foy de Conques et plus largement dans son œuvre picturale, Pierre Soulages s'est toujours défendu de toute approche religieuse ou même spirituelle. Les vitraux de Conques présentent une proposition artistique par laquelle Pierre Soulages vise plus à retrouver par la lumière la pureté de l'esthétique romane qu'à exprimer toute forme de spiritualité qui lui serait personnelle. A Conques, l'artiste a mis son travail au service de tous, croyants comme athées, afin que puisse opérer en eux cette expérience de la lumière qui est la base de son Œuvre.

La discussion dérive ensuite vers un sujet toujours d'actualité : celui de l'incursion dans des lieux patrimoniaux d'œuvres contemporaines. Pour les vitraux de Pierre Soulages à Conques ou bien plus récemment pour les propositions de Jeff Koons, Takaschi Murakami ou Guiseppe Penonne au château de Versailles, la mise au même plan d'œuvres d'art contemporain au sein de lieux patrimoniaux emblématiques a fait l'objet de nombreux débats. Cette incursion pose inévitablement la question de la prégnance du temps et de l'histoire sur celui de l'immédiateté et de la nouveauté de l'œuvre contemporaine et ne trouve semble-il jamais de réponse consensuelle. Avec ses vitraux, Pierre Soulages a mis en avant l'acte artistique comme une entité en constante continuité. En utilisant le patrimoine historique bâti comme un lieu vivant, d'expérimentation et de proposition artistique, il a réussi à faire de Conques un espace où se rencontrent en parfaite harmonie l'Art d'aujourd'hui et d'hier.