François BAYLE, Extra-Ordinaire

03 décembre 2005
04m 26s
Réf. 00363

Notice

Résumé :

Il y a quelque chose d'excitant qui perce l'horizon, prépare à d'autres rivages, appelle l'immense ou l'impensé et engage l'émotion exclamative, à son simple énoncé. Simplement, le mot extraordinaire est à prendre dans le sens du dictionnaire comme ce qui n'est pas ordinaire, habituel, et qui se situe à la croisée de l'ordinaire du réel avec l'extra, l'inattendu, l'étrange.

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Date de diffusion :
03 décembre 2005
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Éclairage

Durée Totale 37'

"Voilà bien un mot "vernien"!

S'agirait-il d'un "au-delà" des choses, des forces, de l'espace, exploré ou exprimé jusqu'à leur limite extrême ?

Ou peut-être aussi bien d'une qualité humaine, une capacité du désir d'aller jusqu'au bout du monde, du courage, de l'espoir ?

Il y a quelque chose d'excitant qui perce l'horizon, prépare à d'autres rivages, appelle l'immense ou l'impensé et engage l'émotion exclamative, à son simple énoncé.

Simplement, le mot extraordinaire est à prendre dans le sens du dictionnaire comme ce qui n'est pas ordinaire, habituel, et qui se situe à la croisée de l'ordinaire du réel avec l'extra, l'inattendu, l'étrange.

L'extraordinaire est un état métastable, propice à l'apparition des singularités, des métamorphoses, d'effets nouveaux et d'aventures. Thème privilégié, avec celui du voyage, qu'exalta – on le sait – Jules Verne, lequel – on le sait aussi – entraînera toute la jeunesse du XXe siècle dans les péripéties et inventions de ses héros, qui figurent désormais au Panthéon des classiques du genre.

Un autre thème vernien, celui de l'espace.

Mais (à lire une belle analyse thématique due à Daniel Compère – Pocket 2005) "s'il est extraordinaire lui aussi, c'est aussi par les moyens de transport utilisés : ballon, obus, sous-marin, radeau, glaçon, etc. Ou, plus étrange encore que le Nautilus du capitaine Nemo (et sa célèbre devise Mobilis in mobile), l'Albatros, navire volant de Robur-le-Conquérant, Standard Island, l'île artificielle pour les milliardaires de l'Ile à hélice, l'avion-automobile-sous-marin de Maître du monde..."

À mon tour jeune aventurier dans l'espace des sons – cet ultra-monde – ces images fondatrices m'auront accompagné, mobilisé. Inconsciemment, elles ont influencé, guidé mes premières conduites d'écoute. Ainsi des rebonds d'échos et des durs accents de machines détraquées de l'Hommage à Robur, dans mes Espaces inhabitables de 1969.

Plus tard, avec le Voyage au centre de la tête (1981) c'est encore à de précis détails hors de l'ordinaire que je devais l'inspiration de ce tissu moiré traversé d'images au climat surréel (souvenance d'une "mer intérieure" et sa lumière cendrée au Centre de la Terre !).

(Je dédiai ce morceau à P. Henry, I. Xenakis et P. Schaeffer pour son 70e anniversaire, à l'occasion peu ordinaire d'un concert de l'Union européenne relayé sur 35 pays !).

Et, quelques années après, répondant à l'invitation de l'ACR (Atelier de création radiophonique de France-Culture), j'imaginai d'incruster, dans la trame de ce Voyage, des voix amies : celles de K. Stockhausen, B. Noël, R. Farabet lisant H. Michaux... tous, il est vrai, "étonnants voyageurs" !

Alors pourquoi pas (en poussant légèrement l'extraordinaire) reprendre, poursuivre cette vernienne "conversation dans un obus", celui-ci non plus pointé sur la Lune, mais cette fois vers le centre de notre écoute ?

Réunir en un bouquet ces moments d'expérience, m'aura tenté pour l'exercice dangereux des références croisées qui vont s'échanger, jusqu'à entraver parfois l'écoute musicale, faire surgir l'intuition multiforme.

Provoquer l'éclair.

Dans l'espoir que le risque du mot-titre en soit aussi le paratonnerre ?"

(F. Bayle)