Philippe MION, L’image éconduite (1983) (AKOUSMA)

20 janvier 2017
12m 22s
Réf. 01102

Notice

Résumé :
Reportage consacré au compositeur Philippe MION, à l’occasion de la diffusion de sa pièce L’image éconduite, d’après le texte Apparitions-Disparitions extrait du recueil Moments d’Henri Michaux, vendredi 20 janvier 2017 à la MPAA (Maison des Pratiques Artistiques Amateurs) Saint-Germain à Paris dans le cadre des concerts AKOUSMA de l’INA grm.
Un court entretien est suivi d’un extrait de la pièce.
Type de média :
Date de diffusion :
20 janvier 2017
Personnalité(s) :
Autres lieux :

Éclairage

BIOGRAPHIE :

Philippe MION

Né en 1956.

J’ai été nourri au lait de la musique concrète. La rencontre de Pierre Schaeffer et du Groupe de Recherches Musicales, auquel j’ai collaboré durant quelques années, a été déterminante dans
mes orientations de compositeur.

Je mène depuis maintenant près de 35 ans un chemin broussailleux et continu de compositeur qui m’étonne encore moi-même.

J’enseigne au conservatoire de Vitry-sur-Seine (composition acousmatique) et au conservatoire de Mons en Belgique (analyse et composition acousmatique).

Parmi mes compositions, des œuvres acousmatiques, des œuvres «mixtes » (mélangeant de diverses manières électroacoustique et instruments ou voix), des œuvres instrumentales ou vocales, deux opéras et plusieurs ouvrages de théâtre musical.

Œuvres éditées :

L’image éconduite (Vinyl. Ina GRM)
Confidence (Métamkine)
Soupçon-délice (Ina GRM)
Léone. Opéra (Empreintes digitales)
Loulou & Pierrot-la-Lune et les drôles de sons (Ed. Gallimard-jeunesse)
8 courtes pièces pour enfant. « Toute Ouie ».
Jeux d’écoute. (Ed Nathan)
Si c’était du jour. Des jambes de femmes tout le temps. Statue. (Coll. Ina GRM)
L’image éconduite et Je joue pour faire
de la fumée. D’après Henri Michaux. (éOle records / Ina GRM)
Tissé par mille. Avec Camille Laurens. (Coll. À voix haute. Ed. Gallimard)


NOTICE DE L’ŒUVRE :

L’IMAGE ÉCONDUITE

1983 - 57’

Oratorio électroacoustique, d’après Henri Michaux, Apparitions-Disparitions extrait de Moments.
Éditions Gallimard - 1984
Commande 1983 de l’Ina GRM
Voix : Marin de Charette
Création : Paris. Maison de Radio-France. 1984.
Cycle Acousmatique Radio-France / Ina GRM
Support stéréophonique

L’Œuvre entière d’Henri Michaux est habitée d’une quête de savoir.

Michaux écrit pour se rencontrer et de cette rencontre, il fait état, à la fois avec modestie, humilité et avec une grande exigence expressive, une justesse poétique. Ainsi l’œuvre d’Henri Michaux peut s’apparenter à un seul témoignage de lui-même, le plus sincère, exact et précis possible poétiquement, à la fois immensément singulier et accédant à l’universel. Son exploration, bien connue, des psychotropes, qui revêt un caractère presque systématique, s’inscrit dans ce désir de savoir.

En 1983 j’ai composé cet ouvrage d’après le texte Apparitions-Disparitions extrait du recueil Moments édité chez Gallimard. Apparitions-Disparitions, qui appartient à ces textes nourris de l’exploration des psychotropes, s’apparente à un voyage intérieur, à une épreuve quasi initiatique. Il m’avait semblé alors que les figures et les diverses opérations de la composition
acousmatique, perceptibles en tant que telles, pouvaient proposer autant d’équivalences, de métaphores des phénomènes sensitifs et mentaux que Michaux évoque dans ce texte.

Apparitions et disparitions sont de toute évidence un ressort compositionnel fondamental de cet art musical. Au-delà de l’identité, si étrange par rapport à la culture musicale traditionnelle, des êtres sonores qui surgissent et en animent le continuum, j’ai naturellement été conduit à composer saisies, déplacements, décontextualisations, effondrements,
multiplications profuses, mais aussi diverses transformations, altérations, métamorphoses parfois incongrues voire monstrueuses et encore accélérations, tourbillons vertigineux,
ou alourdissements colossaux, lenteurs excessives...

S’il est vrai qu’une voix, en particulier enregistrée, a toujours une forme de théâtralité, je n’envisageais absolument pas pour cet ouvrage de “théâtre” au sens d’une extériorisation
tant soit peu démonstrative. Au contraire je voulais de la retenue, de l’intériorité, un ton de cérémonie.

La voix chaudement timbrée de Marin de Charrette me convenait bien ainsi que les intonations volontairement de convention “radiophonique” que je lui demandais, à la fois quasi religieuses et intimes...

Dans le texte le sujet n’a pas toujours la même place ni le même rôle. En tant que narrateur, il témoigne de ce qui lui arrive, mais il s’observe aussi et atteste de cette distanciation.

J’ai cherché à répondre à ces différents niveaux de conscience du sujet par rapport à lui-même en articulant des types d’écoute variés. Ainsi les idées musicales se distinguent comme appartenant presque à des genres différents de composition électroacoustique. D’une part, des moments “plastiques” où l’on mise sur une écoute “immergée,” avec des sensations presque physiologiques et d’autre part, des moments plus ouvragés où l’écriture se donne aussi à penser abstraitement.

Ce jeu de proximité entre l’auditeur et l’objet musical tente de répondre à celui qui s’établit entre le sujet et le récit, le lecteur et l’écrit.

Il y a aussi dans L’Image éconduite une volonté de lier le sens au musical de façon absolument permanente. Les relations symboliques s’établissent continuellement et à plusieurs niveaux ; parfois en détail, termes à termes (à un mot répond un événement musical), parfois plus souplement entre les idées musicales, les principes d’écriture et le sens. À chacun de lire ces relations. L’auditeur ne les remarquera peut-être pas toutes, en découvrira d’autres dont je ne suis pas forcément conscient...

L’intuition originelle du projet de L’Image éconduite tient aussi à cette préoccupation de “l’image” si présente dans cet art musical constitué de phénomènes sonores fixés, enregistrés, d’images de son en quelque sorte. S’établit donc une palette variée et subtile de reconnaissances, allant du mystère absolu de l’origine, confinant à l’abstraction, la pensée abstraite, à l’identification explicite, l’image absolue pourrait-on dire ; L’Image éconduite déploie donc un nuancier plutôt varié de reconnaissances mais un unique élément est pour moi une “image
absolue”. Il s’agit d’une image de présence... On ne sait pas exactement ce que c’est mais il ne fait aucun doute qu’il y a quelqu’un ici, proche ; peut-être le narrateur lui-même comme la fin le suggère, ou « cet homme... ...brusquement là... » En tout cas, cela parle d’un espace clos, d’une chambre (la fameuse “chambre” récurrente chez Michaux) et d’intimité. Voilà donc cette image qu’il faudrait éconduire, évincer, pour accéder à de l’abstrait, de la pensée.

L’idée originelle du projet de L’image éconduite tient dans cette dialectique. Mais elle n’est pas non plus mise en scène de manière idéologiquement rigoureuse j’ai cherché plutôt à en distiller continuellement l’idée avec souplesse et poésie. Le titre est extrait de la phrase du texte « La pensée, c’est une image éconduite... ».

Techniquement le parcours de fabrication a été un peu compliqué.

Réalisée dans les studios du Grm, la composition est quasi intégralement de type analogique, soit sur bande magnétique.

J’ai pu cependant bénéficier des traitements numériques du tout jeune studio 123 du Grm, les merveilleux algorithmes de transformation conçus par l’ingénieur Bénédict Maillard et qui permettaient d’écrire des transformations dans la durée, de composer des séquences par transformation.

J’ai globalement réalisé une première version sur un magnétophone 16 pistes dont le mixage a abouti à une version stéréophonique d’une heure et demie. À l’occasion de l’édition vinyle que m’a proposée le Grm en 1987, j’ai tiré, de cette version, sans revenir au master 16 pistes, une seconde version stéréophonique, de 70 minutes. Après un léger “lifting”, nettoyage, et quelques modifications, c’est cette version qui est proposée aujourd’hui.

En octobre dernier L’Image éconduite est parue en CD couplée avec un second oratorio lui aussi d’après un texte de Henri Michaux.

L’Image éconduite/Je joue pour faire de la fumée. Collection éOle Records en coproduction avec l’Ina GRM.