Critique du régime des partis

21 octobre 1950
03m 53s
Réf. 00322

Notice

Résumé :

Devant la montée des menaces sur la paix et l'instabilité gouvernementale, à l'occasion d'une session du Conseil national du RPF, le général de Gaulle insiste sur la nécessité pour la France de demeurer maîtresse de sa défense, et stigmatisant l'impuissance du régime, à la merci des partis, il incite les Français à le suivre.

Type de média :
Date de diffusion :
21 octobre 1950
Type de parole :

Éclairage

Les tensions internationales dans le contexte de Guerre froide ont connu un paroxysme au cours de l'année 1950 avec le début de la guerre de Corée en juin. L'ONU - en l'absence de l'URSS qui ne siège plus pour protester contre le maintien du siège à la Chine nationaliste - vote des sanctions et la constitution d'une force internationale, essentiellement américaine. A l'intervention des Etats-Unis réplique celle de la Chine à compter du 16 octobre. La peur d'une troisième guerre mondiale est forte. Dans la guerre qu'elle mène en Indochine depuis 1946, la France connaît des revers multiples en octobre 1950 (abandon de Cao Bang, évacuation de Lang Son) mais peut compter désormais sur un engagement financier croissant des Etats-Unis, dans le cadre de "l'endiguement" du communisme.

En France se développent un atlantisme et un anticommunisme vigoureux qui se traduisent par un double combat politique, contre l'URSS à l'extérieur et contre le PCF à l'intérieur. Le discours gaulliste s'inscrit dans ce combat mais il est dépassé, sur sa droite, par le mouvement Paix et Liberté, fondé par le député Jean-Paul David, qui se caractérise, selon l'expression de l'historien Eric Duhamel par son "anticommunisme radical". Le contexte international tendu suscite, sous impulsion américaine, une accélération de la construction d'une défense européenne. Le président du Conseil René Pleven prépare un projet d' "armée européenne", inspiré par Jean Monnet. Le 19 octobre, à l'Assemblée, Pierre Mendès France fait une intervention remarquée où il déclare qu'il faut faire un choix entre la défense de l'Europe et celle de l'Indochine. Pleven présente cinq jours après le discours du général de Gaulle, le 26 octobre, son projet de Communauté européenne de défense (CED).

Dans ces circonstances, face à un régime qu'il qualifie de "mauvais", de Gaulle offre ses services : "je suis prêt à assumer la charge du pouvoir" et en appelle au "rassemblement". Le combat politique entre dans une phase cruciale car les élections, tant attendues par le RPF, sont prévues pour le printemps 1951 et les gaullistes ont déjà commencé leur préparation.

Bibliographie :

Georges-Henri Soutou, La guerre de Cinquante Ans. Les relations Est-Ouest 1943-1990, Paris, Fayard, 2001.

Bernard Lachaise

Transcription

Charles de Gaulle
Au moment où la France s'engage dans une série d'épreuves et d'événements graves, je m'adresse, il est temps encore, aux actuels occupants de la République pour leur dire tout haut et sans passion : " Votre régime est mauvais ". Déjà, en 1940, il nous avait conduit à l'abîme. Et il fut, lui-même, balayé par la tourmente. C'est sans lui - et pour cause !- que la France fut tirée d'affaire. Après la victoire, vous avez refait ce système-là, pire encore qu'autrefois. Quoi que j'aie pu vous crier, vous n'avez pas voulu comprendre qu'avec l'ébranlement général, les bouleversements économiques, sociaux, moraux, l'effondrement de l'Europe, l'ascension américaine, les grandes marées qui remuent l'Asie, l'éveil des peuples d'Afrique, et, par-dessus tout, l'ambition fatale des Soviets avec, au milieu de nous-mêmes, ses prolongements séparatistes, vous n'avez pas voulu comprendre qu'avec tout cela, la France, en péril, ne pouvait pas se passer d'un Etat juste et fort. Vous avez refait, malgré moi, et en abusant le peuple, un système qui, dans notre siècle, n'est et ne peut être qu'une scène de contradiction sur un théâtre d'impuissance. Peut-être voudrez-vous le reconnaître et agir en conséquence, avant qu'il ne soit trop tard ? Mais prenez garde ! Parce que le drame est là, de nouveau. Et à mesure qu'il se précise, malgré votre agence, votre radio, vos journaux complices, tous les projecteurs du monde vont se porter sur vos responsabilités.
(Applaudissements)
Charles de Gaulle
Et bien moi, je prends les miennes. Pour aujourd'hui et pour demain, la nation sait qu'à tout moment, je suis prêt à assumer la charge du pouvoir...
(Applaudissements)
Charles de Gaulle
à assumer la charge du pouvoir avec l'appui de tous ceux qui voudront m'y aider.