L'Homme qui, de Peter Brook, au TNP de Villeurbanne

29 septembre 1993
02m 32s
Réf. 00030

Notice

Résumé :

En 1993, Peter Brook présente au TNP de Villeurbanne L'Homme qui, un spectacle adapté du livre du neurologue Oliver Sacks intitulé L'Homme qui prenait sa femme pour un chapeau. Le metteur en scène propose une recherche théâtrale s'inspirant de l'étude de patients atteints de troubles neuropsychologiques. Extraits du spectacle et interview de l'auteur-metteur en scène.

Date de diffusion :
29 septembre 1993
Source :
Fiche CNT :

Éclairage

En 1993, Peter Brook présente au TNP de Villeurbanne L'Homme qui. Le metteur en scène a adapté, en compagnie de Marie-Hélène Estienne, l'ouvrage du neurologue britannique Oliver Sacks publié en 1985 et intitulé L'Homme qui prenait sa femme pour un chapeau. Cet essai rassemble, sur le mode du récit, des observations sur des patients atteints de troubles neuropsychologiques à la suite d'une maladie, d'un accident ou d'un traumatisme. Son titre s'inspire du cas d'un patient présentant une agnosie visuelle l'empêchant de nommer et d'identifier des objets, des visages ou des formes, tel le visage de sa femme.

Le Journal de France 3 Rhône Alpes du 29 septembre 1993 revient sur l'élaboration de la pièce qui a été présentée la même année aux Bouffes du Nord avant de partir en tournée. Outre le travail d'adaptation du texte, le metteur en scène a rencontré, avec les comédiens, des malades au sein de différents hôpitaux. La préparation du spectacle, qui dura plusieurs mois, a consisté en un long travail collectif d'observation et d'improvisation. L'œuvre représentée en public est ainsi toujours en recherche et en construction. La scénographie reprend le dispositif de l'« espace vide » recherché par l'artiste britannique. Le décor comprend seulement une table, des chaises et deux écrans de télévision. La musique est interprétée en direct par Mahmoud Tabrizi-Zadeh. Quatre acteurs jouent alternativement malades et médecins. Il s'agit de David Bennent, Maurice Bénichou, Sotigui Kouyaté et Yoshi Oïda, ces trois derniers ayant déjà travaillé à de nombreuses reprises avec le metteur en scène. A partir d'un texte non-théâtral, les comédiens jouent avec les codes de la théâtralité. Le passage du personnage de « médecin » à celui de « patient » s'opère à la faveur d'une blouse léguée au partenaire de jeu. Un des extraits diffusés lors du reportage porte sur le cas d'un patient incapable de percevoir la partie gauche de son corps. Pour lui faire comprendre le mal dont il souffre, le personnage-médecin fait appel à l'équipement vidéo qui reflète, pour l'individu et la communauté, la trace concrète de la pathologie.

Prenant la forme d'une observation clinique, la mise en scène essaie de traduire non seulement l'expression d'une communication défaillante entre le corps et le cerveau mais aussi les conséquences de ces symptômes sur la relation qu'entretient le sujet avec l'environnement. La recherche de Peter Brook consiste à interpréter, à partir du jeu théâtral, la complexité de ces dérèglements intérieurs et la façon dont ils transforment, chez le malade, la perception du monde extérieur. Elle trouve dans l'étude de ces patients une énigme propre à interroger la scène et les spectateurs. Refusant de porter tout jugement, elle compose un spectacle drôle et tragique.

En 1998, Peter Brook mettra en scène un autre spectacle qu'il inscrira dans la continuité de L'Homme qui : Je suis un phénomène, adapté d'une étude de cas rapportée par le neurologue Alexandre Luria.

Marie-Isabelle Boula de Mareuil

Transcription

Journaliste
Eternel voyageur autour du monde, Peter Brook pose ses valises pour la troisième fois en douze ans à Lyon. Et dedans, plus question d’histoires millénaires comme le Mahabharata, pas d’une pièce non plus mais d’une recherche théâtrale qui nous renvoie à notre monde intérieur, tiré du best-seller du neurologue Oliver Sacks, L’Homme qui prenait sa femme pour un chapeau. Après des mois passés avec ses comédiens dans les hôpitaux à explorer L’Homme Qui. Peter Brook dissèque sans fioriture la souffrance de celui qui subit le dérèglement de cet instrument si proche et si inconnu, le cerveau.
Peter Brook
Le cerveau ce n’est pas tout simplement comme la cervelle qu’on mange dans les restaurants ; c’est le support même de toutes les images, de toutes les images les plus extraordinaires et quelqu’un qui est touché par une maladie à l’intérieur de son cerveau, traverse des paysages beaucoup plus extraordinaires, plus effrayants, plus durs et parfois plus rayonnants que tout ce qu’on trouve dans le monde extérieur.
Comédien 1
Vous voulez bien vous raser ? Tournez-vous dans le miroir. Vous n’avez rien oublié ?
Comédien 2
Arrêtez ça, arrêtez s’il vous plaît.
Peter Brook
C’est un travail qui a pris des mois, des mois et des mois. A l’intérieur du théâtre on essaie de partager ça par une forme très concentrée pour que des gens qui viennent de l’extérieur puissent nous rejoindre dans cette recherche passionnante, pendant une heure et demie.
Journaliste
Quatre comédiens seulement dont David Bennent, l’inoubliable tambour du film de Schlöndorff, interprète tout à tour médecin et malade.
Comédien 1
J’ai mangé trois tartines et parce que j’ai douze ans, j’ai mangé douze grains de raisin. Vous, vous mangez combien de grains de raisin ?
Comédien 2
170.
Comédien 1
Il a donc 170 ans ?
Comédien 3
Peut-être.