Matthias Langhoff à propos de La Cerisaie

28 février 1995
02m 53s
Réf. 00056

Notice

Résumé :

En 1981, Matthias Langhoff met en scène, avec Manfred Karge, La Cerisaie (1904) d'Anton Tchekhov au Schauspielhaus de Böchum (RFA). Au cours d'un entretien, Matthias Langhoff revient sur la trivialité et l'exigence du théâtre de Tchekhov et sur l'importance du comique dans cette dramaturgie qu'il rapproche du théâtre de boulevard. Les extraits du spectacle correspondent au début du deuxième acte.

Date de diffusion :
28 février 1995

Éclairage

Né en 1860 et mort en 1904, Anton Tchekhov était un nouvelliste et dramaturge russe. Il est l'auteur d'une quinzaine de pièces. Son œuvre doit beaucoup à sa collaboration avec Constantin Stanislavski, metteur en scène et co-directeur du Théâtre d'Art de Moscou.

En 1981, Matthias Langhoff met en scène, avec Manfred Karge, La Cerisaie (1904) de Tchekhov au Schauspielhaus de Böchum (RFA). La scénographie est conçue par Vincent Callara. Les extraits présentés correspondent au début du deuxième acte. Ils font intervenir Charlotta, gouvernante, Epikhodov, le comptable de la cerisaie et Douniacha, femme de chambre. Une toile de fond représente un paysage champêtre traversé par une voie ferrée. Le décor comprend également (hors-champ) des miroirs latéraux reflétant les personnages au milieu du paysage. Les maquillages, les costumes et la gestuelle des acteurs soulignent le caractère grotesque des figures tchekhoviennes. Le dialogue traduit la façon dont chaque protagoniste est isolé à l'intérieur de son propre discours : Charlotta déplore être seule et n'avoir personne à qui parler tandis que d'autres personnages se tiennent à ses côtés. Au cours de l'entretien, le metteur en scène rappelle l'importance du trivial dans cette dramaturgie. Au-delà du réalisme, Tchekhov s'efforce de ne jamais prendre parti en faveur de l'un ou l'autre de ses personnages. Il s'attache à dresser un portrait de l'homme au sein d'une société prise entre deux époques. Associant la pièce au théâtre de boulevard, Matthias Langhoff met en avant la part de l'humour dans une œuvre définie par son auteur comme une comédie. L'exigence des situations témoigne toutefois de la complexité d'une dramaturgie qui dépasse les questions de genre. Stanislavski lui-même ne perçut pas, lorsqu'il mit en scène La Cerisaie en 1904 au Théâtre d'Art de Moscou, l'ambivalence du texte. Dès les répétitions apparurent ainsi de vives dissensions entre le metteur en scène et le dramaturge russes, le premier privilégiant les conflits sentimentaux à l'élan comique revendiqué par le second.

En 1984, la mise en scène fut reprise en français et représentée notamment à la Comédie de Genève et au TNP Villeurbanne.

Marie-Isabelle Boula de Mareuil

Transcription

(Musique)
Comédienne 1
Je n'ai pas de vrai passeport, je ne connais pas mon âge et je me sens toujours très jeune.
(Musique)
Comédienne 1
Quand j'étais petite papa et maman allaient dans toutes les foires et donnaient des spectacles très bons. Moi je faisais le salto mortale et d'autres tours. Quand papa et maman sont morts une dame allemande m'a prise chez elle et m'a éduquée.
(Musique)
Comédienne 1
C'était bien. J'ai grandi, je suis devenue gouvernante. Mais d'où je viens... qui je suis... je ne sais pas... Qui étaient mes parents ? Peut-être ils n'étaient même pas mariés. Je ne sais pas.
Matthias Langhoff
L’intelligence, cette énorme intelligence de ces textes sans faire le discours intelligent. Ça veut dire ce phénomène de parler vraiment de quelque chose avec une énorme intelligence, avec les phrases qui sont toutes banales. Presque des phrases qui ne veulent rien dire. Ça, ça je trouve une des grandes génialités de Tchekhov. C'est-à-dire c'est le même résultat, au contraire de Shakespeare. C’est-à-dire que c’est comme l’autre côté d’une médaille.
(Musique)
Comédienne 1
Je voudrais tellement parler à quelqu'un, mais il n'y a personne... Je n'ai personne...
Comédien
Que m'importe le bruit du monde. Les amis et les ennemis... C'est agréable de jouer de la mandoline.
Comédienne 2
C'est une guitare, ce n'est pas une mandoline.
Comédien
Pour l'insensé qui est pris d'amour, c'est une mandoline.
Matthias Langhoff
Moi, je m'intéressais toujours à Tchekhov, ce moment de boulevard. C’est le moment qui je crois qui existe vraiment dans le texte, le boulevard pas bête comme une vraie intelligence dedans qui, je crois, qui était curieusement aussi existante dans les créations de Stanislavski.