L'Ecole des femmes de Molière, mis en scène par Antoine Vitez au CDN du Nord

23 mai 1979
02m 56s
Réf. 00288

Notice

Résumé :

Des extraits de l'acte II scène 5 du spectacle alternent avec des interviews du metteur en scène Antoine Vitez, qui met l'accent sur le caractère sentimental des quatre pièces de Molière mises en scène et rappelle le lien indissociable de la modernité à la tradition, et de Gildas Bourdet, directeur du Centre Dramatique National du Nord, qui vante la fécondité artistique de Vitez.

Date de diffusion :
23 mai 1979
Source :
Fiche CNT :

Éclairage

Avec Tartuffe, Le Misanthrope, Dom Juan et L'Ecole des femmes, Antoine Vitez réunit les quatre « grandes comédies » de Molière, celles qu'il considère comme la clé de voûte de son œuvre. Trois d'entre elles sont en vers et présentent un registre et un lexique qui les rapprochent en dignité de la tragédie ; si la quatrième, Dom Juan, est en prose, elle comporte cependant des personnages nobles et des enjeux sérieux qui rappellent la comédie héroïque. Ainsi, lorsqu'il met en scène ces quatre pièces dans un même cycle, Antoine Vitez s'intéresse à un Molière grave, sondeur de l'âme humaine, voire métaphysicien, et n'hésite pas à reléguer au second plan ses visées comiques au profit d'une méditation sur la religion, le mariage ou la société des hommes. L'articulation des quatre pièces en un « cycle Molière » a pour intérêt de les éclairer les unes par les autres, par des effets d'écho : on voit ainsi que Tartuffe et Dom Juan sont frères d'hypocrisie en religion, et qu'Alceste et Arnolphe se débattent tous deux dans les tyrannies de l'amour malheureux. Pour mieux faire apparaître ces rapprochements, Vitez a réuni une douzaine de jeunes comédiens jouant chacun dans les quatre pièces, répétées simultanément, avec un même décor extrêmement sobre pouvant figurer tant l'intérieur que l'extérieur, ainsi que deux chaises, une table, des flambeaux et un bâton. Par ce dispositif de jeu minimaliste, il s'agit pour Vitez de réaffirmer le primat du jeu d'acteur et de la théâtralité.

Dans sa mise en scène de L'Ecole des femmes, Vitez prend le contrepied de la vulgate traditionnelle : à l'inverse de son emploi traditionnel d'ingénue, Agnès (Dominique Valadié) a le diable au corps et sollicite Arnolphe, qui la repousse ; Arnolphe (Didier Sandre) est quant à lui un dictateur domestique froid et sec, mais qui laisse quelquefois transparaître l'émotion et la spontanéité, et finit la pièce en suppliant qu'on l'aime. Le Misanthrope apparaîtra alors comme une suite lointaine, une continuation de cette histoire d'amour manquée.

Céline Candiard

Transcription

Journaliste
Après avoir montré avec attention au travail ce qu’il y a peut-être de mieux dans le théâtre d’aujourd’hui, le théâtre de la Salamandre propose jusqu’à la fin de la semaine à Tourcoing ce qu’il y a de mieux dans le théâtre de toujours, Molière. C’est Antoine Vitez, une des figures dominantes de l’action culturelle qui a signé la mise en scène de quatre des plus grands chefs-d’œuvre du géniteur du théâtre français dont L’école des femmes que l’on voit ici joué par les comédiens du théâtre des quartiers d’Ivry.
Didier Sandre
La promenade est belle.
Dominique Valadié
Fort belle.
Didier Sandre
Le bon jour.
Dominique Valadié
Fort beau !
Didier Sandre
Quelle nouvelle ?
Dominique Valadié
Le petit chat est mort.
Didier Sandre
C’est dommage, mais quoi, nous sommes tous mortels et chacun est pour soi.
Antoine Vitez
Par rapport à certaines mises en scène qui ont eu lieu dans les temps derniers des pièces de Molière, il me semble que j’aurais peut-être plus mis l’accent sur le caractère sentimental du théâtre de Molière ; sur le caractère de grandes pièces d’amour qu’il y a dans les théâtres de Molière. Il me semble que ce sont des pièces qui sont entièrement fondées sur les relations amoureuses.
Didier Sandre
... qu’un jeune homme inconnu était à mon absence à la maison venu. Que vous aviez souffert sa vue et ses harangues. Mais je n’ai point pris foi à ces méchantes langues. Et j’ai voulu gager que c’était…
Dominique Valadié
Mon Dieu, ne gagez pas. Vous perdriez vraiment.
Didier Sandre
Quoi, c’est la vérité qu’un homme…
Dominique Valadié
Chose sûre il n’a presque bougé de chez nous, je vous jure.
Antoine Vitez
On fait pas des choses nouvelles finalement mais on compose autrement ce kaléidoscope perpétuel qu’est le travail sur le passé.
Gildas Bourdet
Je crois qu’Antoine est certainement un des metteurs en scène qui fécondent le plus la démarche théâtrale contemporaine. J’en veux pour preuve que son travail nous a servi de référence par exemple pour Martin Eden.
Antoine Vitez
La relation avec le texte ancien ou la musique ancienne, notre époque et notre temps à nous change naturellement aussi donc on dit sans le vouloir et en le voulant un certain nombre d’autres choses.
Journaliste
Les quatre Molière de Vitez seront joués une dernière fois cette semaine au théâtre municipal de Tourcoing. Après L’Ecole des femmes mercredi, ce sera Le Tartuffe jeudi soir puis vendredi Dom Juan et samedi pour finir Le Misanthrope.
Dominique Valadié
Soudain, il me refait une autre révérence, moi j’en refais de même une autre en diligence. Et lui d’une troisième aussitôt repartant. D’une troisième aussi, j’y repars à l’instant. Il passe, vient, repasse, et toujours de plus belle, me fait à chaque fois révérence nouvelle.