Situation financière du théâtre privé de création

12 juillet 1981
03m 12s
Réf. 00435

Notice

Résumé :

Reportage sur la situation financière du théâtre privé, en particulier celui de création dans lequel ont exercé Copeau, Dullin ou Jouvet, et entretien de Georges Herbert sur les aides au théâtre privé et sa diffusion en province.

Date de diffusion :
12 juillet 1981
Source :
TF1 (Collection: Comment )

Éclairage

La singularité du secteur théâtral privé en France se fonde en partie sur le volet de la création et de la production, contrairement aux autres pays, où il est essentiellement voué à l'accueil de spectacles. Cette caractéristique explique sans doute que le théâtre privé est davantage fragilisé dans sa logique commerciale. Contrairement à l'idée reçue qui prétend que le théâtre privé ne vivrait que de ses recettes, ce dernier reçoit le soutien indirect de l'Etat de manière de plus en plus prégnante. Face à la crise traversée par le secteur privé dans les années 1970, consubstantielle de l'accroissement des coûts et du vieillissement des équipements, l'intervention de l'Etat s'impose. En 1964, un fonds de soutien est mis en place, alimenté par une taxe parafiscale et par des subventions de plus en plus importantes du Ministère de la Culture et de la Ville de Paris. Cette association qui permet de soutenir les spectacles déficitaires a permis au secteur privé de retrouver une relative stabilité : « Interlocuteur privilégié des pouvoirs publics et des partenaires sociaux, l'association joue un rôle fondamental dans la survie de nombreuses salles parisiennes et s'est efforcée d'adapter ses apports à l'évolution de la situation des salles et de ses moyens financiers » [1]. Elle a ainsi permis à des directeurs de rénover leur salle, d'augmenter le nombre des représentations et de toujours produire de nouvelles pièces.

Cette relative bonne santé du théâtre parisien nécessite d'être nuancée. En effet, l'augmentation exponentielle du coût des spectacles, tout comme le nombre considérable de salles qui induit une offre pléthorique de spectacles sont des facteurs que le secteur doit prendre en compte. Si la ligne de démarcation entre théâtre privé et théâtre public n'est plus toujours aussi franche, par le biais des subventions, le va-et-vient des acteurs, il n'en demeure pas moins que si « l'augmentation de l'aide de l'Etat se poursuit, le système de répartition du fonds de soutien, fondé sur les seuls résultats économiques des théâtres, à l'exclusion de tout critère artistique, se trouvera probablement infléchi. » [2]

[1] Geneviève Latour et Florence Claval, Les Théâtres de Paris, Délégation à l'Action artistique de la ville de Paris, Bibliothèque historique de la ville Paris, Association de la Régie théâtrale, 1991, p. 19.

[2] « Théâtre privé » in Michel Corvin (sld), Dictionnaire encyclopédique du théâtre à travers le monde, Paris, Bordas, 2008, p. 1113.

Marie-Aude Hemmerlé

Transcription

Journaliste
A Paris, le théâtre privé c’est aussi une politique de création dans la tradition de Jouvet, Baty, Copeau, Dullin et Lugné-Poë. Pour améliorer l’équipement et atténuer les risques de la production, il a fallu créer le fonds de soutien. Caisse de solidarité que les théâtres privés alimentent en payant sur leurs recettes une taxe parafiscale à laquelle s’ajoute une aide publique de l’Etat et de la ville de Paris. Il y a une espèce de litanie qui revient dans les propos tenus par les gens du théâtre c’est une notion malgré tout de crise économique.
Georges Herbert
Et bien c’est effectivement un grave problème et quand on parle de crise du théâtre, je ne crois pas du tout qu’il y ait crise de fréquentation du public et que les spectateurs actuels apprécient moins le théâtre qu’ils l’appréciaient avant la dernière guerre. Mais le prix de revient d’un spectacle a augmenté dans des proportions considérablement plus importantes que l’augmentation du prix des places. Nous avons fait récemment une étude qui nous avait été demandée par la société des auteurs, pour comparer sur 10 ans la progression des prix de revient et du prix des places. Il faut actuellement avoir deux ou trois fois, quelquefois quatre fois plus de spectateurs que l’on en avait à l’époque à égalité de prix de place pour qu’un spectacle soit rentable.
Journaliste
Hors de Paris que trouve-t-on. D’abord, les tournées bien connues qui mettent pour quelques soirs par an, la province à l’heure de la capitale.
Georges Herbert
Dans toutes les grandes villes de province, et en ce qui nous concerne en tout cas, nos spectacles sont donnés dans le cadre d’un abonnement. Il est certain que ce que l’on attend de nous, c’est avant tout les grands succès parisiens récents.
Journaliste
C’est la renommée du succès parisien qui fait que la province est particulièrement séduite ?
Georges Herbert
D’une part la réputation du succès et surtout la présence d’une vedette commerciale très importante.
Journaliste
Est-ce que vous avez l’impression que le théâtre subventionné a retiré du public à des tournées comme les vôtres, ou que vous touchez un secteur du public différent ?
Georges Herbert
Ça dépend beaucoup du style de spectacle que montent les responsables du théâtre subventionné de chaque ville. Lorsque Hossein a dirigé le théâtre de Reims, enfin la maison de la culture de Reims, il a monté de bons vieux mélos d’une grande qualité puisque c’était signé Dostoïevski ou c’était signé Gorki ou c’était signé avec un luxe de mise en scène particulièrement attractif pour le public et à des prix évidement, puisque grâce aux subventions les théâtres subventionnés peuvent pratiquer des prix de place très différents de ceux du secteur privé, qui lui doit vivre uniquement avec ses recettes.
Journaliste
Absolument.
Georges Herbert
Et donc là, nous avons vu une partie importante de nos spectateurs, presque 30%, qui ont estimé que le spectacle de scène correspondait également tout à fait à leur goût ; et qui se sont dit, bon ben, puisqu’on peut avoir de merveilleux spectacles pour 15 ou 20 francs pourquoi aller en payer 60 ou 70 ?