Démolition du Cirque Medrano

25 novembre 1972
01m 01s
Réf. 00531

Notice

Résumé :

A l'angle du Boulevard Rochechouart et de la rue des Martyrs, le Cirque Medrano, devenu Cirque de Montmartre, emblématique de l'architecture circassienne du XIXe siècle, est livré aux démolisseurs. Une scène de désolation et de tristesse se joue au cœur même la piste encombrée des premiers gravats.

Date de diffusion :
25 novembre 1972
Source :
ORTF (Collection: JT 13H )
Thèmes :

Éclairage

En 1873, à l'angle de la rue des Martyrs et du Boulevard Rochechouart (Paris 9e), Ferdinand Constantin Beert, dit Fernando qui obtient « un bail de trente ans pour le terrain » [1] monte une toile, consolidée d'une palissade l'année suivante. Ce n'est qu'en 1875 que le cirque en dur, construit à la « sauvette » [2] par l'architecte Gustave Gridaine, impose sa piste de quatorze mètres dans une salle qui peut accueillir deux mille quatre-vingt places.

Auparavant, Louis Dejean qui avait installé un manège provisoire au Champs-Elysées (à l'époque, encore un jardin), en bordure du carré Marigny, est autorisé à construire un cirque à demeure. Ainsi, en 1840, l'architecte Jacques-Ignace Hittorf réalise le Cirque des Champs-Elysées. « Pour la première fois, le cirque, qui n'a pas de scène de théâtre, a une forme qui lui est désormais caractéristique. Le dispositif est une piste de 13,50 mètres de diamètre, entouré d'un amphi théâtre de quatre mille places et d'un déambulatoire » [3]. Les mêmes protagonistes conçoivent le Cirque d'Hiver, en 1852.

La capitale - mais également de nombreuses villes de « province » [4] - se dote, au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, de bâtiments à l'architecture similaire. Il en est ainsi du Cirque Fernando dont la direction est reprise, en 1928, par Jérôme Medrano, fils du clown Boum-Boum, Géronimo Medrano. « Il équipa son cirque d'un éclairage de music-hall ; il en remplaça les vieux sièges par des fauteuils de théâtre ; le rythme du spectacle fut accéléré. Peu suivirent son exemple et les "puristes" ne manquèrent pas de le critiquer... » [5] Le programme de qualité renouvelé tous les quinze jours fidélise la clientèle qui vient applaudir des artistes de toute l'Europe. Cependant, l'histoire particulière de la création de ce cirque et la concurrence avec le Cirque d'Hiver ont une conséquence néfaste. En 1943, le bail du terrain arrive à terme et J. Medrano n'a pas les moyens d'acquérir le terrain mis en vente. Les frères Bouglione (Alexandre, Joseph, Firmin et Sampion II) en deviennent propriétaires et refusent, en 1950, le renouvellement du bail (selon S. Bouglione, pour loyers impayés [6]). Après douze ans de conflit juridique, J. Medrano est contraint d'abandonner la partie. Ainsi, le 7 janvier 1963, a lieu la dernière soirée de gala du Cirque Medrano qui devient le Cirque de Montmartre et plus ou moins une annexe du Cirque d'Hiver, jusqu'à sa dernière représentation, le 8 janvier 1971. J. Medrano « se sent expulsé de sa maison » et beaucoup de parisiens déplorent ce départ. Avant, sa démolition, en 1972, Ariane Mnouchkine, un temps locataire, y présente plusieurs pièces et Federico Fellini y tourne quelques scènes du film Les Clowns (1971). Depuis, à sa place, a été érigé un immeuble de rapport.

Le Cirque Medrano a probablement été une des premières victimes du marasme économique qui a touché le cirque moderne en France.

[1] Christian Dupavillon, Architectures du cirque des origines à nos jours, Paris, Editons du Moniteur, 1982, réédition 2001, p. 113.

[2] Christian Dupavillon précise que « jamais aucune autorisation ne fut donnée aux plans déposés à la Préfecture de police et au Ministère de l'Instruction et des Beaux-Arts » (Ibid., p. 113-115)

[3] Ibid, p. 82.

[4] Subsistent et ont été restaurés le cirque d'Hiver à Paris, le cirque de Châlons-en-Champagne, le théâtre équestre d'Elbeuf, le manège de Reims, l'hippodrome de Douai, le cirque d'Amiens et celui de Troyes.

[5] Dominique Jando, « Le Cirque urbain », dans Les Lieus du cirque, dossier coordonné par pascal Jacob, Arts de la piste, n° 34, 2005, p. 18.

[6] Sampion Bouglione et Marjorie Aiolfi, Le Cirque d'Hiver, Paris, Flammarion, 2002, p. 191.

Martine Maleval

Transcription

Présentateur
Beaucoup se souviennent, à deux pas de la Place Pigalle, les grandes heures du cirque Medrano. Plus de dompteurs, plus de clowns, plus d’acrobates qui font frémir la foule. Le cirque Médrano est maintenant livré à la pioche des démolisseurs.
Journaliste
On le savait, à Paris, le cirque ne fait plus recette. Il fallut pourtant qu’un jour, la mort dans l’âme Joseph Bouglione acceptât l’irréversible. Abandonner une partie jamais finie, faite de joie, de peine de cris et d’ovation, faite de l’irremplaçable spectacle du cirque. A travers ces ruines pleines de tristesse, c’est un peu de Paris qui se meurt, qui s’en va, privant à jamais Montmartre d’un de ses nombreux charmes. 1100 fauteuils désespérément vides, restent figés en attendant qu’à leur tour, l’outil du démolisseur achève une besogne qui peinera les amoureux d’un Paris disparu.