Jérôme Thomas, Le cirque Lili

25 octobre 2003
02m 25s
Réf. 00558

Notice

Résumé :

Sous son chapiteau de bois et de toile rouge, Jérôme Thomas propose Le Cirque Lili, à Aubervilliers. Entre entretien et extraits de répétition ou du spectacle, s'expose la diversité des objets de son jonglage, de la plume à la boule d'acier et est abordée la question de la chute inattendue que l'artiste a appris à intégrer dans la dramaturgie spectaculaire.

Date de diffusion :
25 octobre 2003
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Thèmes :

Éclairage

Jérôme Thomas fait partie de ces artistes de cirque qui préfèrent développer de façon autonome la force de leur pratique circassienne afin de la faire accéder au rang d'art. L'histoire commence sous le chapiteau de la Compagnie Foraine, lorsque Jérôme Thomas, à quatorze ans, y découvre le jonglage. Sylvie Martin-Lahmani, participant à la construction de la légende, rapporte que depuis ce stage, l'artiste aurait décidé de « "continuer à ne pas s'arrêter" : de jongler, de danser avec ou sans objets, de penser chorégraphiquement un monde qui serait plein de balles, de rebonds et de temps suspendus » [1]. Construisant sa formation en autodidacte, il accepte les influences, notamment celles de son professeur, Nadejda Achvits (Ecole de cirque de Moscou) et de Michaël Moschen (USA), adepte tout comme lui de l'improvisation.

Pour Jérôme Thomas, le carcan des douze minutes du numéro du cirque traditionnel est trop étroit pour faire « entendre le jonglage », pour « raconter une plus longue histoire ». Il veut prendre son temps et inviter « le spectateur à entrer dans le processus narratif de l'histoire » [2] et pouvoir concrètement déclarer : « le jonglage est un art ». Il crée successivement Artrio (1989), Extraballe (1989), Kulbuto (1991), Quipos (1993) ; puis, viennent trois versions de Hic Hoc (1995-1997), 4 « qu'on en finisse une bonne fois pour toutes avec... » (1998) et Cirque Lili (2001).

Jérôme Thomas est considéré comme le chef de file d'un mouvement qui prend naissance dans les années 1980 [3] et qui privilégie le jonglage avec des balles de silicone (initialement du caoutchouc). La disponibilité à l'improvisation autorise la mise à profit des possibilités offertes par ce type de balle – qui a la propriété de rebondir – dans la gestion de l'accident, dans la théâtralisation de la chute non programmée. Ainsi, la technique des droplines permet au jongleur de « sauver la face ! » [4] en négociant l'imprévu, en l'intégrant dans la figure qu'il recompose. Dans ce cadre la prouesse est redéfinie et selon Jean-Michel Guy, l'enjeu « n'étant plus fondé sur la peur, le spectateur ne considère plus le jongleur comme un surhomme, mais comme un acteur aux prises avec son environnement » [5].

Cirque Lili (2001) se joue sous un chapiteau-manège autoportant de bois et de toile rouge, conçu par Gilles Audejean.

Jérôme Thomas décline les multiples facettes de son art, en diversifiant les matériaux (de la plume, à la boule d'acier), en jouant sur les alternances de rythmes, de trajectoires. Déployant une énergie considérable, il endosse le profil de quelques personnages auxquels Christophe Pilven donne la réplique. Il est accompagné par Jean-François Baez (accordéoniste) et Jean-Charles Richard (saxophoniste), qui interprètent la partition de Guy Klucevsek.

La Compagnie Jérôme Thomas poursuit son travail de création avec, entre autres, Deux hommes jonglaient dans leur tête (2008) associée au compositeur et musicien Roland Auzet qui crée une musique électronique et Ici (2010) sur le possible dépassement de l'enfermement. Un Cirque Lili 2 est en préparation pour 2013.

[1] Sylvie Martin-Lahmani, « Le roi de la jongle », dans Jean-Michel Guy (dir), Avant-garde, cirque !, Paris, Editions Autrement, Collection Mutations, n° 209, novembre 2001, p.83.

[2] Jérôme Thomas est cité par Yvon Kervinio (« Jérôme Thomas », Le cirque dans l'Univers).

[3] Notamment des jongleurs qui ont travaillé au sein de la compagnie créée par Jérôme Thomas en 1991 : Nolwenn Cointre, Emmanuel Anglaret, Jean-Christophe Hapon, Philipe Ménard, Martin Schwietzke...

[4] Joëlle Bourgin, « Sauver la face ! », Paris, Arts de la piste, HorsLesMurs, n°15, janvier 2000, p. 33.

[5] Jean-Michel Guy, Les Arts du cirque en l'an 2000, Paris, Chroniques de l'AFAA – Ministère des Affaires étrangères, n° 28, 2000, p. 119.

Martine Maleval

Transcription

Présentatrice
Jérôme Thomas, un jongleur qui revisite à sa manière le cirque d’hier. Seul en piste, il passe en revue les classiques du genre dans une évocation drôle et poétique. Il a posé son cirque à Aubervilliers dans la région parisienne pour son spectacle, le Cirque Lili, jusqu’au 9 novembre. Christophe Airaud, Abdel Zouioueche
Christophe Airaud
Nous avions rendez-vous avec Jérôme Thomas au boulodrome du théâtre d’Aubervilliers. Paraît-il que nous ne pouvions ne pas le rater. Et c’est vrai, au milieu des boulistes apparaît un joueur de pétanque hors du commun.
(Musique)
Jérôme Thomas
Jongler avec des boules, c’est quand même chaud. Il faut quand même faire attention, on peut se la prendre sur la gueule quoi.
(Musique)
Christophe Airaud
Cent fois plus légère, voici la plume. Elle virevolte, flotte dans les airs, jonglage de courant d’air et de brise légère.
Jérôme Thomas
Avec un objet très léger comme la plume, c’est de la chirurgie fine ; c’est comme si tu me mettais un scalpel, je jouerai au cœur ouvert. C’était absolument, extrêmement fin comme technique.
Christophe Airaud
Sa technique, cela fait 20 ans que Jérôme Thomas la peaufine depuis son apprentissage chez Annie Fratellini, ses passages chez Jacques Higelin ou Bernard Kudlak. Jérôme Thomas mélange virtuosité et poésie, son art le jonglage, cet art du cirque, lieu de tous les dangers.
Jérôme Thomas
Pourquoi je fais tomber ma massue ? Et bien, il y a un oiseau qui est passé dans mon cadre ou un bruit ou un spectateur qui fait ça ou juste un pied qui se décale peut me faire tomber une massue quand je suis sur scène. C’est fantastique.
Christophe Airaud
Quand le cirque Lili s’arrête sur la place du village, voici un cirque émouvant, fellinien, parfois pathétique. Le cirque Lili, c’est l’histoire du cirque racontée par Jérôme Thomas.
Jérôme Thomas
Il n’y a qu’un seul personnage central que j’interprète, et puis, ce personnage-là, et bien, il fait le cirque à lui tout seul. On joue avec toutes les symboliques du cirque d’autrefois mais en même temps, c’est peut-être ça qui fait que c’est du cirque d’aujourd'hui. C’est qu’on s’amuse avec le cirque d’autrefois.
(Musique)
Christophe Airaud
Durant une heure, la nuit, au cirque Lili, le jongleur aura été le magicien, l’équilibriste, le clown, le jongleur aura été le cirque.