Duo clownesque : Annie Fratellini et Pierre Etaix

28 janvier 1970
03m 29s
Réf. 00566

Notice

Résumé :

Entrée clownesque dans laquelle l'auguste composé par Annie Fratellini perturbe le clown (blanc) joué par Pierre Etaix. Un numéro dans lequel apparaît nettement toute la sensibilité de la relation entre rivalité et complicité que ces deux acteurs ont su établir.

Date de diffusion :
28 janvier 1970
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Éclairage

En 1948, au Cirque Medrano, Annie Fratellini foule pour la première fois, en tant qu'artiste, la piste d'un cirque. Mais, en 1953, elle s'éloigne du milieu dans lequel elle a appris « la danse, l'acrobatie, les claquettes, le solfège, le piano, le saxo et le concertina » [1] pour se consacrer à la variété et au cinéma. En 1968, elle rencontre Pierre Etaix, sur le tournage de son film Le Grand Amour. Il rêve d'être clown et persuade Annie qu'elle peut devenir la « première femme-clown de la légende ». En 1970, leur duo clownesque prend forme.

Pierre Etaix, aux expressions artistiques diverses (le dessin, la peinture, l'écriture et le cinéma), a été dès son enfance sensibilisé au monde du cirque. Il réalise plusieurs films touchant à ce domaine, notamment Yoyo (1965). Pour René Marx, « Yoyo n'est pas un hommage au cirque, c'est un film fait avec le cirque » [2]. Pour Pierre Etaix, c'est l'occasion de construire un personnage vêtu d'une queue de pie aux jambes de pantalon et aux manches trop courtes, d'un haut de forme trônant sur un crâne dégarni découvrant des touffes de cheveux rebiquant, de gants blancs et de souliers noirs vernis. Cet Auguste sensible et timide, au visage blanc illuminé par un sourire aux lèvres fines, un regard rieur, des sourcils surélevés et un nez rouge porté en trompette disparaît au profit du clown blanc que devient Pierre Etaix. Cependant, Yoyo laisse une empreinte indélébile au clown, dont on retrouve la finesse de jeu et la subtilité dans la relation distancée qu'il construit avec sa partenaire ; une relation savamment dosée entre la rivalité et la complicité qui lui confère une humanité perdue par d'autres. L'Auguste d'Annie Fratellini se distingue par son long manteau de laine porté sur un large pantalon aux jambes un peu courtes, sa bouille ronde encadrée d'une chevelure rousse coupée au carré et surplombée d'un chapeau melon. Ses trop grandes chaussures ralentissent suffisamment le pas pour apporter une touche de masculinité à la démarche du personnage, qui malgré tout fait preuve d'une grande sensibilité.

Pour Pierre Etaix, les Augustes qui ont abandonné le clown se sont privés d'un « enchantement » et « de quelque chose, qui au-delà du comique est très important : l'équilibre » [3]. Il oppose l'élégance de l'un à la maladresse de l'autre et pense que « le clown doit avoir le geste auguste du semeur de rire que l'auguste doit cultiver » [4]. Plus généralement, il considère qu'« être clown [blanc ou auguste] est un état, ce n'est pas une fonction » [5] ; « il n'existe que dans le temps où il agit. N'ayant ni avant ni après il échappe aux contingences sociales, à toutes les contraintes d'une vie ordinaire » [6]. Annie Fratellini développe une conception similaire quand suite à la question d'une petite fille : « Ça mange quoi, un clown ? », elle dit alors avoir perçu « le mystère » qui entoure le clown et, qu'elle considère être une « vertu essentielle ». Cependant, lorsqu'elle affirme : « Je rêve d'anonymat. Etre clown, seulement clown », n'avoue-t-elle pas la fragilité de l'entreprise, l'impossibilité d'échapper à la réalité présente et forte du monde ?

Dans le même esprit, parlant de ses parents « nés pour être clowns, pour faire rire sans se poser de questions. Gentiment, généreusement, ils disaient : "Pour être un vrai clown, il faut avoir vécu" »[7].

[1] Marie-Ange Guillaume, « Les Vingt ans de l'Ecole du Cirque », in : 20 ans !, Dossier de presse de l'Ecole Nationale du Cirque, 1993.

[2] René Marx, Le Métier de Pierre Etaix, Editions Henri Berger, 1994, p. 46.

[3] Pierre Etaix, intervention dans le film Clowns et Augustes, proposé et écrit par Denis Granais, co-réalisé par Hervé Masquelier, production La Cinquième-17 juin Production, décembre 1999.

[4] Pierre Etaix, « Préface », in : Jacques FABBRI et André SALLEE (dirs), Clowns et Farceurs, Paris, Bordas, 1982, p. 13.

[5] Pierre Etaix, Il faut appeler un clown un clown, Paris, Séguier Archimbaud, 2002, p. VIII.

[6] Ibid., p. XX.

[7] Annie Fratellini, Destin de clown, Lyon, La Manufacture, 1989, p. 185.

Martine Maleval

Transcription

Pierre Etaix
Stop, petite sérénade italienne, saxophone. Nous allons commencer tout de suite.
(Musique)
Pierre Etaix
Hof, mais qu’est-ce que tu fais encore ?
Comédien 2
[Inaudible]
(Musique)
Pierre Etaix
Mais qu’est-ce que tu viens faire encore ici ? Tu veux jouer de la musique avec moi ? Ah, mais c’est facile. Tu vois, nous allons jouer tous les deux. Toi, tu vas d’asseoir ici et moi ici, voilà ! C’est simple. Et on va jouer tous les deux. D’accord ! Voilà !
(Musique)
Pierre Etaix
Eh ! Ici ! D’abord, je vais te dire quelque chose. Ce n’est pas toi qui salues, c’est moi. Mesdames, Messieurs, nous allons… Pardon, mille excuses, mille excuses. Ça peut arriver.
(Musique)
Pierre Etaix
Vas t’asseoir maintenant. Vas là-bas… si tu veux…
(Musique)
Pierre Etaix
Eh oh ! Viens t’asseoir ici, voilà. Tu es prêt ? Alors, ce soir, nous allons commencer bientôt… Mais qu’est-ce que tu fais toujours par terre toi ? Viens t’asseoir ici, c’est simple, non.
(Musique)
Pierre Etaix
Eh oh, pousse-toi. Bon, comme tu veux. Moi, je vais m’asseoir ici, voilà. Eh oui, seulement avec moi ça marche pas ça.
(Musique)
Pierre Etaix
C’est bientôt fini oui ? Viens t’asseoir ici tout de suite, Oh. C’est terrible hein. Ici.
(Musique)
Pierre Etaix
Installe-toi bien, oui, voilà. Tu es bien ? Tu es prêt ? On va pouvoir commencer ? Oh, c’est merveilleux. Maestro, s’il vous plaît, musique.
(Musique)