Répétition de Paradis perdu avec Roland Petit, Margot Fonteyn et Rudolf Noureev

23 février 1967
02m 11s
Réf. 00716

Notice

Résumé :

Diffusé le soir de la première de Paradise Lost à Covent Garden, ce court reportage montre Rudolf Noureev, un gros bonnet de laine enfoncé jusqu'aux oreilles, répéter avec Margot Fonteyn et Roland Petit le ballet que ce dernier crée pour eux, accompagnés au piano par le compositeur Marius Constant. Les artistes répondent aux questions posées en rivalisant de charme, de séduction et de bonne humeur.

Date de diffusion :
23 février 1967
Source :
ORTF (Collection: JT NUIT )
Thèmes :

Éclairage

Paradise Lost (Le Paradis perdu) répond à une commande du Royal Ballet pour fêter le cinquième anniversaire du couple formé sur la scène de Covent Garden par Rudolf Noureev et Margot Fonteyn. Ils ont dansé ensemble pour la première fois à l'occasion d'un gala de charité à Londres, le 21 février 1962 dans une mémorable Giselle.

Margot Fonteyn a 43 ans et songe à prendre sa retraite. Rudolf âgé de 24 ans n'est célèbre que depuis sa défection au Bourget quelques mois plus tôt. Les deux artistes, liés par d'indéfectibles affinités, se produisent près de deux cents fois ensemble jusqu'en 1974, plus rarement ensuite, et sont réunis pour la dernière fois sur la scène à Covent Garden dans Le Spectre de la Rose à l'occasion du soixantième anniversaire de Margot Fonteyn en 1979. « La tendresse qui unit les deux artistes n'a jamais paru aussi évidente » note alors The Observer.

A l'époque Roland Petit est très lié avec Margot Fonteyn pour qui il a créé Les Demoiselles de la nuit en 1948 au Théâtre Marigny. En revanche le chorégraphe n'a encore jamais travaillé avec Rudolf Noureev.

Roland Petit a choisi un titre trompeur, car pour tous les anglais Paradise Lost est le chef d'œuvre du poète Milton. Or le nouvel argument très littéraire de Jean Cau illustre le thème : « Tout paradis est découvert pour être perdu. Toute joie pour être pleurée. Tout royaume est d'exil..... ».

Sur ce texte Roland Petit brode un ballet dont les héros sont l'Homme (Adam), la Femme (Eve) et la Tentation incarnée par cinq garçons en collant mauve rampant autour d'Eve. L'intention première est de briser l'image de Noureev et Fonteyn danseurs classiques et de les propulser dans une création résolument d'avant-garde pour l'époque, et très différente des pièces conçues par Ashton pour le couple, telle Marguerite et Armand quatre ans plus tôt. Dame Margot-Eve porte la plus courte mini-jupe qu'on puisse imaginer, et Noureev, torse nu, un simple maillot moulant.

Il est certain que le duo réunissant Adam et Eve, clou de spectacle (dont on voit un extrait sur ce document) est plein d'ingéniosité, de poses acrobatiques et de figures géométriques aussi belles qu'originales et photogéniques. Le ballet plutôt confus et répétitif ne doit son succès qu'aux exploits techniques et esthétiques du couple vedette, ainsi qu'au décor de Martial Raysse, aux couleurs crues accentuées par de nombreux effets de flashes et de néon.

Rudol Noureev sort d'un œuf au début du ballet, pour s'engouffrer à la fin entre deux immenses lèvres rouge vif au fond de la scène. Le danseur détestait cette fin, se demandant sur quoi il allait tomber derrière le décor !

En dépit de ses 48 ans, Margot paraît plus jeune que jamais et vient à bout des pires situations en équilibre, coincée entre les genoux de Noureev ou à cheval sur les pieds de son partenaire, dos au sol et jambes en l'air. « Ce n'est pas le paradis mais l'enfer que l'on m'offre pour mes quarante huit ans ! » s'exclame en riant Margot Fonteyn à l'issue d‘une représentation. « Peut-être, mais j'aimerai bien danser comme vous quand j'aurai quarante huit ans ! » lui répond Noureev plein d'admiration pour sa partenaire.

Après sept représentations à Covent Garden le couple présente Paradis perdu aux Etat Unis, au Canada et le 13 octobre 1967 à l'Opéra de Paris. L'accueil est mitigé, mais Margot et Rudolf sont acclamés. « Deux diamants dans une omelette » juge sévèrement la critique de France-Soir. Ballet de circonstance il n'a jamais été repris depuis.

Extase, sur une musique de Scriabine, décors de Giorgio de Chirico, que Roland Petit crée l'année suivante pour Rudolf Noureev à la Scala de Milan avant d'être donné en novembre à l'Opéra de Paris tourne au fiasco. Pourtant, en 1969, pour fêter ses trente cinq ans de collaboration avec le Royal Ballet, Margot Fonteyn demande à Roland Petit une nouvelle création pour elle et Noureev. Pelléas et Mélisande sur la musique de La Nuit transfigurée de Schönberg sera plus appréciée pour le décor de Jacques Dupont que pour la chorégraphie jugée très banale.

René Sirvin

Transcription

Journaliste
Ce soir, à Londres avait lieu la première de Paradis perdu, le dernier ballet de Roland Petit qui après de nombreuses années retrouve Covent Garden. Ce ballet a été créé et réglé spécialement pour les deux monstres sacrés de la danse, qui sont Margot Fonteyn et Rudy Noureev. Musique de Marius Constant. Bernadette Marchal notre correspondante permanente à Londres, assistait pour vous aux ultimes répétitions.
Roland Petit
Yes, yes, good, ok. We start like that; we will do that like that. Allright, thank you, thank you.
Margot Fonteyn
Je pense que ça tombe à un très bon moment, pour lui, pour sa chorégraphie, qui vient de faire des nouvelles trouvailles, point de vue chorégraphique depuis son ballet L'Eloge de la folie qui a réglé les un an à Paris, et pour moi c’est vraiment très intéressant de faire à ce moment de ma carrière, un ballet très moderne. Parce que… je crois que la plupart du public, croit que je ne danse que le ballet classique n’était pas vrai. Et maintenant, j’ai la chance de présenter un autre côté de notre art.
Journaliste
Que pensez-vous de sa chorégraphie ?
Rudolf Noureev
C’est bon.
Roland Petit
Qu’est ce que tu… what do you think of the choregra… do you understand french?
Rudolf Noureev
Well, I understand but I can’t answer back in french, come on! Answer, what I should answer, come on!
Roland Petit
You understand everything, tu comprends tout. Tu comprends tout. Est-ce que vous aimez le ballet elle demande.
Rudolf Noureev
J’aime beaucoup oui, la chorégraphie aussi.
Roland Petit
Merci, c’et gentil. Il aime beaucoup il dit.
Rudolf Noureev
Good ?