Tadeusz Kantor, Qu'ils crèvent les artistes

08 avril 1987
01m 33s
Réf. 00812

Notice

Résumé :

Tadeusz Kantor n'est pas à proprement parler un artiste des Arts du Mime et du Geste. Cependant les images proposées dans cet extrait de Qu'ils crèvent les artistes nous donnent à comprendre la contribution de l'artiste polonais au monde du geste, et de l'image du corps, en scène.

Date de diffusion :
08 avril 1987
Artistes et personnalités :
Fiche CNT :

Éclairage

Tadeusz Kantor (1915-1990) naquit dans un minuscule village de Galicie, Wielopole. Il étudie la peinture et la scénographie à l'école des Beaux-Arts de Cracovie. Il commence sa carrière par du théâtre expérimental au Grupa Krakovska dont il fut co-fondateur. Pendant l'occupation hitlérienne, il fonde à Cracovie le Théâtre Indépendant (Teatr Niezalezny). En 1947 il séjourne à Paris où il se fait le relais en Pologne de la vie culturelle française.

Les plus grands triomphes de Tadeusz Kantor viendront avec la première de La Classe morte (Umarla klasa, 1975), un récit sur le fugitif et le permanent. Il décède le 8 décembre 1990.

L'œuvre plastique de Kantor est fortement influencée par la Pologne et son contexte politique. Les sujets récurrents en sont l'enfance (durant la guerre 40-45), son village natal de Wielopole, la mort... Il aborde des thématiques comme le pouvoir et ses abus, la violence, et la permanence des souvenirs.

Entre 1965 et 1970 il découvre à New York le Pop Art, le minimal Art et le happening.

En 1970 il écrit le Manifeste 70, dans lequel il défend l'idée d'une œuvre quasiment impossible, sans valeurs, fondée uniquement sur l'acte créateur.

De 1970 et jusqu'à sa mort il créera de nombreux spectacles : Les Cordonniers de Witkiewicz, présentée en français au Théâtre 71 à Malakoff en 72, Les Mignons et les Guenons en 73 ; La Classe morte en 75, pièce qui consacre sa notoriété notamment au Festival mondial de Théâtre de Nancy , Où sont les neiges d'antan, « cricotage » (happening du théâtre Cricot) réalisé à Rome en 79 ; Wielopole-Wielopole, créé à Florence en 80, Qu'ils crèvent les artistes! en 85 et Je ne reviendrai jamais en 88. La mort le surprendra pendant les répétitions de Aujourd'hui c'est mon anniversaire.

Tadeusz Kantor, plasticien-scénographe-metteur en scène ne vient pas du monde des arts du mime et du geste mais il a profondément marqué les artistes de ce genre artistique qui ont pu assister à certaines de ses représentations. Ses spectacles mettaient en scène des personnages entre souvenirs et réalité, entre vivants et spectres. Ces derniers se construisaient autour d'une gestuelle non réaliste, une manière de stylisation propre à l'artiste et probablement propre à chacun des acteurs qui constituaient sa troupe. La répétitivité et le rythme des actions scéniques, la rigidité robotique de certains personnages exacerbaient cette manière de déconstruction mécanique du vivant. Tadeusz Kantor a été également considéré comme un homme du théâtre d'objets (par l'utilisation d'une scénographie réalisée à partir d'objets de récupération) ou du théâtre de marionnettes (faisant apparaître très fréquemment des sortes de pantins).

Mais d'une certaine manière on pourrait considérer que Tadeusz Kantor fut également inspiré par le cirque : en effet toutes les entrées en scène des personnages se faisaient par une porte au fond de l'espace scénique (comme dans le cirque traditionnel) et le jeu procédait d'un enchaînement d'apparitions-disparitions et d'entrées-sorties.

Pour le public français ses spectacles, où la dramaturgie était autant portée par le texte (dit en polonais) que par les personnages et leur gestuelle, furent un choc artistique visuel hors du commun.

Claire Heggen et Yves Marc

Transcription

Intervenant
[Polonais]
Journaliste
Comme tous les autres spectacles du théâtre Cricot de Cracovie, Qu’ils crèvent les artistes, c’est d’abord une tradition d’acteurs uniques en son genre. Mais Qu’ils crèvent les artistes c’est surtout et comme toujours les obsessions personnelles du maître Tadeusz Kantor. Autoritaire, exaspérant, cabotin, il organise en grimaçant et en tapant du pied la ronde des fantômes de sa mémoire. Kantor l’avoue ouvertement, le fait même d’évoquer les souvenirs est suspect et pas très clair. Un type équivoque se déguise en soldat pour faire semblant d’être son père. Sa mère, évidemment, est jouée par une fille des rues, ses oncles, de simples clochards. Le tout mêlé à une foule de référence à la culture universelle. On y voit même directement, le personnage de Veit Stoss, le Michel-Ange polonais ; sous les traits d’une sorte de commissaire politique. Le message est clair, à bas la bureaucratie, à bas la politique. Selon Kantor, seul l’artiste est habilité à régir la société des hommes et l’artiste, c’est d’abord lui.
(Musique)