Théâtre aux Mains Nues, Le Grand-père fou

27 septembre 1981
03m 24s
Réf. 00828

Notice

Résumé :

A l'occasion de la première édition du festival « Les Semaines de la marionnette française à Paris », en 1981, reportage sur Le Grand-père fou, création par le Théâtre aux Mains Nues du « drame d'objets pour comédiens et marionnettes » de Paul Eloi (Eloi Recoing), mis en scène par Alain Recoing. Entre deux extraits joués par Karina Cheres, Pierre Blaise, Gérard Abela et Alain Recoing, ce dernier évoque la recherche contemporaine et la force que retrouvent les marionnettes à une époque de prépondérance de l'image.

Date de diffusion :
27 septembre 1981
Source :
Fiche PAM :

Éclairage

Alain Recoing (né en 1924) est une des grandes figures de la marionnette française, autant par la cinquantaine de spectacles qui jalonnent sa fructueuse carrière – joués devant des adultes ou des enfants, en France comme à l'étranger, dans des écoles, dans la rue, dans des opéras ou des théâtres nationaux ­– que par son inlassable activité militante pour la reconnaissance pérenne des arts contemporains de la marionnette, et son action déterminante dans le domaine de la transmission.

Il a non seulement enseigné à l'École Supérieure Nationale de la Marionnette de Charleville-Mézières ainsi qu'à l'Université Paris III-Sorbonne Nouvelle, mais a aussi constitué depuis 1995 une structure de formation recherchée au sein du local parisien de son Théâtre aux Mains nues - lieu de création et de diffusion – faisant ainsi de ce dernier une importante plateforme d'aide aux jeunes artistes, conventionnée comme « lieu compagnonnage marionnette » par le Ministère de la culture.

Alain Recoing a connu de multiples expériences de marionnettiste et de metteur en scène depuis sa participation, en 1948, au Théâtre des marionnettes à la française de Gaston Baty, qui lui permit d'acquérir une grande maîtrise dans la manipulation de la gaine lyonnaise. Il forme tout d'abord, en 1950, la Compagnie des Trois qui restera programmée pendant deux ans au cabaret de l'Ecluse, à Paris. Il crée ensuite pour la télévision l'émission hebdomadaire Martin-Martine (1953-1957) et intervient avec ses marionnettes dans plusieurs grandes dramatiques. En 1957, Alain Recoing fonde sa propre compagnie – Martin, Martine – à l'occasion de la création de La Petite Clef d'or d'Alexis Tolstoï, adaptée et mise en scène au théâtre du Vieux-Colombier par son ami Antoine Vitez. Ce sera le début d'une longue collaboration entre les deux hommes, au Théâtre du Quotidien de Marseille, au Théâtre des Quartiers d'Ivry, puis au Théâtre National de Chaillot. En 1976, La Ballade de Mister Punch, écrite par son fils Eloi, et mise en scène par Antoine Vitez, donne un nouveau nom à la compagnie, le Théâtre aux Mains Nues. Divers textes d'Eloi font l'objet de créations d'Alain Recoing : Le Grand-père fou en 1981, La Tentation de Saint-Antoine en 1982, Manipulsations en 1984, La Conjoncture de Babel en 1987 et 1989.

A propos du Grand-père fou, il raconte qu'il a proposé plusieurs idées à son auteur de fils et que celui-ci « en a fait tout autre chose en restant dans le même esprit : un vieil homme, dans son logement où se sont accumulés les objets hétéroclites de son existence, est à l'agonie. Ses trois enfants, à la recherche d'un trésor caché, essaient d'accélérer sa mort. A partir de cette situation, l'écriture dramatique est devenue le regard ironique d'un fils sur la mort du père. [...] Le Grand-père fou a donné naissance à un texte et à des situations surréalistes très propres à l'écriture théâtrale par les marionnettes. Ce spectacle est sans doute celui qui me tient le plus à cœur ».

Alain Recoing a ouvert des voies contemporaines pour la tradition de la gaine : le castelet éclaté, avec le scénographe Thierry Vernet, pour Manipulsations, « composé de huit panneaux en plexiglas noir et blanc, tantôt pleins, tantôt découpés, manipulés sur une semelle qui permettait de les faire coulisser. [...] Castelet perverti, manipulable, donc entrant dans le jeu d'une manipulation totale, permettant de phraser le texte comme avec une marionnette, proposition imaginaire infinie de lieux multiples sans aucune référence au réalisme » ; puis avec l'acteur-manipulateur Nicolas Goussef, le corps-castelet, c'est-à-dire le corps du marionnettiste, à vue, comme espace scénographique autour duquel évolue la marionnette, et l'action dramatique.

Après avoir rédigé le chapitre « Les marionnettes » dans L'Histoire des spectacles (éditions Gallimard, collection Pléiade, 1965), et de nombreux articles théoriques sur son art, Alain Recoing a livré un regard sur tout son parcours de praticien du XXe siècle dans Les Mémoires improvisés d'un montreur de marionnettes (éditions L'Entretemps-Institut International de la Marionnette) en 2011.

[1] Pour plus d'informations sur Alain Recoing, voir ce Grand Entretien

Evelyne Lecucq

Transcription

Alain Recoing
Pour avoir l’amour, c’est la mort. Deux ombres m’ont suivi, elles ont l’air menaçantes.
(Musique)
Alain Recoing
Ombre qui dévore !
(Bruit)
Alain Recoing
Il y a quelqu’un ?
(Musique)
Journaliste
Art millénaire, la marionnette a abandonné sa défroque de Guignol pour se parer de mille et une facettes inquiétantes ou dérisoires à l’occasion des semaines de la marionnette française à Paris.
(Musique)
(Bruit)
Alain Recoing
Je demande, y a-t-il quelqu’un ?
(Bruit)
(Musique)
Alain Recoing
Je suis fait comme un rat. Guignol est un grand ancêtre que nous aimons beaucoup mais on ne va pas demander à Planchon, Chéreau, Vitez de faire éternellement du théâtre à l’italienne, et bien, les marionnettistes français ne font pas éternellement du théâtre de castelet et de petites poupées. Il y a toute une recherche contemporaine extrêmement intéressante, et il ne faut pas oublier que nous sommes à l’âge de l’image et de l’art cinétique et que les arts plastiques dans le domaine théâtral ont pris une importance primordiale où la marionnette a retrouvé toutes ses forces.
Comédienne
Adrien ! Une chanson tu veux ? Oui, la Complainte du Chevillard …. Non ? Mais quoi ?
(Silence)
Comédien 2
Le Tramway de Shanghai , Constance.
Comédienne
Va pour le tramway.
(Musique)
Comédien 3
On laisse la folle seriner aux gisants, continuons l’inventaire. Et si Dieu lâche le morceau ?
(Musique)
Comédienne
Dans le tramway de Shanghai, va-t-en au diable, et vaille que vaille très bon, très vénérable. Dans ces épaves, je planterai de l’ail !
Alain Recoing
Marie, trempe ton pain, Marie, trempe ton pain, Marie, trempe ton pain dans la soupe. Marie, trempe ton pain, Marie, trempe ton pain, Marie, trempe ton pain dans le vin.
(Bruit)
Alain Recoing
Me suis-je encore déplacé pour rien ?
Comédien 4
Non, cette fois, je crois que c’est bon !
Alain Recoing
Ah, en vérité, je n’aime pas ça, les adieux sont toujours très pénibles !