The Loss of small detail de William Forsythe

27 février 1992
02m 16s
Réf. 00924

Notice

Résumé :

Evènement toujours très attendu au début des années 90, le passage du chorégraphe William Forsythe au Théâtre du Châtelet, à Paris. Il y présente sa pièce The loss of small detail, dont on voit des images en répétition et en spectacle. Deux des danseuses glissent quelques commentaires sur ce qu'attend Forsythe de ses interprètes.    

Date de diffusion :
27 février 1992
Source :
A2 (Collection: JA2 20H )

Éclairage

En 1991, The loss of small detail atterrit avec armes et bagages sur le plateau du Théâtre du Châtelet, à Paris. Derrière ce titre énigmatique, véritable moteur d'imaginaire comme Forsythe les apprécie, surgit une œuvre magnétique, flashée d'apparitions insolites. Dans les costumes plissés d'Issey Miyaké, sous les coups de massue sonores de Tom Willems, complice de toujours du chorégraphe, les danseurs déflagrent. Des flocons de neige, parfois noirs comme du charbon, tombent sur le plateau. Sensation de voir un paysage jamais vu, inspiré entre autres par des textes de l'écrivain japonais Yukio Mishima et de Forsythe lui-même. Des mots en anglais défilent sur des écrans ou sont aboyés au micro par des interprètes. Les thèmes annoncés en étaient : l'évolution humaine, le cerveau, la mémoire... Ce spectacle donna lieu à une suite courte d'une vingtaine de minutes intitulée The second detail, créé en 1991 pour le Ballet national du Canada.

Avec cette pièce d'une ampleur esthétique inouïe dont il signait la chorégraphie, le décor et les lumières, Forsythe (né en 1949) s'affirmait une fois encore comme l'un des artistes de premier plan du spectacle vivant. Depuis ses pièces de danse pure comme Artifact (1984) à ses productions plus théâtrales comme The loss of small détail ou encore Eidos/Telos (1995), il n'a eu de cesse de presser les codes de la danse pour en extraire un jus neuf. C'est en 1983 que sur une invitation de Rudolf Noureev, alors directeur de la danse à l'Opéra de Paris, Forsythe commence à faire parler de lui en France. Il crée France Danse pour quelques interprètes de la compagnie parisienne. Il reviendra en 1987 pour chorégraphier In the middle, Somewhat Elevated. Il faudra ensuite attendre 1999 pour qu'il franchisse le seuil du Palais Garnier avec une série de pièces courtes, défi cinglant à la technique classique.

Né au Etats-Unis en 1949, William Forsythe, fan de comédies musicales et de Fred Astaire, intègre la compagnie de John Cranko à Stuttgart en 1973. Onze ans plus tard, en 1984, il prend la direction du Ballet de Francfort dont il va faire l'une des troupes de choc des années 90. Il en sera le directeur jusqu'en 2004, date à laquelle la municipalité de Francfort décide de ne pas renouveler son contrat. Désormais à la tête de la Forsythe Company, installé entre Francfort et Dresde, il poursuit son travail, sur un versant plus expérimental, avec une troupe restreinte.

De base classique, très influencé par le maître américain George Balanchine (1904-1983), il en a exacerbé les déhanchements, le jeu de bras qui voltigent autour du corps, les déséquilibres. Jusqu'à l'écartèlement parfois même ! Son utilisation des pointes pour les danseuses par exemple explose la virtuosité en mille morceaux. Forsythe a donné une nouvelle définition de la féminité, plus autoritaire, plus écharpée aussi, au diapason d'un monde chaotique. Son extension magique et féroce du vocabulaire et de la syntaxe classique a fait naître une langue d'aujourd'hui tranchante et sèche. Féru de philosophie et de littérature, il s'appuie sur des textes (Derrida, Bergson,Woolf...) dont il découpe parfois des phrases pour les inclure dans ses pièces.

Si son geste artistique a considérablement changé depuis le milieu des années 2000 se tournant vers des zones plus expérimentales et proches des arts plastiques, chacune de ses pièces propose une nouvelle hypothèse sur le mouvement, son rapport à la musique, au texte ou aux arts plastiques. Ses spectacles récents comme Decreation ou Yes we can't (par ailleurs déconseillé au moins de 12 ans) mettent en scène des personnages gesticulant et douloureux qui vomissent leur malaise. Ligne de danse tordue pour état de crise sans merci. L'évolution de Forsythe prend un tour violemment conflictuel.

Rosita Boisseau

Transcription

(Musique)
Journaliste
William Forsythe est un petit malin.
(Musique)
Journaliste
Au début, il nous apprivoise sournoisement. Leçon de précision et de construction, presque du classique dans une scène baignée de gris et d’ombres. La musique de Thom Willems est plutôt sage. Ambiance de classe de danse, où tout est rythme et technique.
(Musique)
Journaliste
William Forsythe, c’est ce danseur intello new-yorkais. Il dirige depuis 8 ans le ballet de Francfort, il a créé un style avec une troupe très internationale. Un long travail d’équipe, mouvement perpétuel où on est prié d’apporter son inspiration à chaque représentation.
Intervenante 1
Il veut que tout le monde soit des individus, et créatif aussi. C’est les plus importantes choses, je pense, pour lui.
Intervenante 2
Ça évolue et c’est presque chaque fois un nouveau ballet quoi.
Journaliste
Et comme il faut bien y arriver, Forsythe se dévoile en deuxième partie.
(Musique)
Journaliste
Les danseurs deviennent des pantins élastiques. Les distorsions sont poussées à l’extrême.
(Musique)
Journaliste
Sous la neige, l’ordre disparaît, la scène devient un capharnaüm. Les costumes, dessinés par le couturier japonais de Paris, Issey Miyake, appartiennent plus à la Cour des miracles qu’au boulevard Saint Germain.
(Musique)
Journaliste
Et comme toujours, chez Forsythe, la recherche du déséquilibre.
(Musique)
Journaliste
Il y a aussi la violence dans les mots, la musique et la lumière et ça finit dans un grand éclat de rire. Peut-être ce grand chorégraphe ne se prend-il pas absolument au sérieux.
(Musique)