Night journey de Martha Graham

03 octobre 1982
02m 19s
Réf. 00965

Notice

Résumé :

Créé en 1947, Night Journey, ballet de 30 minutes, fut intégralement filmé en noir et blanc en 1961 (et projeté en avril 1991 par la Cinémathèque de la Danse au Palais de Chaillot lors d'un hommage à Martha Graham). La scène sélectionnée ici montre Martha Graham dans le rôle de Jocaste, qui après les révélations de ses crimes par l'oracle Tirésias - frappé de cécité - (le danseur Bertram Ross) et avant de mettre fin à ses jours, se remémore sa vie depuis l'entrée à Thèbes d'Œdipe (Paul Taylor, non vu dans cet extrait) et sa passion pour ce fils non reconnu qui a tué son mari et qu'elle a épousé et fait roi.

Date de diffusion :
03 octobre 1982
Source :

Éclairage

Cet extrait qui met face à face Jocaste et Tiresias montre les affres, les remords et la passion dévorante de la reine pour Œdipe. Il donne une parfaite image de Martha Graham dans une de ses créations et interprétations majeures. La chorégraphe exprime sa fascination pour les contorsions d'un corps torturé qui traduisent les tourments de l'âme. Elle montre également son attachement pour les éléments décoratifs du sculpteur Isamu Noguchi et pour les musiques originales contemporaines (ici de William Schuman). Martha semble se tordre de douleur comme nulle autre, une épingle en forme d'os dans les cheveux, vêtue d'une de ces longues et amples robes qu'elle se dessinait elle-même. Elle exprime son angoisse en de sauvages rapports entre le corps et le sol - rapports essentiels dans sa danse - ou contre un tronc d'arbre stylisé.

Martha Graham au visage étrange, si beau quand elle était jeune, si énigmatique avec le temps, est née à Pittsburg en 1894, dans une famille originaire d'Ecosse et d'Irlande, venue sur le Mayflower et vivant aux Etats Unis depuis dix générations. Son père était un psychiatre, spécialiste des maladies mentales. Elle n'a que quatre ans quand il lui montre une goutte d'eau : « Que vois-tu ? - Une goutte d'eau pure et transparente ! » [1] Son père lui fait voir la goutte au microscope et Martha ce jour là comprit tout ce que pouvait dissimuler ce qui semble si limpide. D'où la fascination de la chorégraphe pour l'introspection de ses personnages et l'extériorisation violente de leurs sentiments, sans jamais pourtant se rapprocher de l'école expressionniste allemande.

Après avoir étudié la danse avec le fameux couple Ruth Saint Denis et Ted Shawn, la jeune Martha Graham sur les conseils du compositeur - et ami à vie - Louis Horst, fonde une école pour enseigner sa propre technique (Voir Diversion of Angels de Martha Graham) et créer ses chorégraphies. En 1926, elle présente au Théâtre de la 48ème rue à New York son premier récital avec une cantatrice et trois danseuses de son école. Elle y interprète treize solos sur des musiques allant de Schubert à Satie, accompagnée au piano par Louis Horst.

Si l'on considère ce récital comme la première manifestation de sa compagnie, alors la Martha Graham Dance Company est la plus ancienne des Etats Unis, et avec 180 chorégraphies, celle qui a créé le plus vaste répertoire de Modern Dance Américaine. Martha Graham a abordé de nombreux thèmes, intéressée par la vie des premiers américains de l'Ouest, dénonçant l'injustice sociale, le chômage et le puritanisme, défendant les cultures indiennes et mexicaines. Mais surtout dans les années 1940 elle s'intéresse aux grandes héroïnes tragiques de l'Antiquité dont elle traduit les sentiments refoulés, les déchirements de l'âme dans des rôles qu'elle se taille sur mesures : Hérodiade, Médée, Jocaste, Clytemnestre, Phèdre ou encore Circé, rôle qu'elle danse en 1963 six ans avant ses adieux à la scène à ...74 ans !

En 1975 elle retrouve toute son énergie malgré l'arthrose qui la momifie peu à peu, pour créer encore vingt deux ballet dont l'humoristique Maple Leaf Rag son ultime création en 1990 un an avant sa mort à 96 ans.

[1] Citation tirée d'un article en anglais rédigé par Joseph H. Mazo, pour une brochure de la compagnie Martha Graham, datant de 1987, non disponible dans le commerce.

René Sirvin

Transcription

(Musique)