Eustachy Kossakowski et la lumière de Chartres

22 décembre 1989
04m 10s
Réf. 00167

Notice

Résumé :

Eustachy Kossakowski, dans Lumières de Chartres, a photographié la projection de la lumière dans la cathédrale de Chartres, en "tournant le dos aux vitraux" comme il le dit lui-même. Il nous fait part de son travail et de son plaisir.

Type de média :
Date de diffusion :
22 décembre 1989
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Thèmes :

Éclairage

Né à Varsovie en 1925, Eustache Kossakowski est l'héritier d'une ancienne famille de l'aristocratie polonaise. Son grand-père est un des fondateurs de la société photographique de Varsovie et son père, chirurgien, est un photographe amateur passionné. C'est dans ce contexte familial favorable qu'Eugène Kossakowski fait l'apprentissage de la photographie.

Après un début d'études d'architecture à l'École polytechnique de Varsovie, il entreprend, à partir de 1950, une carrière de photographe professionnel en collaborant à des revues comme Polska et Zwierciadlo. Il s'inspire des photographes humanistes français pour créer des reportages vivants sur la reconstruction de Varsovie, l'industrie et la campagne. À partir de 1960, il photographie les happenings de Tadeusz Kantor.

Il s'installe à Paris en 1970 et après des débuts difficiles, il réalise des séries de photographies qui attirent les éloges des critiques : 6 mètres avant Paris (série de panneaux routiers placés aux entrées de Paris), Lumières de Chartres. Ces dernières font l'objet d'expositions et de publications. Il obtient un poste au musée des Arts décoratifs puis au Centre Pompidou.

Kossakowski décède en 2001. Ses archives sont remises au musée Nicéphore Niepce de Chalon-sur-Saône.

Emmanuel Zbinden

Transcription

Bernard Pivot
... passer à la lumière de Chartres. C'est aussi un autre album assez extraordinaire. C'est vrai, Eustachy Kossakowski, personne n'avait encore photographié la cathédrale de Chartes, et pourtant, Dieu sait, la Vierge Marie, qui avait vraiment... elle a été souvent photographiée.
Eustachy Kossakowski
Ce sujet, je n'arrive pas à comprendre.
Bernard Pivot
Alors vous, vous avez une idée, aussi, comme monsieur, comme votre voisin, vous avez eu une idée de génie.
Eustachy Kossakowski
Non, ce n'est pas une idée de génie. Avec une grande expérience et beaucoup d'années de reportage, j'ai commencé à faire quelque chose en dehors dans le sens que je m'occupe beaucoup de la lumière dans la photographie, surtout en noir et blanc, jusqu'à maintenant. Et mon travail sur la cathédrale de Chartres, c'est une suite de mes recherches sur le problème de lumière lui-même, lumière de différents aspects.
Bernard Pivot
C'est bien, voilà, il faut que je le dise aux téléspectateurs pour qu'ils comprennent bien. C'est-à-dire que vous êtes resté, pendant 2 ans, vous avez surveillé la lumière qui passe, et qui est, évidemment, changeante selon l'heure, selon les jours, selon les saisons, qui passe à travers les vitraux de la cathédrale, et cela forme des taches de couleur à l'intérieur de la cathédrale.
Eustachy Kossakowski
Absolument.
Bernard Pivot
Mais comment avez-vous eu cette idée de photographier, autrement dit, cette projection de la lumière sur les pierres, à l'intérieur ?
Eustachy Kossakowski
Premièrement, je pense que j'ai voulu tourner le dos des vitraux parce que dès j'ai vu des publications sur ça, toujours, il y avait des photos des vitraux. Je me suis dit : « Pourquoi je ne tourne pas le dos des vitraux ? Voyons qu'est-ce qui se passe de l'autre côté », et j'ai aperçu qu'il se passe quelque chose d'extraordinaire. Première fois, quand j'ai aperçu, grâce... d'ailleurs, avec un enfant de 2 ans qui m'a dit... - et le livre est dédicacé pour elle - Elle m'a dit : « Regarde l'ellipse rouge, regarde le carreau bleu. J'aimerais bien avoir une photo dans une ellipse rouge ». Bon, je me suis dit : « C'est vraiment extraordinaire ». Au bout d'un certain temps, je retournais à la cathédrale et j'ai suivi un petit peu des événements, et j'ai trouvé si fascinant, si fascinant que j'ai commencé à travailler sérieusement et systématiquement.
Bernard Pivot
Oui, mais pour vous, vous étiez financé, à ce moment-là, déjà...
Eustachy Kossakowski
Non, c'est un travail sans commande. C'est pour mon plaisir.
Bernard Pivot
Pour le plaisir. Alors l'éditeur dit : « Durant 2 ans, du matin jusqu'au coucher du soleil, Eustachy Kossakowski a photographié la progression de la lumière dans la cathédrale de Chartres ».
Eustachy Kossakowski
Je travaille sans aucune commande et sans aucun espoir.
Bernard Pivot
Pendant 2 ans ?
Eustachy Kossakowski
Pendant 2 ans, oui, pour le plaisir. Ecoutez, c'est très agréable d'aller à Chartres, à 5 heures le matin, deux fois par mois. J'ai pris la voiture à 5 heures le matin, je regardais le lever de soleil sur l'autoroute et à l'ouverture de la cathédrale, je rentrais et je commençais à faire les événements.
Bernard Pivot
La lumière change, la lumière change parce qu'il passe un nuage, parce que le soleil voyage.
Eustachy Kossakowski
Les événements que j'ai photographiés sont les événements qui durent entre 3 ou 5 minutes, pas plus.
Bernard Pivot
Et vous avez pris combien de photographies ?
Eustachy Kossakowski
Plus que 1000.
Bernard Pivot
Plus que 1000 ! Finalement, je pense que vous avez dû en prendre beaucoup.
Eustachy Kossakowski
J'ai supprimé beaucoup. On dit que je les ai détruites. Je ne les ai pas détruites, je les ai supprimées de la circulation.
Bernard Pivot
Mais les gens, à Chartres, donc ils vous connaissaient, évidemment, les gens de la cathédrale ?
Eustachy Kossakowski
Non, je ne connais personne.
Bernard Pivot
Ils vous voyaient sans arrêt en train de photographier, mais...
Eustachy Kossakowski
Non, je connais un peu maintenant. Je connaissais personne. Je piétinais par terre sans aucune...
Bernard Pivot
Vous deviez paraître un peu suspect : toujours ce photographe qui vient et qui photographie...
Eustachy Kossakowski
Mais je payais 5 francs parce que avec [inaudible], il faut payer 5 francs pour être dans la cathédrale toute la journée et je faisais ce que je voulais. J'ai bien connu, de toute façon, parce que dans cette obscurité de l'intérieur de la cathédrale, des événements qui durent entre 2 et 3 minutes, quand même, il faut enregistrer, il faut cadrer. C'est quand même l'architecture. Il y a un regard de la photographie.
Inconnu
C'est pousser à l'extrême, au fond, la démarche des impressionnistes.