Peter Handke

14 novembre 1983
04m 54s
Réf. 00123

Notice

Résumé :

Autour de la création de la pièce de Peter Handke, Par les villages, au TNP.

Type de média :
Date de diffusion :
14 novembre 1983
Source :
Thèmes :

Éclairage

Peter Handke est né en 1942 à Griffen, en Autriche. Il connaît une enfance malheureuse, violente et précaire, ce qui le marquera profondément. A l'adolescence, il commence à publier des textes dans le journal de son lycée. Il commence des études de droit, mais les abandonne en 1955, quand son premier manuscrit est accepté par une maison d'édition. Dès lors, il se consacre uniquement à l'écriture de romans, pièces de théâtre et scénarios : Les Frelons (1966), L'Angoisse du gardien de but au moment du penalty (1970), La Femme gauchère (1976), Les Ailes du désir (1987, film de Wim Wenders).

Ecrivain engagé, Peter Handke est également un activiste littéraire. Dès 1966, il devient célèbre en troublant la rencontre du Groupe 47 (qui régnait alors sans conteste sur la littérature allemande) à Princeton avec sa pièce provocante Publikumsbeschimpfung ("outrage au public"). En 1996, dans son ouvrage Voyage hivernal vers le Danube, il présente les Serbes comme des victimes de la guerre civile en ex-Yougoslavie. Cette thèse suscite un tollé général, réactivé en 2005, quand Slobodan Milosevic, alors accusé de génocide et de crime contre l'humanité au Tribunal pénal de La Haye, cite Peter Handke comme témoin pour sa défense. Ce dernier déclinera l'offre, mais assistera aux funérailles de Milosevic. Peter Handke vit aujourd'hui en France, près de Paris.

Aurélia Caton

Transcription

(Silence)
Claude Regy
Il s'agissait, après Hitler, de revenir à une parole complètement neuve parce que la société avait changé et aussi pour essayer d'échapper à tout risque de systématisation, donc de totalitarisme. C'est-à-dire que ce sont des écrivains, lui le premier, qui est revenu à l'écoute de soi-même. C'est un homme hyper sensibilisé à la souffrance du monde et aux traumatismes de notre temps. En fait, c'est en se ressourçant et en ne disant que des choses instinctives dans l'instant de lui-même que tout d'un coup, il rejoint l'universel et qu'en parlant, par exemple, de sa propre famille, du suicide de sa mère dans Le Malheur indifférent ou, ici, de son frère et de sa soeur dans la pièce qui s'appelle Par les villages, en parlant de sa famille et de lui-même, il parle, en fait, de l'Histoire du monde.
Christine Boisson
« Le chemin jusqu'ici était long.
(Silence)
Christine Boisson
Déjà, à l'entrée de la vallée, les nuages de poussière s'élevaient des chantiers.
(Silence)
Christine Boisson
L'eau du fleuve en était jaune. Derrière chaque plaque de localité, une autre beaucoup plus grande portait le numéro du chantier, mais moi, j'ai pris le chemin de crête entre les vergers. Les nuages de poussière flottaient sur la pente opposée et les colonnes des camions y ajoutaient leur tourbillon de sable. La lumière devenait sulfureuse et cela finissait par arriver de loin comme une sorte de beauté.
(Silence)
Christine Boisson
Chacun ne peut pas tout mais chacun peut tout dire.
(Silence)
Christine Boisson
N'y a-t-il pas eu... un temps... où j'avais... de l'inclination... pour moi ?
(Silence)
Christine Boisson
Seul au lit, seul dans la pièce, seul dans le froid,
(Silence)
Christine Boisson
je me recroquevillais... à l'intérieur de cette caverne chaude... que j'étais ».
Claude Regy
En fait, ce qu'il demande, c'est qu'il y ait un décor qui soit une indication d'espace, mais que les comédiens ne soient pas des personnages, que les comédiens soient eux-mêmes. et qu'à force de travail, ils s'assimilent ce langage de honte qu'est cette pensée de honte, comme leur propre langage et leurs propres paroles en trouvant, d'ailleurs, dans leur vie, des équivalences très proches... Nous en avons tous. C'est-à-dire que bien qu'il y ait des supports de personnages puisqu'il y a une famille, il y a des frères, il y a des soeurs, il y a des ouvriers, il y a une intendante de chantier, il y a une vieille femme, il y a Gregor lui-même qui est le personnage de Handke en personne qui est écrivain, qui est donc là sur la scène, en train finalement d'écrire. Et tous les personnages, même muets, doivent tout le temps jouer la totalité de la pièce.
Christine Boisson
« Surtout loin du temps, on fait des détours. Laisse-toi distraire. Mets-toi pour ainsi dire en congé. Ne néglige la voix d'aucun arbre, d'aucune eau.
(Silence)
Christine Boisson
Entre où tu as envie et accorde-toi le soleil. Oublie ta famille, donne des forces aux inconnus, penche-toi sur les détails. Pars où il n'y a personne. Fous-toi du drame du destin, dédaigne le malheur, apaise le conflit de ton rire.
(Silence)
Christine Boisson
Mets-toi dans tes couleurs, sois dans ton droit, et que le bruit des feuilles devienne doux. Passe par les villages. Je te suis ».
Claude Regy
Il ne nie pas le désespoir qui traverse notre époque. Il ne nie pas les horreurs, les guerres, les violences, les menaces de guerre, tous ces événements extrêmement traumatisants et les crises aussi que nous sommes en train de vivre. Il ne se voile pas les yeux en disant : « Tout va bien ». Mais il dit une chose très importante, c'est que notre temps, c'est maintenant, et que ce temps, il faut le vivre avec ce qu'il contient de terrifiant et de catastrophique. Mais tant qu'on est là en train de le vivre, il faut aussi trouver en soi une manière de se trouver des raisons de vivre, et c'est à partir de là que, par ce regard, il magnifie et transfigure le monde et les choses.