Robert Doisneau

30 décembre 1989
04m 41s
Réf. 00168

Notice

Résumé :

Robert Doisneau nous emmène voir "sa" banlieue : dans son atelier de Montrouge, il explique pourquoi il continue à faire beaucoup de photographies, malgré son âge, poussé par la curiosité, la désobéissance et l'émerveillement. Puis nous suivons le photographe dans les rues de Gentilly.

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Date de diffusion :
30 décembre 1989
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Thèmes :

Éclairage

Né en 1912 à Gentilly, Robert Doisneau est admis en 1925 à l'École Estienne; il obtient en 1929 le diplôme de graveur-lithographe. En 1931, il se forme auprès du photographe André Vigneau et réalise peu après ses premiers reportages. Photographe industriel chez Renault, à Billancourt, il se fait licencier en 1935 pour son manque d'assiduité.

En 1946, il rejoint l'agence Rapho. Il y restera jusqu'à la fin de sa vie. Il effectue de nombreux reportages sur l'actualité parisienne, le Paris populaire et ses banlieues. Il collabore à différents magazines : Life, Vogue, Femme, Paris-Match, La Vie Ouvrière et publie une trentaine d'albums accompagnés de textes d'écrivains renommés. En 1984 la Datar lui confie une mission sur le thème des nouveaux paysages urbains.

"Braconnier de l'éphémère", il est célèbre pour ses clichés d'écoliers et de passants croisés dans les rues. Reconnu comme "photographe humaniste", il est honoré par ses pairs. Il reçoit le prix Kodak en 1947, le prix Niepce en 1956, le Grand prix de la photographie en 1983 et le Prix Balzac en 1986. De multiples expositions jalonnent sa carrière, jusqu'en 1992 avec une grande rétrospective au Musée d'art moderne d'Oxford. Il meurt à Paris en 1994.

Emmanuel Zbinden

Transcription

Présentatrice
Vous vous trouvez maintenant entre Montrouge et Gentilly, Robert Doisneau, Robert Doisneau, un des plus grands photographes de notre temps. Il a accepté de passer avec nous une journée et nous emmène voir sa banlieue. Un reportage de François Rebote.
Robert Doisneau
Pour essayer de justifier cette activité qui n'arrête pas même malgré mon âge, je crois qu'il y a trois éléments qui jouent : il y a la curiosité, la désobéissance et puis de temps en temps l'émerveillement. Ah ça oui. Il faut d'abord désobéir, ne pas essayer d'imiter ce qui a été fait dans d'autres disciplines comme la peinture ou le cinéma. Puis aller voir la littérature, mais vous savez, il m'influence beaucoup. Souvent dans mes promenades solitaires, une phrase de Prévert, une phrase de Blaise Cendrars, Ardelet m'aident beaucoup. Je prends même ça comme le petit air qu'on sifflote.
Journaliste
Vous êtes parisien ?
Robert Doisneau
Je suis presque parisien, pas complètement. Je suis banlieusard surtout. Je suis né à quelques encâblures d'ici. J'ai mis soixante cinq ans pour faire 1400 mètres. On ne peut pas dire que je sois un globe trotter. Je suis né à Gentilly, sur la vallée de la Bièvre, dans un décor qui était absurde et gris, qui maintenant est beaucoup plus bétonné. Je suis monté à Montrouge ici parce que cet atelier me plaît beaucoup. Je m'y sens bien, les enfants sont nés ici, on a vécu avec ma femme ici. J'aime bien mon volume. Je vais m'asseoir sur les marches de la loggia pour bouquiner. Ah oui, on est bien. On a besoin de temps en temps, quand on a traîné, je n'ai jamais été un grand reporter, un grand voyageur. On m'a expédié comme un colis en Sibérie, sur la côte Pacifique. Mais je voyage mal. D'abord, je suis monolingue. Et pour bien travailler, il faut que je puisse parler avec les gens.
Journaliste
Et vous êtes content de rentrer à Montrouge ?
Robert Doisneau
Ah oui, je suis content de retrouver... Je ne suis pas pantouflard du tout, ce n'est pas ça. Mais il y a une odeur, il y a quelque chose, et les souvenirs, des bouquins, les témoignages d'amitié de mes copains, ça c'est nécessaire de revenir au bercail de temps en temps. Il y a une chose qui me tourmente un peu en ce moment, c'est que j'ai un reportage à faire, pas un reportage, un petit livre à faire sur la commune où je suis né à Gentilly. Et je n'arrive pas bien à comprendre comment je vais m'y prendre.
Journaliste
Est-ce que je peux vous suivre ?
Robert Doisneau
Je préfèrerais être seul mais aujourd'hui, nous allons partir ensemble. Voilà, c'est le vieux Gentilly, c'est la vallée de la Bièvre. La rivière coule à trois cent mètres d'ici. Et puis écoutez : on se promène aujourd'hui dans cet endroit, qui pour moi, avec cette lumière-là éteinte, un encouragement à la paresse. J'ai même pas besoin de calculer les choses. Je sais que ce film : 400 ASA, F-11, 500e, c'est tout bon.
Journaliste
500e, c'est la vitesse ?
Robert Doisneau
Ah oui.
Journaliste
C'est l'ouverture ?
Robert Doisneau
L'ouverture.
Journaliste
Et 400 ASA ça donne du grain ou...
Robert Doisneau
Pas beaucoup. C'est tout à fait supportable.
Journaliste
Et vous développez vous-même vos photos noir et blanc ?
Robert Doisneau
Je continue à faire ma petite cuisine.
Journaliste
Vous aimez ça ?
Robert Doisneau
J'aime ça non, pas tellement mais quand je donne mes films à développer à l'extérieur, si ce n'est pas très bien, j'accuse toujours les autres. Là, je n'ai qu'à m'en prendre à moi-même.
Journaliste
Là vous allez photographier ce volet par exemple, il vous inspire non ?
Robert Doisneau
Non, là j'aimerais bien rester, avoir dans le rectangle ça à gauche puisque c'est quand même une matière qui est très riche, et puis attendre l'heure du déjeuner pour que... Je pense, voilà, une dame qui commence à venir. Je crois qu'elle vient par ici. Ici il faut pas s'étonner, vous savez, c'est une ville où les jardins sont suspendus. Au-dessus, vous voyez, y'en a un là.
Journaliste
Oui.
Robert Doisneau
Là, celui-là, il est volontairement placé. Lui, il a poussé sauvagement. J'ai essayé de faire une photo de la façade à gauche. Je crois qu'à cette heure-ci, la lumière n'est pas très bonne pour moi. Il faudrait revenir en fin de journée.